La Corniche des Gorges du Tarn

Situé à l’extrémité orientale de l’Aveyron, le Causse de Sauveterre marque l’entrée du randonneur au pays des gorges et des vautours. Fendu en trois plateaux majeurs – les Causses – ce territoire ne laisse personne indifférent. Les sentiers en corniche qui le parcourent comptent parmi les plus spectaculaires de France. La renommée des Gorges du Tarn et de la Jonte n’est pas usurpée. Moins connu que celle du Méjean, la corniche du Sauveterre réserve de belles surprises et de splendides panoramas. C’est elle que je vous invite à découvrir dans ce nouveau Carnets de Rando.

Un retour dans le passé. Voici ce que m’a permis de faire cette randonnée. 1996-2015… Près de vingt ans après ma première venue sur le territoire des Causses – c’était avec l’UCPA – me revoici qui contemple à nouveau ces gorges incroyables, cette fois pour Carnets de Rando : la Jonte qui s’enfonce vers les Cévennes et l’Aigoual et le Tarn qui, lui, remonte la Lozère.

Sentinelle postée à la confluence des deux rivières et des trois Causses, le village du Rozier contemple celui de Peyreleau, juste en face.

On est ici au point de jonction de trois Causses : le Méjean, le Noir et celui de Sauveterre, objet de mon reportage. Je prends la direction du village de Liaucous, le point de départ de ma randonnée. Liaucous a franchement du charme posé là, juste sous les falaises abritant la via ferrata locale. Ses petites ruelles caladées y sont probablement pour quelque chose, dans lesquelles je déambule avant de me décider à rompre le charme pour suivre le balisage.

Aveyron Liaucous randonnée

Le printemps est proche mais pas encore complètement là. La Nature semble prête à l’accueillir. Du silence de l’hiver passé émergent gazouillis, bourdonnements et froissements de feuilles. Dans les champs, tondeuses et tronçonneuses se font écho. Les jardiniers et les forestiers sortent à leur tour de leur hibernation. Et au milieu de ça coule une rivière. A la sortie du Rozier, le Tarn a repris un cours distrait. Tout ici invite à la décontraction. Même ce sentier, étroit et accueillant, qui file presqu’à plat sur une courbe de niveau pour aller arrondir à l’aplomb du Roc des Agudes. Au-dessus de moi, les premiers vautours planent en silence. Le « bouldras », comme on l’appelle ici, est un animal discret qui aime à s’enrouler autour des colonnes d’air chaud.

Le vautour fauve, ce planeur né, va-et-vient, de l’Aveyron à la Lozère sans se soucier des frontières administratives.

Ce charognard emblématique, longtemps chassé puis victime collatérale de l’activité humaine, a aujourd’hui sa propre maison : la Maison des Vautours, à quelques kilomètres du Rozier, en est aujourd’hui l’avocat. Le vautour fauve n’est désormais plus « persona non gratis » et le voir déployer ses jusqu’à 2,60 mètres d’envergure au-dessus des Gorges est un spectacle que chaque visiteur a envie de voir. En randonnée, le rapace s’observe facilement. Il y a toujours au moins un vautour en vol quelque part. L’observateur perspicace parviendra même à les repérer dans les recoins de ces falaises aux formes singulières qui encadrent les gorges.

Aveyron Gorges du Tarn Jonte

L’imagerie des Gorges du Tarn et de la Jonte, ce sont avant tout ces formations rocheuses qui ressemblent à des châteaux forts, des piliers qui jaillissent du sol pour former des tourelles, des bastions formidables qui enveloppent le randonneur dans une ombre formidable… Et, entre tout ça, de petits sentiers, parfois vertigineux, en guise de chemin de ronde.

Ici le randonneur déambule dans une nature que le temps semble avoir lui-même fortifiée.

Côté Aveyron, c’est la ronde des vautours mais aussi celle des villages. Aussi incroyable cela puisse-t-il paraître, d’anciens hameaux semi-troglodytiques s’égrènent au fil de l’itinéraire. Le premier rencontré, c’est Eglazines, abrité sous un énorme pilier rocheux. Sous les maisons ruinées, d’anciennes terrasses agricoles cascadent vers le Tarn avant d’être interrompues par les bois. L’exposition, plein sud, est idéale. De nos jours, cependant, plus personne n’habite ici à l’année. Certaines demeures, restaurées – ou en bonne voie de l’être – sont prudemment fermées à clé avec la mention explicite « propriété privée ». Mais nul besoin d’entrer pour savourer ce lieu hors du temps. Il en va de même plus loin, au hameau de Saint-Marcellin : une chapelle, une source, un four à pain… On vient maintenant ici pour se reposer, à l’écart du monde. Le temps du labeur, à une époque où le tourisme n’était même pas encore un concept, y est définitivement révolu.

Aveyron Sauveterre Eglazines randonnée

Franchissement du splendide cirque de Saint-Marcellin. Le sentier de la corniche enchaîne les passages hauts en couleurs. Il y règne comme un parfum de far-west. Au printemps, la chaleur reste tolérable mais j’imagine que, en plein été, l’air doit rapidement virer à l’étouffant. Je ne me lasse pas d’admirer ces roches fascinantes. On jurerait les Dolomites, format miniature. Rien d’étonnant à cette comparaison puisque la dolomie fait partie intégrante de la composition minérale du lieu.

L’érosion, cette artiste, a fini par créer ici ce qui ressemble à un leg minéral et architectural

La dolomie fait équipe ici avec la calcite qui, elle, plus soluble, n’a pas su résister aussi bien aux assauts du temps. C’est donc cette érosion non homogène qui a fini par sculpter ces formations étonnantes. Monolithes isolés ou doigts anguleux pointant vers le ciel, elles composent un paysage unique et spectaculaire que le randonneur dominera une fois l’extrémité du Causse de Sauveterre atteinte.

Randonnée Aveyron les Corniches du Tarn

A compter de cet instant, le décor change du tout au tout, pareil à celui d’un théâtre qu’on fait tourner pendant l’entracte. La végétation s’invite généreusement sous forme de longues pinèdes ombragées. Après l’effort, le réconfort : une petite source fraîche jaillie des profondeurs de la roche coule dans l’une d’elles. Invitation à la pause. Voire à la sieste. Sur le Causse, avec la barrière des Cévennes dominant le relief du Causse Méjean à gauche puis de longues vallées fuyantes qui rejoignent Millau, invisible, à droite, la randonnée se fait moins sportive. Le rythme peut même devenir paresseux. Au-delà du hameau de Vors, il reste encore plus d’une heure de marche pour rejoindre Liaucous par le ravin des Malènes. Un passage inattendu, qui se fraye un chemin sinueux à travers un versant accidenté et boisé qu’une trop rapide observation aurait pu juger infranchissable. Les derniers vautours regagnent leurs perchoirs secrets dans la lumière dorée de la fin de journée. Le Causse ferme ses portes derrière moi pour la nuit.

Causse de Sauveterre Cirque de Saint Marcellin randonnée

LA VIDEO

INFOS PRATIQUES

Difficulté : moyen | Longueur : 15 km | Durée : 5h | Dénivelé : 600m
Carte : IGN 1/25000 TOP25 2540E Aguessac, Gorges du Tarn
Accès : rejoindre l’A75 à Clermont-Ferrand (entrée nord) ou à Montpellier (entrée sud) ou à Séverac-le-Château (entrée ouest en venant de Toulouse) puis la quitter à la sortie 44.1 « Aguessac ». Rejoindre Aguessac par la D29 puis, dans le village, suivre la direction Meyrueis, Gorges du Tarn en tournant à gauche par la D907. 1 km avant Le Rozier, tourner à gauche par la petite D192 en direction de Liaucous. Monter jusqu’au village et se stationner sur le parking, derrière l’église.
Topo : le descriptif de cette randonnée est disponible sur le topo-guide « l’Aveyron… à pied », édité par la FFRandonnée. Voir plus bas, dans la rubrique Bibliographie.
Notes : petite hésitation sur le balisage après le hameau de Saint-Marcellin. Le GR de Pays qui se poursuit à droite, un balisage jaune qui lui part à gauche… J’ai toujours opté pour le chemin qui montait vers le Causse. Les indications du topo ne sont pas exactement claires sur ce passage mais on finit par retrouver les indications une fois sur le Causse et une fois la clairière et la source mentionnées rejointes. Les sources sont toutes les deux potables. A ce sujet, pensez à apporter de l’eau : il peut faire bien chaud sur les Causses et l’itinéraire est assez long.
Où dormir : le gîte qu’on aperçoit au début du reportage est en Lozère, sur le Causse Méjean, dans le petit village de Saint-Pierre-des-Tripiers. C’est un gîte communal qui fait partie d’un ensemble plus vaste. Plus d’infosLiens utiles : vous pouvez consulter le site de l’Office de Tourisme des Gorges du Tarn. Pour plus d’infos sur les vautours, voici le lien vers la Maison des Vautours.
Bibliographie : L’Aveyron… à pied | C’est la 4ème édition du topo-guide officiel édité par la Fédération Française de Randonnée Pédestre. 50 itinéraires de Promenade & Randonnée y sont recensés, dont celui du reportage, pour approfondir votre découverte de l’Aveyron, accompagnés de leurs cartes et de leurs explications. Prix indicatif : 14,50 € | Ref.D012

EN BREF

Moins connu et moins spectaculaire que celui des fameux Vases de Chine et de Sèvres sur le Causse Méjean, cet itinéraire en corniche n’en demeure pas moins captivant et plus intime. Le vol des vautours y est tout aussi présent et la découverte des hameaux troglodytiques intéressante. A recommander pour des randonneurs davantage à la recherche d’authentique que de sensations fortes.

by-nc-ndCe reportage Carnets de Rando, sous licence Creative Commons, est la propriété exclusive de Carnets de Rando. Son usage à des fins non commerciales est autorisé à condition de mentionner son appartenance au site www.carnetsderando.net. Pour toute autre utilisation, merci de me contacter.

13 Comments

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Bonjour Muriel ! Content que cela vous ait plu ! Le printemps démarrait vraiment juste-juste au moment de notre passage. A Najac, une semaine après, tous les bourgeons avaient explosé, en quelques jours, et le vert s’est définitivement imposé dans le paysage ! Najac qui sera d’ailleurs le prochain épisode de Carnets de Rando 😉

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Avec plaisir Denis ! Vous allez vous ré-ga-ler ! Il y a tellement de choses à voir et à faire dans ce site magistral ! Bon séjour dans les Gorges 😉

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Bonjour Jean-Marc,

      Merci pour votre commentaire ! Je me doutais que la chaleur pouvait être redoutable dans ce secteur, vous le confirmez ! Quant à Liaucous, en effet, un petit coup de coeur ! A bientôt !

  1. Olivier Rufenacht Répondre

    Bonjour,
    Merci pour ce beau reportage qui donne envie d’y aller…..ce que je pense faire durant l’été 2016.
    Je vais parcourir le chemin de Saint Guilhem et j’envisage de parcourir la corniche depuis les Almières vers le Rozier en passant par le cirque de Saint Marcellin.
    Est-ce que le chemin est exposé au vide et y a t’il des passages délicats car je vais marcher avec ma femme qui est sujet au vertige ! donc, j’hésite entre cet itinéraire et celui passant par le fond de la gorge. Ce serait effectivement dommage de rater les villages troglodytes.
    Merci d’avance pour votre avis.
    Olivier

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      salut Olivier !

      Les Gorges du Tarn sont une destination nature extraordinaire ! Le reportage de Carnets de Rando n’a fait qu’en survoler l’énorme potentiel ! Concernant la notion de vertige sur ce chemin, honnêtement, y’a aucun souci. Le passage du Cirque de St-Marcellin se tient à distance respectable de la falaise. Ce n’est pas impressionnant. Quant au plan où tu me vois debout face aux gorges, c’est hors sentier. Je suis allé le tourner exprès mais l’itinéraire passe plus loin. Bref à aucun moment c’est vertigineux. Ma compagne était avec moi et est sensible au vertige également et on n’a pas eu de souci. Non, c’est de l’autre côté, secteur des Gorges de la Jonte, qu’il faudra éviter d’emmener ta femme lol ! Là-bas, oui, c’est ver-ti-gi-neux 🙂 Bonnes randonnées dans l’Aveyron et la Lozère alors !

  2. banos Répondre

    Bonjour. Ce circuit présente t il un risque de vertige pour des personnes sujettes à cela ? Merci par avance et félicitation pour ce site fabuleux !

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Bonjour,

      Non pas vraiment de ce côté du Causse. Ma compagne y est sujette et elle a suivi sans problème !

One Ping

  1. Pingback: Randonnée à Porquerolles : le circuit du Langoustier

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.