Dévoluy : une ascension qui va Obiou des choses

C’est le plus haut sommet du Dévoluy. Une allure fière, imposante, presque dolomitique. L’Obiou, cet aimant qui attire irrésistiblement le regard quand on l’observe depuis la Matheysine, fascine et inquiète. Il semble inatteignable. On dit des choses de lui, on veut en faire un sommet effrayant. Le mythe de l’Obiou s’est construit à la fois sur des faits avérés et aussi des rumeurs de danger mortel. Pour en finir avec la légende urbaine et tenter de dresser un portrait juste et honnête de cette montagne, Carnets de Rando s’est lancé dans son ascension et a été jusqu’Obiou.

Difficulté : difficile | Longueur : 11 km | Durée : 7h | Dénivelé : 1400m

L’Obiou, un mythe, accompagné de son cortège d’histoires alarmantes et tragiques. On y parle de passages délicats, voire dangereux. Parfois de chutes, souvent de peur. Réalité ou légende, c’est en tout cas suffisant pour susciter l’intérêt des montagnards en quête de sommets sauvages. Enraciné jusqu’au Drac, le socle de l’Obiou impose sa présence dans le panorama. La montagne a cette allure fière qui éveille chez le passionné des envies d’ascension. Le départ se prête d’abord à la flânerie et au plaisir d’évoluer dans ces beaux alpages qui s’élèvent au-dessus du col des Faïsses. Un paysage écrasant pèse ensuite sur quiconque s’avance jusque dans la Combe du Petit Obiou. En face, les falaises du Petit Obiou affichent une verticalité redoutable. Entre les deux, un cirque de pierre gris, en forme d’entonnoir, surmonté d’une barre rocheuse où je m’efforce de distinguer un passage. En chemin, l’insolite Grotte du Petit Obiou constitue un intermède original dans cette dantesque ascension. L’esprit de l’Obiou commence à se faire sentir, là, dans ces instants à flanc de rocher, totalement pénétrés par l’ombre de cette montagne. Une rudesse qui exige de l’endurance et un pied agile pour se laisser apprivoiser. On rejoint ainsi, ce qui, dans les milieux autorisés, est considéré comme l’une des deux plus importantes difficultés de l’ascension de l’Obiou.

Avec son allure dolomitique, l’Obiou a cet aspect à la fois effrayant et fascinant qui fait la renommée des grandes montagnes. Une vertigineuse vertèbre surgie de la colonne occidentale du Dévoluy, immense sentinelle dressée au-dessus du Trièves et qui semble veiller sur l’accès au massif dont elle constitue le point culminant. Entre légende et réalité, l’Obiou est un peu cette montagne de conte de fée dont on aime se raconter l’histoire pour se faire peur au bivouac.

On parle ici d’escaliers dévoluards. De la simple menuiserie géologique ! Un vaste amphithéâtre de strates, qu’on remonte comme on remonterait des gradins sous un chapiteau, où le seul véritable danger est de se ramasser une pierre sur le coin du nez. La nature du terrain rend le chassé-croisé mouvementé et bruyant ! Il faut de tout pour faire un Obiou ! La suite, une fois le col rejoint, consiste à débusquer les zones de faiblesses d’une montagne qui n’en a que très peu dans les gradins et vires abrupts de la face sud. A moins de tenter sa chance par les cheminées étroites de la voie des Chattières. Le désert d’altitude du Dévoluy explose à perte de vue. Sous des sommets aux lignes dures dégringolent des vagues de pierriers qui tapissent intégralement le massif. La rocaille est souveraine et il faudra l’aimer pour prendre du plaisir à progresser jusqu’au sommet. Confiance et adhérence seront vos principaux alliés pour franchir, l’espace de quelques instants, la frontière qui sépare la randonnée de l’escalade. La Vire de la Cravate s’ouvrira alors, magnifique progression au-dessus des ravins plongeant dans la combe de la Fuvelle. Tout ici pourrait n’être qu’hostilité mais, sous le soleil éclatant des Alpes du Sud, l’austérité du Dévoluy est radieuse. Transcendé par l’effort et par l’ambiance, le marcheur pourrait tout aussi bien se croire sur la Lune.

Carré Obiou

– LA VUE LA-HAUT –

L’Obiou n’a pas usurpé sa réputation de phare. D’un seul coup d’oeil, je peux embrasser l’ensemble du territoire qui relie Grenoble à Gap. De son sommet ce sont toutes les Préalpes du Nord et une grande partie des Alpes, nord et sud confondus, qu’on peut apercevoir. Dans un flou indistinct, le Mont Ventoux et les Trois Becs représentent la Provence. Plus proche, la longue barrière du Vercors est intégralement visible avec un surprenant Mont-Aiguille, en mode camouflage. De Grenoble à Gap, du Vercors à l’Ubaye, de la Provence aux Ecrins, le panorama au sommet du phare qu’est l’Obiou explose. Face au Vercors, les massifs du Taillefer, du Grand Armet et du Valbonnais précèdent les reliefs plus prestigieux des Ecrins. La face sud de La Meije s’aperçoit, puis le sommet de la Barre des Ecrins et, plus au sud encore, l’Olan et ses suivants, du côté du Valgaudemar et du Champsaur. Les plus attentifs pourront terminer ce tour d’horizon de montagne en cherchant Belledonne, les Grandes Rousses et, plus difficile encore, les Aiguilles d’Arves. Puis, par derrière le Pic de Bure et le Dévoluy, chevaucher de massif en massif pour aller du Gapençais jusqu’à l’Ubaye et l’Italie.

Obiou Randonnée Ascension Sommet

– INFOS PRATIQUES –

Carte : IGN 1/25000 TOP25 3337OT Dévoluy, Obiou, Pic de Bure
Accès : en voiture, accès depuis Corps qu’on rejoint par la N85 via Gap, au sud, ou Grenoble puis Vizille, au nord, via la rampe de Laffrey. A l’entrée de Corps (quand on vient de Grenoble), quitter la N85 pour la D537 en direction de Mens et du Dévoluy. Descendre au niveau du lac du Sautet, franchir le barrage puis remonter par une route en lacets. Dans la longue ligne droite qui suit, tourner à droite en direction du hameau des Payas, direction Mens, par la D66a. Traverser le hameau et, juste au niveau de sa sortie, repérer une petite route à gauche avec un panneau en bois indiquant « Col des Faïsses, Obiou ». Suivre cette route qui s’élève jusqu’à une intersection en T. A ce niveau, tourner à droite par une piste à la viabilité globalement honnête. Elle monte en lacets jusqu’au col de la Samblue, dans les bois. Continuer encore une poignée de kilomètres jusqu’à émerger de la forêt. Repérer un petit parking et se stationner avant la barrière canadienne interdisant le passage des véhicules.
Topo : franchir à pied la barrière canadienne. Peu après, s’élever à droite par un petit sentier qui quitte la piste et grimpe sèchement sur la colline qui la borde. Il s’infléchit vers l’ouest, traverse une pinède clairsemée puis rejoint une large arête qui prend la direction de l’Obiou. Le chemin se raidit ensuite davantage et franchit de rapides petits gradins calcaire au niveau du Pas du Vallon (1) avant d’arrondir à flanc, en direction d’un large vallon herbeux. Contourner ainsi la Combe du Petit Obiou pour rejoindre, plus haut, la base d’un grand cône pierreux (2). Le gravir à la faveur d’une trace raide et sinueuse jusqu’à approcher du pied des falaises de l’Obiou (3). A partir de là, l’itinéraire se fait moins raide tandis qu’il s’élève à flanc et régulièrement sur un terrain rocheux plus ou moins accidenté en suivant un balisage de traits rouges. On atteint la base du couloir (4), en fait une succession de gradins rocheux dans une sorte d’entonnoir à la pente moyenne et qui permet de gagner le col de l’Obiou (5). Au col, monter à droite, en direction de l’Obiou. Le balisage rouge infléchit vers la gauche et s’échappe dans gradins plus larges mais légèrement déversants pour rejoindre le fil d’une arête grossière (6). C’est le début de la partie « escalade » dans des ensembles rocheux larges et évidents. A la sortie, c’est la vire de la Cravate puis, juste après, une petite cheminée bien protégée à descendre. Un chemin plus évident y fait suite qui oblique plus tard à droite (7) pour remonter en sinuant jusqu’au sommet de la calotte de l’Obiou. Descente par le même itinéraire, avec possibilité, de visiter, en aller-retour, la Grotte du Petit Obiou (8).

iti_obiou
Les autres possibilités : après le col de l’Obiou il est possible d’atteindre le sommet par la voie dite des Chatières. Pour ce faire, il faudra se hisser et s’engager dans la faille bien marquée qu’on aperçoit dans la première barre rocheuse qui dessert la vire supérieure à votre position. Une voie sur celle-ci il faudra naviguer à droite en direction de l’éperon nord de l’Obiou. Un vague sentier et des cairns vous aideront dans cette entreprise ainsi qu’à trouver l’entrée de la seconde chatière dans laquelle il faudra contourner deux gros blocs coincés. Le second est à proscrire pour les personnes un peu trop larges… A la sortie, le sommet n’est plus loin ! Il existe également une ascension côté nord, qui remonte l’intégralité de la crête du Rattier, gagne le sommet du Bonnet de l’Evêque, traverse la crête de Malpasset et rejoint enfin l’Obiou. Une bavante alpine exigeante, aérienne, dans un terrain malaisé et qui coûte dans les 10h d’effort aller-retour. Avis aux amateurs !
Notes : rendons à César ce qui appartient à César. Non, l’Obiou n’est pas l’Eiger et acceptera du monde sur son sommet, à condition d’être bien encadré et équipé pour les personnes pas forcément à l’aise sur ce genre de terrain exigeant et, à de très courts moments, impressionnant. Il conviendra surtout de se méfier des chutes de pierres dans le couloir : surveillez bien les gens qui évoluent au-dessus de vous ! Pour la suite, si vous n’avez aucune expérience du terrain montagne et de ce qu’il signifie en terme de progression et d’exposition, ne faites pas de l’Obiou votre premier objectif ! Si, en revanche, vous êtes un peu familier de ces itinéraires d’altitude qui réclame un peu d’engagement et d’aptitudes à grimper sur de courtes sections pourvues de bonnes et multiples prises, et à marcher sur du rocher en marge de tout sentier, alors aucun problème. J’attire votre attention que c’est dans la descente, lorsqu’on fait face à la pente, qu’être pourvu de ces capacités sera le plus important. Par ailleurs, et dans l’optique de passer cette phase de descente dans les meilleures conditions, ne vous grillez pas à la montée ! Un casque ne sera pas de trop en cas d’affluence ! Et n’oubliez pas l’eau !
Les hébergements : pour ma part je dors sur la Joue-du-Loup quand je viens dans le secteur car j’y compte beaucoup d’amis. Si tel n’est pas votre cas, il peut être recommandé de dormir sur Corps. Un coup d’oeil au site de la municipalité pour repérer les bonnes adresses où se poser.
Bibliographie : L’Isère… à pied : l’indispensable topo-guide pour aller plus loin dans la découverte des sommets de ce département. Accompagnés de leurs cartes et d’informations, voici 38 itinéraires de randonnées en Isère, notamment plusieurs dans le Trièves tout proche. Prix indicatif : 14,5 € | Le Guide IGN Isère : la contribution des guides Libris édités par l’IGN pour découvrir, entre autres, le Trièves et le Dévoluy avec ce guide multi-loisirs qui propose 120 idées de sorties outdoor dans le département. De la randonnée, mais pas que ! Prix indicatif : 18,50 €

EN BREF

Incontestablement un sommet à réaliser quand on est amoureux de l’altitude. Exaltante du début à la fin, l’ascension de l’Obiou c’est l’assurance de baigner en permanence dans une grande et belle ambiance montagne. A condition d’être à l’aise dans du terrain gentiment escarpé et parfois aérien. La descente impressionnera d’ailleurs davantage que la montée. Pensez-y !

by-nc-ndCe reportage Carnets de Rando, sous licence Creative Commons, est la propriété exclusive de Carnets de Rando. Son usage à des fins non commerciales est autorisé à condition de mentionner son appartenance au site www.carnetsderando.net. Pour toute autre utilisation, merci de me contacter.

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3 Comments

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      salut Sébastien ! et oui ça faisait un bail ! je me demandais où tu étais passé récemment même ! Les images étourdissantes c’est la nouvelle caméra ! matériel neuf + supers conditions en montagne = images géniales !

  1. Annie Répondre

    Scotchée !!!! je n’ai lu que le récit et pas encore vu la vidéo ! mais tu as du comme je te connais te régaler ( toutefois je me dis tu es un peu « fou » )!!! ……..mais tu es vivant !!!!!!!!!!!! c’est pour moi le principal après ce récit un peu « hard »…. 🙂 (Y)

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