Hautes-Alpes : les Balcons du Queyras à raquettes

C’est l’une des destinations favorites des randonneurs à raquettes. Et il faut y avoir goûter au moins une fois pour en comprendre les raisons. Terre de lumière et d’espace, le Queyras offre en effet des dizaines d’opportunités d’échappées dans le grand blanc avec la promesse, chaque fois renouvelée, de panoramas lointains et sensationnels sur les Alpes du Sud et l’Italie tout proche. Le tout habilement mêlé à une sensation d’immersion profonde. C’est au départ de Saint-Véran, le plus haut village d’Europe, à plus de 2000 mètres d’altitude, que l’agence Destinations Queyras propose l’un de ses séjours phares à la découverte de ce massif d’exception. Carnets de Rando s’est joint à l’un de ses groupes pour vous ramener quelques images inspirantes qui devraient, j’espère, vous convaincre de faire du Queyras votre prochaine destination raquettes.

– INFOS PRATIQUES –

Avec qui partir : les randonnées présentées dans ce reportage et cet article sont proposées par Destinations Queyras dans leur circuit intitulé « les Balcons du Queyras à raquettes ». Il s’agit d’un séjour en étoile, au départ de Saint-Véran (Hautes-Alpes), en hôtel, accompagné par un professionnel diplômé. Pour en savoir plus et réserver votre place pour un prochain départ, n’hésitez pas à consulter la fiche descriptive du voyage sur le site de l’agence.
Niveau & Difficulté : les itinéraires peuvent être effectués par des personnes pratiquant habituellement la randonnée. Les dénivelés quotidiens n’excèdent pas – ou peu – 600 mètres positifs, pour des temps d’activité d’environ 5 à 6 heures en extérieur. Portage des affaires de la journée et du pique-nique (fourni par l’hôtel). Une connaissance préalable de la marche en raquettes n’est pas obligatoire.
L’hébergement : nous avons été hébergés à l’hôtel du Grand Tétras, sur Saint-Véran. C’est un deux étoiles bien confortable, à l’ambiance familiale agréable. Le staff repère vite qui est qui et se montre très accueillant et très disponible. On a passé de bons moments en salle de restaurant avec Antoine et Mathieu. Et on a copieusement mangé. Le petit-déjeûner face aux crêtes de la Combe Arnaude et de la Rousse illuminées par le soleil levant était un vrai plaisir ! Une super bonne adresse.
Tarif: premier prix à partir de 630 euros la semaine

– LES RANDONNEES AU PROGRAMME –

Etiré sur les pentes sud de la Montagne de Beauregard, Saint-Véran prend le soleil d’une fin de journée d’hiver. Dernier bastion d’habitat humain avant la frontière avec l’Italie, le village contemple le visiteur du haut de ses 2050 mètres d’altitude et de ses près de quatre siècles d’histoire. C’est la première fois que je le découvre sous son blanc manteau hivernal. Ma dernière visite au plus haut village d’Europe remonte déjà à dix ans. J’étais venu y présenter ma conférence sur la traversée des Alpes, à des lieues d’imaginer y revenir en 2018 pour Carnets de Rando, qui n’existait alors même pas. Ma toute première fois c’était il y a encore plus longtemps, en 1996. A l’époque, un centre UCPA y était encore présent. Du haut de mes 21 ans, j’étais parti avec le fameux organisme pour un Tour du Viso que je n’ai pas oublié. C’était mon premier contact avec le Queyras. Ce n’est donc pas sans une pointe de nostalgie que je franchis une nouvelle fois les portes du village, les pieds dans la neige cette fois et une caméra sur l’épaule, impatient de découvrir ce que le Queyras a à m’offrir en hiver. Il faut dire que ce massif emblématique des Alpes du Sud fait parler de lui à cette saison, en étant souvent qualifié d’eldorado de la raquette. Il était temps pour moi de venir me frotter à l’aura magnétique de la légende.

Plus haut village d’Europe, classé parmi les plus beaux de France, Saint-Véran et ses maisons du 17ème siècle s’exhibe à plus de 2000 mètres d’altitude comme un musée d’altitude de l’architecture montagnarde. Il y a pire comme base de départ pour s’en aller sillonner quelques-uns des plus beaux itinéraires à raquettes que compte le Queyras

C’est avec Destinations Queyras que j’ai monté ce projet auquel ont pu se joindre quelques membres de la communauté de Carnets de Rando. Une initiative qui a permis à trois d’entre eux de rejoindre une poignée d’habitués sur l’un des séjours classiques de l’agence : les Balcons du Queyras, à raquettes. Cinq jours en étoile, la crème de la crème de la randonnée au quotidien avec, aux commandes du groupe, Léo Gayola, accompagnateur en montagne et photographe animalier, qui avait en charge le choix des itinéraires fonction des conditions météo et d’enneigement. L’hiver, la question de la sécurité atteint un niveau supérieur. Le risque d’avalanche, omniprésent, se doit d’être évité par une sélection rigoureuse et adaptée des circuits de randonnée. Tous les participants écopent donc d’un DVA – Détecteur de Victime en Avalanche – d’une pelle, d’une sonde et d’une courte et ludique formation. Une base nécessaire pour créer un climat sécuritaire sur le terrain. Par chance – à moins qu’il ne s’agisse de la magie des Alpes du Sud – nous allons bénéficier de conditions météo exceptionnelles. Avec trois jours de plein soleil consécutifs et un quatrième jour somme toute riche en éclaircies, le cinquième jour de mauvais temps, logé en fin de semaine, a vite été oublié. Enrobé dans un programme riche en sensations et en belvédères mémorables, le séjour a tenu toutes ses promesses. A raison d’une randonnée par jour, je vous propose d’en découvrir le contenu jusqu’à vendredi.

Sur le chemin du retour de l’itinéraire de la Croix de Curlet. En toile de fond, les crêtes de la Combe Arnaude.

JOUR 1 : CROIX & CRETE DE CURLET

Difficulté : assez facile | Longueur : 5km | Durée : 3h30 | Dénivelé : 450m

Descente en minibus vers le hameau du Cros, 120 mètres en-dessous de l’hôtel. Dis comme ça, ça fait un peu fainéasse, mais c’est le premier jour et faut bien rôder le groupe avant de penser à faire les fous-fous ! Mine de rien, 120 mètres, en fin de journée, ça reste toujours 120 mètres de plus à remonter ! Les conditions sont optimums. Le ciel est lavé de tout soupçon nuageux, la neige scintille sous le soleil des Alpes du Sud, les visages sont ravis et prêts à en découdre. Léo fait basculer le groupe vers le Pont du Moulin, en contrebas, seul moyen de franchir l’Aigue Blanche au sec. Une bonne nouvelle quand le mercure titille le zéro.

Face à la commune de Saint-Véran, la Croix de Curlet est presque un choix logique pour prendre encore un peu d’altitude et découvrir l’environnement de cette vallée qui nous accueille pour la semaine

Les raquettes crissent dans la neige, brassant du flocon autour d’elles dans un joyeux désordre coloré. Les balises rouge et blanc du GR®58 apparaissent sur les troncs des mélèzes. Nous ne les suivons que brièvement, laissant le tracé du célèbre Tour du Queyras s’échapper en direction du col des Estrongues pour préférer une ascension dans le Bois du Moulin. Les balises jaunes d’un PR nous servent maintenant de repères dans ce grand versant boisé où le cembro côtoie le mélézin. A l’approche du sommet, des clairières inondées de soleil repoussent la forêt à l’écart. Léo improvise un tracé sinueux qui s’écarte de celui des Cabanes de Lamaron : l’hiver, l’accumulation de neige rend possible les variantes les plus improbables. La végétation recule peu à peu jusqu’à s’arrêter en ordre serré, aux abords des 2250 mètres d’altitude. La Croix de Curlet n’est plus très loin.

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Le groupe surgit sur les espaces ouverts précédant le sommet. En toile de fond, la ligne de la Crête de la Rousse.

Derniers mètres avant la Croix de Curlet. La Tête de Jacquette apparaît en arrière-plan, à 2757m d’altitude.

Erigée sur le replat formé par la partie la plus au nord de la crête dégringolant de sous le Pic Cascavelier, la Croix de Curlet libère la vue sur le village de Saint-Véran et sur l’ensemble du versant sur lequel s’est posé le village, près de 350 ans plus tôt. Un spot idéal pour prendre la mesure du terrain de jeu dans lequel nous allons évoluer toute la semaine. Léo pousse l’exploration au fil de la crête de Curlet qui remonte en douceur vers le pied du Cascavelier. A main gauche des pentes neigeuses qui basculent au-delà de la cîme des arbres vers des ravins insondables. A droite, les espaces sculptés par la neige et le vent et dans lesquels viennent régulièrement s’amuser les skieurs de randonnée. La Pointe des Marcelettes ferme la vision à 2909 mètres. Au-delà des à-pics, j’aperçois la Tête des Toilies, fameux sommet du Queyras, qui encadre le col de Saint-Véran en toisant, en face d’elle, le Pic Caramantran.

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Depuis la Croix de Curlet, Jean et Gisèle progressent sur la ligne de crête. Aux abords de 2400m, de beaux replats permettent de jouir d’une vue spectaculaire sur la vallée de l’Aigue Blanche.

Capturé par le drône, le petit groupe en file indienne sur la Crête de Curlet. Saint-Véran à droite et la silhouette du Pic de Rochebrune, à l’horizon, au nord.

Notre petit groupe déambule au gré de ses envies dans ces beaux espaces ouverts , à cheval entre vallée et crêtes rocheuses inaccessibles pour le marcheur à cette période. La pyramide caractéristique du Pic de Rochebrune, deuxième plus haut sommet du massif du Queyras, dépasse d’une tête ses rivaux vers le nord. On l’aperçoit une dernière fois avant de replonger sous les mélèzes. La tempête des jours précédents a laissé des traces au pied des grands résineux. Le manteau neigeux est jonché de branches fracassées et de débris végétaux. L’ombre est à nouveau sur nous. Léo fait descendre le groupe au plus court à travers la forêt. Avec la neige et les raquettes, la technique est sûre et efficace, nous faisant gagner un temps précieux. Le retour au véhicule s’effectue comme une lettre à la poste. Cette première journée a déjà mis des étoiles dans les yeux du groupe.

Fin de notre errance sur les hauteurs de la crête de Curlet. Le retour s’effectue en jouant avec le relief, en direction de la forêt.

JOUR 2 : SOMMET BÛCHER

Difficulté : assez facile | Longueur : 7km | Durée : 3h50 | Dénivelé : 480m

Le minibus de Léo nous descend un peu plus bas que la veille. Molines-en-Queyras est dépassé et nous nous stationnons à l’entrée du petit hameau de la Rua. Un chemin invisible s’élance derrière le dernier chalet en direction du Pont des Achins, jeté au-dessus de l’Aigue Blanche. En quelques minutes, nous voici à nouveau plongés dans les grands espaces silencieux de la montagne. Comme hier, ce sont les petits rectangles jaunes d’un PR que nous suivons. La trace, propre et bien visible, remonte en sinuant le long d’un grand versant alternant bois de mélèzes et beaux espaces ouverts baignés par le soleil du matin. Léo donne le rythme en tête de peloton et le groupe progresse en altitude sans – presque – s’en rendre compte. Coupant le thalweg du Rif de l’Adroit, l’itinéraire s’envole plus loin parmi de larges prairies inondées de lumière et de sérénité jusqu’à venir cogner à nouveau contre l’orée de la forêt.

Belle avancée sur la vallée du Guil, le sommet Bûcher offre une perspective élargie sur les sommets et vallées du Queyras, mais également sur l’Embrunais, le Guillestrois et les Ecrins dont quelques hauts sommets pointent en toile de fond

Sous les raquettes, la pente s’infléchit peu à peu. Les mélèzes s’espacent, faisant apparaître de petits chalets isolés et cernés par la neige. Le col des Prés Fromages n’est plus très loin. A 2146 mètres d’altitude, ce vaste replat est un carrefour d’itinéraires. Randonneurs à raquettes et skieurs de randonnée y croisent leurs aventures le temps d’un salut amical. Vers le sud-ouest, une trace s’en va rejoindre plus loin le GR®5 en direction du col Fromage. Au sud-ouest, c’est le GR® de Pays du Tour de la Dent de Ratier qui s’évanouit vers le hameau de la Chalp, en contrebas. Mais c’est vers le nord que Léo amène le groupe, sur un chemin que la neige a fait disparaître et qui tire vers les pentes ouest du sommet Bûcher. Promontoire avancé sur la vallée du Guil, ce petit mamelon au sommet duquel trône une cabane, va nous offrir des vues inédites sur un horizon de vallées et de sommets. Pour l’atteindre, un dernier petit effort sera nécessaire. Mais soyez certains que la récompense vous attend une fois là-haut.

La Rua, Gaudissart et Molines-en-Queyras sont derrière nous. L’ascension a démarré au fil d’un sentier qui joue avec les mélèzes. En arrière-plan, le sommet de la Gardiole de l’Alp.

Avec deux tables d’orientation autour du petit abri, nous trouvons les réponses aux questions posées pendant l’ascension. Par-delà les cimes du Queyras, c’est bien une poignée de sommets des Ecrins qu’on aperçoit. Le Pelvoux sans trop se tromper. Le Pic sans Nom probablement. Et un soupçon de Barre des Ecrins. Plein ouest, la vallée du Guil s’ouvre largement sur l’Embrunais et les contreforts méridionaux des Ecrins. Face à nous, au nord, le Pic de Rochebrune s’est rapproché depuis hier. Loin au nord-est, au-delà d’Abriès, invisible, un ultime versant montagneux sépare la France de l’Italie. Toujours dans l’axe, la Tête des Toilies barre notre horizon sud-est. Partout ailleurs, tout n’est que succession de crêtes et de versants boisés qui ondulent de vallées en cols. Je pose les yeux sur ce Queyras gigantesque dans lequel il me reste tant de choses à découvrir.

Aux abords du col des Prés Fromages, là où la trace sinue délicatement à travers des prairies silencieuses et lumineuses.

En file indienne derrière Léo, Olivier, Béatriz et Marc admirent les sommets du Queyras qui apparaissent de l’autre côté de la vallée du Guil

L’un des gros atouts du territoire pour la pratique de la raquette à neige c’est définitivement son espace libéré. Au prix d’un dénivelé modéré, et moyennant une prise de risque limitée selon les conditions, il est possible de bénéficier d’un champ de vision élargi sur le massif. La vue porte facilement très loin, sans être obstruée par un versant trop haut, comme c’est le cas dans certains massifs trop enclavés qui contraignent le marcheur à abattre du dénivelé en pagaille pour passer au-dessus des choses. Une certaine facilité d’accès donc, et des conditions météo sensiblement exceptionnelles. A la charmante cabane de Clot Henry, rejointe à la descente, Léo me confie qu’il est rare d’enchaîner une semaine complète de mauvais temps dans le Queyras. Les fameux 300 jours de soleil par an prédits dans le sud-est de la France ne sont pas qu’une légende pour faire râler les nordistes donc !

Emmené par Léo à travers les prairies enneigées, le groupe se dirige vers le dernier raidillon menant au sommet. En toile de fond, la Dent de Ratier.

Le groupe au complet, au sommet Bûcher. De gauche à droite : Marc, Claudine, Olivier, Philippe, Béatriz, Gisèle, Jean et Léo, notre accompagnateur

JOUR 3 : CHALETS DE CLAPEYTO

Difficulté : moyen | Longueur : 8km | Durée : 4h | Dénivelé : 550m

Aujourd’hui nous voilà partis de l’autre côté de la vallée du Guil. Un coup de minibus et nous voici déjà sur la route du col de l’Izoard, en direction d’Arvieux, paisible petit village de montagne à l’ambiance familiale. La route, en hiver, reste ouverte jusqu’à Brunissard, notre terminus. Les raquettes sont chaussées au niveau de l’espace nordique, terrain de jeu des adeptes du pas de patineur qui, une fois la neige au rendez-vous, peuvent tracer des kilomètres de pistes à travers les bois de résineux. Là où, l’été, s’étirent une longue piste carrossable et les espaces ombragés du camping du Planet ne subsistent plus que des voies de neige arpentés par des skieurs infatigables et des marcheurs enthousiastes. Une pente régulière, parcourue à un rythme alerte, nous conduit au pied des grandes pentes qui dévalent sous le Pic de Beaudouis et le col des Ourdeis. Un secteur potentiellement exposé aux avalanches. Une coulée massive s’y découvre lors de notre passage mais les pentes ont désormais l’air saines et le manteau stabilisé. Par sécurité, Léo nous envoie le traverser un par un jusqu’à prendre pied sur la prairie de Pra Premier.

Exceptionnels chalets de Clapeyto, sans aucun doute la plus belle randonnée de la semaine. Un mariage de l’altitude et de l’espace qui nous fait nous sentir infiniment petits. En plus du soleil et de l’exposition favorable des versants, les hommes sont venus chercher ici la paix de la montagne. On l’éprouve et on la partage, nous, visiteurs, à notre tour en venant en ces lieux

L’endroit est superbe. Un bel espace circulaire posé entre les deux pyramides rocheuses qui abritent, l’été, deux via-ferratas. Pour la carte postale, une petite cabane enneigée trône en son centre. Le groupe, minuscule, progresse à travers cette prairie lumineuse en direction de la suite de l’itinéraire. Si les skieurs de randonnée tendent à emprunter le tracé de la piste estivale qui emprunte la base des falaises jetées au pied de la crête de l’Alpaliar, les marcheurs préfèreront celui qui contourne le rocher de la via ferrata par la gauche et qui, en remontant un vallon que l’hiver a plongé dans un silence religieux, atteint le collet, juste au-dessus d’une poignée de chalets recouverts d’épais murs de neige. L’altitude nous happe au-delà de ce seuil, l’espace recule dans un chapelet de dômes enneigés et couronnés de sommets. Nous faisons notre trace en leur creux, dépassant ces premiers chalets figés par l’hiver. Léo arrondit là où, en juillet et en août, un petit pont enjambe le torrent du Peyron. Ni l’un, ni l’autre, ne sont visibles lors de notre passage.

La traversée de Pra Premier, au cours de l’ascension vers les chalets de Clapeyto. L’un des très beaux passages du 3ème jour.

En rang serré derrière Léo, le groupe de marcheurs s’élève au-dessus de Pra Premier en direction du Collet.

Au-delà de la crête arrondie que remonte le groupe, la trace se faufile au-dessus d’un défilé étroit pour finalement surgir dans l’espace immense des chalets de Clapeyto, objectif de la randonnée d’aujourd’hui. La vision officie comme la récompense justement méritée d’efforts hivernaux. Le calme suspendu au-dessus de ces jolis chalets de bois, disséminés à travers le grand blanc, agit comme une potion magique. Les bouches s’entrouvrent en un mouvement muet d’admiration, les pupilles s’étrécissent derrière le reflet des lunettes pour capter la grandeur du lieu. Disposés en arc de cercle autour des chalets, cinq pics à plus de 2700 mètres accrochent le regard : Chalanches et Maravoise à l’ouest, Balart au sud, Pic du Cros à l’est et Beaudouis au nord. L’humain, infiniment petit, laisse ici ses traces éphémères au rythme de la partition de ses pas. Vu du ciel, la scène est épique. Vu du sol, l’expérience est intense et, déjà, dans les esprits s’impriment des souvenirs inoubliables.

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Traversée des Chalets de Clapeyto du haut. Je vous parlais d’espace dans l’article : la photo ne rend hommage qu’à une toute petite parcelle du lieu

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Passage de la crête par le groupe avant de boucler en direction du collet. Grandes montagnes. Petits marcheurs. Vue du ciel, la scène devient épique.

Les possibilités d’errance dans ces alpages en hibernation sont nombreuses. De jolis lacs cerclés de fleurs s’y déploient aux beaux jours, sous les cols de Pansier et de Néal, portes de sortie du Queyras vers la vallée de la Durance et des Ecrins. Léo nous y amène faire un – petit – tour du propriétaire, afin de prolonger notre heureuse immersion. Dans pareilles conditions, personne n’a vraiment envie de redescendre parmi les hommes. Une petite boucle nous permet de rejoindre le collet, par où nous étions arrivés en fin de matinée. Dans le ciel, les premiers cirrus voilent peu à peu la lumière comme pour refermer derrière nous les rideaux de ce décor de rêve. La perturbation annoncée à la mi-journée se présente finalement en retard. En redescendant vers Brunissard dans le gris de nuages de plus en plus épais, j’ai le sentiment d’avoir vécu un moment privilégié avec le reste du groupe. Des instants volés dont le souvenir reste durablement fixé dans ma mémoire et sur mes images.

Bye bye Clapeyto. Le groupe entreprend la descente vers Brunissard. Un dernier passage par un large couloir avant d’atteindre à nouveau le Collet et l’itinéraire de montée.

JOUR 4 : CHALET DE LA MEDILLE

Difficulté : assez facile | Longueur : 4km | Durée : 2h45 | Dénivelé : 385m

Cette fois le gris s’impose sur les Alpes du Sud. Des nuages épais s’accrochent aux reliefs et des flocons hésitants entre la pluie et la neige sont emportés par une brise plus forte que les jours précédents. Nous quittons Saint-Véran dans notre minibus sous la menace croissante de la pluie. Quel contraste avec les jours précédents ! Léo a décidé de nous emmener au terminus de la vallée du Guil, là où la route prend fin, uniquement remplacée par les sentiers. Nous traversons le charmant village d’Aiguilles pour suivre la direction de Ristolas. Au-delà encore, au terme d’une longue ligne droite transformée en patinoire ce jour-là, se dressent les maigres habitations du hameau de l’Echalp. Un espace circulaire y officie comme parking. Le déneigement ne va pas plus loin. La ligne sombre du Guil sinue elle vers le sud, virgule indistincte disparaissant après la Roche Ecroulée jusqu’à sa source, sous le col de Valante et face au Mont-Viso.

Une sortie au chalet de la Médille c’est la quasi-certitude d’admirer quelques beaux spécimens de faune locale : mouflons, chamois, bouquetins… Et à défaut d’animaux, la plus grosse bête à contempler s’aperçoit au fond de la vallée : le Mont-Viso, toujours solide et impressionnant

C’est le géant des Alpes du Sud que Léo souhaite nous faire découvrir aujourd’hui en gagnant le chalet de la Médille. Une randonnée sans réelle difficulté, au dénivelé modeste, mais qui devrait nous gratifier de belles opportunités d’observation de la faune et nous révéler un panorama saisissant sur le Viso. Notre première rencontre, nous la faisons avant même de descendre du véhicule : un troupeau de mouflons s’emploie à brouter un groupe d’arbousiers rachitiques, juste sur le bord de la route. La saison est toujours difficile pour les ongulés, contraints à réduire leurs distances de sécurité avec l’homme pour subvenir à leurs besoin en nourriture. Le mouflon, habituellement assez farouche, se laisse ainsi observer en baissant simplement sa vitre. Tout comme ce chamois, repéré sur les escarpements rocheux au-dessus du sentier. Discret. Presque invisible. Il va donc falloir être observateur pour repérer ces spécimens caractéristiques de la faune de montagne.

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Le petit hameau de l’Echalp, terminus de la route de la vallée du Guil et point de départ de la randonnée. En toile de fond, la Tête du Pelvas

Léo abandonne le tracé courant en rive gauche du Guil pour suivre une trace s’échappant sous les mélèzes en direction du col Vieux. C’est un itinéraire commun avec le GR® de Pays effectuant le Tour du Pain de Sucre et le GR®58. En plein hiver, ces deux parcours ne sont réservés qu’aux skieurs ou aux marcheurs confirmés. Le Chalet de la Médille demeure quant à lui aisément accessible, moyennant une petite ascension forestière. Ici le mélèze est roi et le roi est nu. Et accessoirement malmené. Des branches éparsent tapissent la neige entre les troncs, abandonnées ici par un vent sauvage qui a balayé la montagne au cours de la nuit. Arbre de lumière par excellence, essence reine du Queyras, le mélèze donne cette identité visuelle caractéristique aux montagnes de cette partie des Hautes-Alpes. Nous y dessinons une trace sinueuse, qui s’efforce de relier entre elles les balises jaunes d’un PR peintes sur leurs troncs. Jusqu’à déboucher à l’air libre, sur un replat formé au pied des montagnes.

Le groupe en progression dans les espaces ouverts succédant à la forêt de mélèzes.

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Arrivée en vue du Chalet de la Médille. Au fond de la vallée du Guil, au-delà du col de Valante, le Mont Viso guette.

Le Pic de Chabrière, plus modestement celui de Maloqueste et surtout le Pic Ségure nous défient à main droite de toute leur hauteur. Ce n’est pourtant pas vers eux que le regard s’accroche, mais vers la face nord-ouest du Mont-Viso qui ferme l’horizon, colossal, imposant, devant la Pointe Gastaldi. Un seigneur dans sa livrée d’hiver, surmonté de nuées nuageuses mouvantes et de lumières vespérales qui rendent la scène intense. C’est toujours un plaisir de revoir ce sommet gravi en 2006. C’était le dernier des 48 gravis au cours de la traversée de l’arc alpin. C’était l’automne, il y avait déjà un peu de neige là-haut, à 3841 mètres. On était alors allé le chercher au terme d’une improbable étape qui, nous ayant vu décoller en milieu de matinée d’Aiguilles, nous avait vu débarquer comme des fous au refuge Giacometti le soir même. J’y repense avec nostalgie et amusement. Un autre temps. Une autre forme. J’aurai plaisir à remonter au Viso encore. Avec ou sans caméra. C’est un sommet majeur et sa révélation ici, au Chalet de la Médille, est en soi un objectif suffisant de balade. Si on y ajoute quelques bouquetins nichés dans les falaises à l’est, sous le chalet, on peut s’estimer définitivement comblé !

Au sommet des hautes falaises bordant les abords du Chalet de la Médille. Point de vue sur la vallée du Guil, la Roche Ecroulée mais aussi quelques bouquetins

La descente vers l’Echalp. Un joli moment de liberté où la trace se fait librement dans la neige fraîche.

EN BREF

J’ai été émerveillé par le Queyras en hiver. Une sensation d’espace tenace et quotidienne, des horizons ouverts et remplis de sommets, des objectifs de randonnée enthousiasmants. Un séjour parfaitement calibré par Léo et un groupe plein d’énergie et de bonne humeur, y compris après la rando. Sans oublier des hébergeurs chaleureux et aux petits soins. Je comprends pourquoi ce circuit est désormais considéré comme un classique.

by-nc-ndCe reportage Carnets de Rando, sous licence Creative Commons, est la propriété exclusive de Carnets de Rando. Son usage à des fins non commerciales est autorisé à condition de mentionner son appartenance au site www.carnetsderando.net. Pour toute autre utilisation, merci de me contacter.

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6 Comments

  1. Cathy Répondre

    Merci David pour ce premier reportage. Je vous attendais tranquillement à l’hôtel et je vois ce que Philippe et toute la troupe faisaient toute la journée en raquettes. Grâce à ton reportage je vois tous ces beaux paysages que je n’aie pu admirer.
    Je confirme, la bonne humeur était au rendez-vous même après toute une journée en raquettes. Ils n’étaient jamais fatigués…..

    J’attends les autres reportages avec impatience.

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Salut Cathy,

      Merci pour ce retour ! C’est vrai que toi tu as vécu ça un peu de l’extérieur du coup. L’article, les photos et les vidéos vont pouvoir te permettre de bénéficier d’un autre angle de vue. Pour info, les micro-vidéos suivantes sont diffusées sur la page Facebook de Carnets de Rando – histoire de varier les médias de diffusion – et la suite des articles/photos sera publiée ici, à la suite de l’article d’origine et ce jusqu’à vendredi. De grosses bises à Philippe et à toi !

  2. Lau Répondre

    Bonjour!!! On vient du Québec avec une bonne expérience refuge et raquette, faire un parcours similaire au votre lors de notre voyage en fin Janvier en France nous intéresserait beaucoup. Cependant, je me demandais si c’était possible de faire ce parcours sans passer par une agence (même si j’ai vu que certaines agences proposent des circuits sans guide, cela reste dispendieux). J’ai vu qu’il fallait de l’équipement pour la détection en cas d’avalanche, est-il possible d’en louer sur place? Faire de la raquette sur ce circuit, est-ce que c’est trop risqué sans agence? Merci!

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Salut Lauriane,

      Meilleurs vœux avant toute chose ! Alors oui tu peux bien sûr, dans la mesure où tu as de l’expérience en montagne hivernale de niveau moyen et également en raquettes, t’aventurer sans accompagnateur sur ces parcours. La plupart des itinéraires raquettes sont en général choisis pour éviter les zones à risque : on navigue en forêt et sur des pentes faibles. L’avantage de l’accompagnateur c’est qu’il choisit sa trace pour limiter les risques, en passant par des endroits où la progression est sécurisée au maximum. Contrairement aux skieurs, tous les marcheurs ne sont pas équipés de DVA. Il faut donc réduire le risque avalanche au maximum. Si tu as l’habitude de lire le terrain pour choisir par où passer de manière autonome tu peux partir en solo à raquettes. Sur les itinéraires du Sommet Bûcher et des Chalets de Médille le risque est de toute façon quasiment nul. Pour Curlet et Clapeyto il faut, selon les conditions d’enneigement, savoir dessiner sa trace en s’adaptant au terrain. Si tu penses ne pas savoir le faire, tu peux effectivement prendre un DVA mais il faut garder deux choses à l’esprit : avoir un DVA n’est pas un gage absolu de sécurité car cela nécessite de savoir s’en servir et requiert la présence de deux personnes minimum (il faut qu’il puisse au moins rester une personne pour chercher la/les victime(s)). Tous les participants doivent donc être équipés (DVA, pelle, sonde) et formés. Je ne saurais pas te dire si on peut louer des DVA dans le Queyras. Pas impossible car la location de ski de randonnée est courante et qui dit ski de rando, dit DVA. L’appréciation du risque, enfin, varie selon les saisons et les jours, en fonction de nombreux paramètres. Difficile donc de conclure ma réponse en te disant que faire de la raquette sur ces circuits est sans risque. Je dirais que le risque zéro n’existe pas mais que, dans le cas de ces circuits (surtout les deux que je t’ai cités) il est cependant limité. J’espère que tout cela pourra t’aider !

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