Cousson : Pèlerinage au sommet de la Montagne des Dignois

Cousson, c’est un peu le Mont Sinaï de Digne. Peut-on d’ailleurs être vraiment Dignois sans être monté à son sommet, à l’instar des Slovènes au Triglav ? N’étant ni Slovène, ni Dignois, j’ai cependant eu envie de me lancer sur cette classique dont la notoriété chante à mes oreilles depuis de bien longues années. Il était temps d’aller à Cousson pour se laisser séduire à mon tour. L’occasion s’est présentée, un peu avant le début de la saison des tournages. Une échappée belle avec Raphaèle qui nous a totalement convaincus. Cette boucle, assez longue mais fluide, nous a enchantés. À même se demander pourquoi on a attendu aussi longtemps pour y aller ? Je suis donc ravi de pouvoir l’ajouter aujourd’hui à la collection d’itinéraires du blog. Comme on dit outre-Atlantique, c’est réellement un instant classic qui se recommande les yeux fermés. J’en fais trop ? Regardez alors et laissez vous tenter !

Difficulté : difficile | Distance : 17 km | Durée : 5h45 | Dénivelé : 950m | Chiens admis : oui | Carte : IGN TOP25 1/25000è 3440ET – Digne-Les-Bains / La Javie / Vallée de la Bléone

J’ai décidé de commencer par le moins intéressant. Au moins comme ça c’est fait, on n’en parle plus. On a donc laissé la voiture sur le parking en face de l’école du Pigeonnier (D/A) et on arpente le bitume vers le centre-ville de Digne, en remontant patiemment l’Avenue des Thermes, d’abord, puis l’inévitable Avenue du 8 mai 1945, ensuite. Des artères passantes et qui n’ont pas grand-chose d’excitant à offrir au marcheur. Un passage obligé pour ensuite s’échapper du brouhaha dignois par l’Avenue François Cuzin – figure de la Résistance – direction Le Gassendi et Cousson en suivant les balises blanc et rouge du GR®406. Le 406 c’est la Route Napoléon pour itinérants. 127 kilomètres de Malamaire à Sisteron qui transite ici par la Préfecture des Alpes-de-Haute-Provence.

Cousson

Plus loin, face au Collège Gassendi (1a), il est temps de quitter l’avenue pour l’impasse du Chemin du Cousson. Le début d’une patiente ascension vers le sommet de la montagne des Dignois qui propose, très rapidement, deux chemins au marcheur. (1b)

>> Jonction avec le Chemin de Camarantran

Ce n’est pas le Chemin de Caramantran, mais celui des Oreilles d’Âne, via le GR®406, que je choisis. Le Cousson est, à ce moment-là, à 7km et 3h de marche de Digne. Le bitume stoppe net avec la dernière habitation et ne reviendra pas avant la toute fin de journée. Au-delà, un chemin s’ouvre dans le sous-bois, primitivement défendu par une volée de marches en rondins. La véritable randonnée démarre maintenant.

L’histoire commence par une montée plutôt sèche, sur un single bien taillé et tout en virages courts. Une première centaine de mètres d’altitude qui se prennent en à un peine un gros quart-d’heure. La première pause se fait à l’issue, en s’échappant du sentier à la faveur d’une trouée évidente ouvrant sur un replat lumineux et bien formé (2) qui propose une vue éclatante sur Cousson, notre objectif du jour. Un spot photo qui tombe sous le sens. Je vous invite au passage à aller explorer l’arrière de ce petit terre-plain et d’y débusquer une vague trace qui vous amènera près d’un petit chaos de rochers offrant, eux, une très belle vue sur Digne en contrebas. Ceci étant fait, il faudra revenir sur notre chemin initial pour poursuivre l’ascension.

Cousson

Sur ce versant ouest, la vue se libère peu à peu. Une jolie traversée libère un large point de vue sur le sud-ouest de l’agglomération de Digne et la vallée de la Bléone. Le chemin jaillit dans des pelouses puis s’en va sinuer sous de gros et beaux hêtres (ci-dessous) qui font de l’ombre à une ruine oubliée avant d’atteindre le poteau signalétique du Chemin des Oreilles d’Âne à 920m d’altitude (3). À ce stade, il ne reste plus que 2h et 5 kilomètres d’ascension vers Cousson. La suite s’effectue sous l’ombre appréciée de résineux jusqu’à toucher une jonction avec les Basses Bâties trente mètres plus haut (4a).

>> Jonction avec le Vallon des Ferréols

Moins de 50 mètres plus loin, nouvelle flèche signalétique au moment de prendre pied sur une large piste carrossable (4b). Il y a décidément du budget pour le balisage dans les Alpes-de-Haute-Provence ! C’est le petit ventre mou du tracé. 500 mètres d’une piste quelconque jusqu’à pouvoir à nouveau obliquer sur un sentier à la taille du randonneur. L’altitude stagne quand s’atteint la flèche suivante : 985 mètres. (5)

>> Jonction avec le PR de la Chapelle Saint-Jean (itinéraire de retour)

Il est temps de quitter la piste pour un chemin parallèle qui préfère jouer entre les troncs des résineux. Il finit par s’écarter de la voie carrossable pour engager une ascension plus marquée sur un sol tapissé de racines et de pommes de pins. Un petit oratoire se découvre sur la gauche du sentier. La forêt embaume la résine. La pente se stabilise vers 1080 mètres à la faveur d’un couloir de buis. Celui-là débouche à proximité d’une clairière où trône un épicéa aux allures de seigneur (6). Ainsi qu’une source au débit encore abondant qui chute dans une large vasque de pierre. Un emplacement de pique-nique invite à tirer le casse-croûte du sac ici plutôt qu’au sommet. On devrait y être plus à l’abri du vent de nord qui commence à agiter la forêt.

>> Le GR®406 se poursuit vers le Pas d’Entrages (chemin du retour)

Cousson

Il est temps de quitter le GR® pour le PR® balisé en jaune qui propose le Cousson à 1h30 des Hautes-Bâties où nous nous trouvons. La reprise est immédiatement plus raide, dégageant très rapidement derrière nous une large vue sur les sommets encore largement enneigés des contreforts de la Tête de l’Estrop (ci-dessus). Un brusque appel d’air nous rappelle au sentier. Sur cette courte section, l’érosion est dangereusement proche, lardant subitement le flanc ouest de profondes ravines désagrégées (7). Le passage ne semble tenir qu’à un fil. On le franchit en hâte non sans avoir passé une tête curieuse vers ces abîmes dénudés et calcifiés où la vue vers Digne et le sommet de la Bigue se libère intégralement.

À l’approche du sommet de Cousson, prisé des parapentistes, le PR® dévie à droite pour s’engager à flanc de son versant occidental et traverser une hêtraie pentue (8). Un moment de répit dans un décor entièrement renouvelé et qui dessert l’un des petits passages assez spectaculaires de l’itinéraire : le Pas de Boudillon (9).

Le Pas de Boudillon : une courte envolée en vire qui crochète la barre rocheuse pour surgir dans les espaces plus rassurants de la face sud et annoncer les derniers mètres de marche avant le ressaut final.

C’est une sorte d’écharpe rocheuse enroulée autour d’un éperon proéminent et étrangement démarqué de l’arête sud-ouest. Un joli petit pas, court mais bienvenu, à considérer avec la prudence requise par sa nature très gentiment aérienne. Après ce passage amusant, une courte pente rallie une crête étirée sud-ouest sous le sommet du Cousson. Une flèche jaune nous y indique la direction à suivre. (10)

Cousson

Cousson

Le sommet, parfaitement chauve, est bien en vue, objectif à portée de main et dressé au bout de la ligne d’une large crête arrondie. L’étage sommital fait entrer le randonneur dans un nouveau chapitre paysager. Ici on se saoule d’air et on s’abreuve d’espace. Sur le sol piqueté d’herbe rase, les petites étoiles bleutées de gentianes printanières kidnappent mon attention. Cette dernière partie d’ascension est un aboutissement visuel. 1400 mètres : la flèche des Estourons est dépassée (11). C’est l’avant-dernière avant le sommet qui succède à ces étranges 77 poutres de chênes, installées à intervalles réguliers sur le plateau. Une œuvre symbolique sur le thème du passage réalisée en 2018 par l’artiste Richard Nonas, décédé cette année, et intitulée « le Col du Deuxième Jour ».

>> Jonction avec le PR® venant de La Braïsse

Cousson

Dernier assaut. Pas le moindre. Sur 100 mètres de dénivelé et 300 mètres de distance, le Cousson défie une dernière fois les prétendant(e)s à son sommet. La pente est féroce. On en vient à bout armé d’une patiente obstination, d’un pas lent et cadencé soutenu par un mental incorruptible. La réussite s’obtient à 1511 mètres, marquée par une flèche signalétique qui sert de repère d’ascension. Un cairn massif confirme l’emplacement : on est bien au sommet ! (12) Le cardio encore palpitant de l’effort et les cheveux agités par de sporadiques rafales, on se laisse aller à la contemplation bien méritée de ce panorama aux limites lointaines et parfois difficilement perceptibles.

Cousson

Cousson

Plein ouest c’est la sortie de la vallée de la Bléone qui déroule son large ruban liquide jusqu’à quasiment l’axe de la ligne de crête de la Montagne de Lure (ci-dessus). À l’opposé, plein est, la vue s’arrête d’abord sur le rempart parfait de la Barre des Dourbes, close plus au nord par l’envol du Sommet de Couard. Au-delà, plus haut, plus loin et se prolongeant vers le nord, c’est l’union des cimes du Haut Verdon et du Mercantour. Et puis il y a le sud, qui s’affaisse en abrupts soudains pour révéler la longue vallée de l’Asse en-dessous de Chateauredon, invisible. Un peu plus en amont s’y ouvre la Clue de Chabrières, un endroit magistral qui a toujours suscité une certaine fascination chez moi et par laquelle s’engouffre la rivière depuis sa source, en-dessous du sommet du Chiran (ci-dessous).

Cousson

Le PR® se poursuit maintenant plein Est sur l’une des très belles sections de l’itinéraire. Une marche entre terre et ciel, là-haut sur les espaces du Cousson parcourus par le vent. C’est dans ce décor inspirant qu’a été érigée la magnifique chapelle de Saint-Michel-de-Cousson, le clou du spectacle (13). Une construction intime, sans artifice, dont la taille modeste tranche avec l’abime au-dessus duquel elle s’enracine avec grâce. L’endroit suscite l’émerveillement, foi ou pas foi. On y savoure une pause à l’abri du vent, les pieds flirtant avec le vide. Un spot essentiel à mes yeux, inscrit dans la continuité d’un itinéraire de randonnée jusqu’à maintenant très qualitatif. Au-delà de la chapelle, le sentier se perd dans un fouillis de végétation et rejoint la flèche signalétique du Merle (14).

>> Jonction avec le PR® qui va/vient à Châteauredon

Cousson

Cousson

Le retour s’amorce à flanc d’un versant colonisé par des pins fuselés, aux premières loges pour contempler le dôme du Sommet de Cousson qui remplit le paysage à l’ouest (ci-dessus). Une descente sans histoire nous avale ensuite rapidement parmi les buis pour déboucher au niveau du Pas d’Entrages. (15)

>> Jonction avec le GR®406 et le GR® de Pays Préalpes d’Azur qui va/vient d’Entrages

On tourne le dos à la descente vers le hameau éponyme pour rester en versant ouest et rejoindre, plus bas, le thalweg du Ravin de Richelme. Le balisage y opère un changement de cap brusque vers le nord (16), sous les frondaisons plus hautes des sous-bois encerclant le chemin. Une nouvelle flèche est rejointe qui invite les cavaliers à préférer le chemin de droite et les marcheurs celui de gauche (17). Une initiative bienvenue qui permet d’éviter l’ennui d’une piste à venir pour le charme certain d’un sentier plus aguichant offrant en arrière-plan le décor des falaises surplombant l’Ubac de Richelme. On y trouve également un passage équipé de barrières de bois lorsqu’un versant rocheux, plus raide et berceau de quelques sources en jaillissant en cascades, vient à être coupé.

>> Jonction avec le chemin équestre parcourant le Ravin de Richelme

Quelques mètres de piste à parcourir par la gauche et nous voici de retour aux Hautes Bâties de Cousson où nous avions déjeuné précédemment (6). C’est le petit tronc commun de cet itinéraire. Une courte marche sur nos propres pas jusqu’à rejoindre la flèche du Chemin de Saint-Jean (5). Pas question d’aller davantage à rebrousse-poils : cette fois on pique à droite, plein Est, par le PR® indiquant la chapelle, à travers un chablis foutraque. La pente se raidit et le sentier s’enlace pour buter contre une plantation de hauts pins où barrière et bel escalier en rondins ont été aménagés pour limiter l’érosion du chemin. Encore un passage inattendu.

Le sentier s’obscurcit un temps avant de revenir à la lumière aux abords de la chapelle Saint-Jean, bâti ermitique et troglodytique (ci-dessus) (18) à proximité d’une source qui a longtemps été vitale pour la ville de Digne. C’est celle-là même qui alimenta, pendant plus de 400 ans, les fontaines publiques de la commune. Et qui coule encore fort le jour de notre passage, inondant largement le chemin en contrebas avant de basculer dans le creux d’un thalweg raviné, au pied de strates à l’allure torturée. En lacets plus tranquilles, le chemin accompagne le cours cascadant du torrent, face aux murs gris-orangés des falaises abritant la chapelle Saint-Pancrace. On se laisse nous aussi couler jusqu’au Vallon des Sources, un domaine résidentiel élevé en rive gauche du torrent des Eaux-Chaudes (19).

>> Jonction avec le PR® allant/venant des Thermes et de Saint-Pancrace

Cousson

Après avoir traversé le pont franchissant le torrent, on prend pied sur le sentier, à gauche, qui file en rive droite de celui-ci en longeant le camping encore désert des Eaux Chaudes. Une ultime section qui cultive jusqu’au bout l’agréabilité périodiquement renouvelée de cet itinéraire gratifiant. Au pont de Barbejas il suffit de suivre la route à gauche (ou, comme nous, de couper par l’aire de repos histoire d’éviter le goudron) pour retrouver le véhicule laissé le matin sur le parking. Point final d’une boucle dont on mesure instantanément la légitimité du titre de classique.

ACCÈS

Le départ se fait à Digne-les-Bains, accessible en voiture par l’A51 depuis Gap ou depuis Aix-en-Provence. Au rond-point du centre-ville de Digne, il faut suivre la direction Les Dourbes, Entrages, Préfecture, les Thermes. Continuer tout droit au prochain rond-point (celui d’Intermarché). Atteindre une zone de HLM sur la droite : la dépasser ainsi que l’école du Pigeonnier qui lui fait suite et juste après, dans un virage à droite, aller se stationner sur un espace dégagé qui officie comme parking sur la gauche.

LA CARTO

Les chiffres sur la carto font référence aux points de passage mentionnés en rouge dans l’article descriptif ci-dessus.

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES

Une attention particulière sera portée lors du passage en (7) ainsi qu’au Pas de Boudillon. À noter qu’un câble métallique est présent à ce dernier pour sécuriser les personnes les moins à l’aise. Prudence également à proximité de la chapelle Saint-Michel : les ravins sont profonds. La prudence est plus spécialement de mise pour les photographes à la recherche du cliché parfait sur le petit monument. Ne prenez pas de risque inconsidéré pour une photo.

AVIS PERSO

Incontestablement une classique dont j’ai remisé pendant trop longtemps la découverte. Partir d’un centre-ville pour s’élever vers le sommet de cette montagne est intéressant et m’a rappelé quand je quittais le brouhaha de Grenoble, via la Bastille, pour prendre de l’altitude sur les premiers sommets de la Chartreuse. La sensation de s’évader des limites du monde humain y est forte. Ensuite il n’y a pas grand-chose à jeter. Le sentier se réinvente suffisamment pour empêcher l’ennui de s’installer. La variété des décors sur cette petite superficie est, en soi, surprenante.

Cousson

La multiplicité des vues ouvertes est aussi un authentique atout. Pas besoin d’attendre le sommet pour voir loin et à chaque versant son horizon. Cousson se confirme comme l’un des très bons promontoires pour appréhender l’ensemble de l’espace dignois. Paysagèrement, on n’est jamais déçu. Mention spéciale à la vue depuis les crêtes sommitales sur la vallée de l’Asse, les Dourbes et le Haut-Verdon. Et puis il y a Saint-Michel, toute frêle sur son pilier de roc. Une impression visuelle très forte et qui vaut à elle seule de réaliser l’ascension. C’est la carte postale de Cousson et elle est splendide. L’intimité du lieu rejoint le spectaculaire. Un point d’orgue après la satisfaction d’avoir atteint le sommet. C’est assurément le temps fort number one de ce circuit qui est loin d’en manquer. Je retiens également l’amusant petit Pas de Boudillon qui pimente l’ascension d’une courte parenthèse rocheuse.

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One Comment

  1. THEVENIN Daniel Répondre

    Magnifique randonnée qui nous rappelle celle, plus courte , de la chapelle Saint-Pancrace effectuée depuis les thermes lorsque nous avions séjourné au vallon des sources pendant une cure aux thermes. Une classique aussi que cette dernière. Le pays dignois est plein de ressources en matière de randonnées, je fais des jeux de mots et des répétitions sans le vouloir, j’y mets donc un terme.

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