Mont d’Or : sur le toit du Doubs

Ici c’est le seigneur local. Un gentil colosse tout en rondeurs boisées à l’ouest et en falaises ciselées à l’est. Une masse imposante qui veille sur Métabief en raflant le titre de plus haut sommet du département. A 1461 mètres d’altitude, le Mont d’Or est le toit du Doubs et marque le départ de la Grande Traversée du Jura à raquettes. De son sommet c’est tout l’arc alpin qui se dévoile : du Mont-Blanc aux hauts sommets du Valais suisse, le panorama à couper le souffle récompense le randonneur qui aura préféré le GR®5 au télésiège.

Métabief s’éveille à peine lorsque je prends le départ de cette nouvelle randonnée. La pleine saison touche à sa fin et la petite station jurassienne semble maintenant gagnée par l’irrépressible envie d’une bonne grasse matinée. Des taches éparses de pelouse jaunie apparaissent ici et là sur les larges collines encore majoritairement blanches qui succèdent à la forêt, bien au-delà de Métabief. Le printemps paraît vouloir surgir de sous la neige. Au-dessus de moi un ciel bleu éclatant remplit la matinée d’un espoir ensoleillé. Je tombe déjà la veste pour m’attaquer à la montée qui va me conduire, via les balises rouge et blanc du GR®5, vers le grand chalet du Cernois.

CdR82 Jura, Mont d'Or, Vallon de Piquemiette

Pour réaliser l’ascension du Mont-d’Or, j’ai choisi d’éviter le gros du domaine skiable de Métabief, via le vallon de Piquemiette. C’est loin d’être l’option la plus facile mais la perspective de réaliser une boucle sportive et, dans un premier temps, à l’écart des foules me séduit. Si le balisage est présent tout au long de cet itinéraire forestier, la trace, en revanche, semble n’avoir pas été pratiquée depuis un moment. Je progresse lentement dans une neige transformée et à la densité variable. Je trébuche par épisode en enjambant ici et là quelques troncs d’épicéas renversés sur le chemin. Quand je rejoins le départ du télésiège du Troupezy et l’arrivée de celui des chamois, je me sens déjà copieusement fourbu. Je suis pourtant loin d’en avoir terminé !

Au-dessus de moi, l’énorme muraille des falaises orientales du Mont-d’Or semblent me narguer. A ce moment précis, je m’interroge réellement sur la possibilité de trouver un passage pour franchir cet obstacle imposant.

Le plus dur reste à faire : une longue et oscillante traversée forestière à enchaîner par une grimpée sèche et sans détour des pistes de ski jusqu’à enfin laisser derrière soi la dernière remontée mécanique du vallon. Excepté ce trait discontinu aperçu sur la carte qui semble en confirmer l’existence, je n’ai aucune certitude sur sa réelle praticabilité. Tout au bout du vallon, une trace précaire quitte la large piste de Creux Soudet pour s’enfoncer dans la forêt en direction des falaises. A son extrémité, le vallon de Piquemiette n’est que barres rocheuses et pentes raides. Je croise les doigts pour ne pas avoir à faire demi-tour.

CdR82 Jura Piquemiette variante hiver

Quelques secondes suffisent pour comprendre que le passage ne sera pas facile. Par chance, une trace de ski de rando s’aventure dans ma direction en s’élevant, conversion après conversion, à travers ce versant boisé férocement pentu. Les raquettes sont loin d’être à l’aise sur ce terrain et la présence du trépied de la caméra m’embarrasse. Je peine à trouver mon souffle et je dérape souvent dans une neige peu consistante. L’effort s’annonce rude. Dans les derniers mètres, ma trace providentielle s’incurve vers le sud en direction de l’arête. Une sortie de crise commence à s’entrevoir.

Mon coeur bat la chamade. Pas question de glisser ici : juste en-dessous, ce sont des barres rocheuses. Le pas devra être sûr, la neige en bonne condition et le matériel adéquat.

Le passage est court mais délicat. Il faudra que je pense à le préciser dans l’article.Je franchis les derniers mètres. La pente se fait plus douce : c’est terminé. J’ai les jambes liquéfiées. Je ne m’attendais pas à autant de résistance, ni d’engagement, aussi court a-t-il été. Non, décidément, cet accès au Mont d’Or n’est pas une option à retenir en hiver. On lui préférera un aller-retour par le GR®5, à associer à une agréable balade sur les espaces sommitaux. Ce sont sur eux que je m’élève maintenant lentement. Presque plus aucun arbre pour freiner le vent qui peut s’engouffrer ici librement. Pas étonnant que le spot soit le terrain de jeu des parapentistes. Aujourd’hui seul un petit courant d’air frais secoue le périmètre du Mont d’Or. En revanche la vue tant espérée est gâchée par une nébuleuse grisonnante qui a envahi la Suisse. Même le bleu matinal du ciel s’est transformé en une peinture triste et brumeuse.

CdR82 Jura Mont d'Or crêtes

Malgré tout le randonneur peut prendre la mesure de ce panorama royal qu’une météo boudeuse tente de lui voler. Un alignement parfait de sommets parmi les plus prestigieux des Alpes. Evidemment c’est d’abord le Mont-Blanc qui retient l’attention. Puis viennent les silhouettes massives des grandes montagnes suisses : le Grand Combin, le Cervin, la Dent Blanche et, encore au-delà, on peut encore deviner les formes du Weissmies, du Taschhörn et de toutes ces grandes cimes qui partent rejoindre l’Oberland. Plus proches de moi, les Dents du Midi, symbôle du Chablais Valaisan, étirent leurs reliefs caractéristiques.

Dans mon dos, les grands espaces et la nature accueillante du Jura contrastent avec la puissance souveraine des Alpes.

La suite de mon parcours embrasse l’ambiance exceptionnelle du lieu en tutoyant les falaises du Mont d’Or où des corniches neigeuses défient les lois de l’équilibre. Une beauté dont on se tiendra cependant prudemment à l’écart à moins de vouloir se prendre pour l’un de ces faucons qui habitent l’endroit ! Ce tronçon du GR®5 est depuis peu en commun avec l’extension de la GTJ qui permet de relier Métabief à Mouthe. Les crêtes du Mont d’Or officient donc désormais comme juge de paix pour la première étape de cette belle itinérance hivernale qui permet de rejoindre Giron au terme de 12 jours de marche. Je l’emprunte en sens inverse tout le temps de mon retour. Une fois le sommet du Morond rejoint, c’est le retour à la civilisation ! Je suis englouti sous une avalanche de skieurs ! Je m’éclipse rapidement à la faveur d’une échappée du sentier en bordure de piste, la tête encore au sommet du Mont d’Or, ce toit du Doubs surprenant qui aura enchanté ma randonnée.

CdR82 Jura Mont d'Or randonnée raquettes

INFOS PRATIQUES

Difficulté (selon option choisie) : assez facile/difficile | Longueur : 5/14 km | Durée : 1h30/5h15 | Dénivelé : 185/745m
Carte : IGN 1/25000 TOP25 3426OT Mouthe, Métabief, le Mont d’Or
Accès : on accède à Métabief par l’A36 en venant par le nord de Dijon ou de Montbéliard, puis par la N57 via Besançon et Pontarlier. En venant du sud, il faut passer par Lyon puis A40, sortir à Lons-le-Saunier puis D678 jusqu’à Saint-Laurent-Grandvaux, ou A404, sortir à Oyonnax et poursuivre via Moirans-en-Montagne et Clairvaux-le-Lac jusqu’à Saint-Laurent-Grandvaux. De là suivre la D437 jusqu’à Mouthe. Un peu plus loin, tourner à droite par D45 jusqu’à Métabief.
Topo : du parking du front de neige de Métabief, se diriger plein est, par l’allée qui gagne les dernières résidences. Passer sur le chemin qui y fait suite et dépasser la petite cahute en bois par le chemin de droite (GR®5). Le GR®5 tourne plus loin à droite en remontant d’abord une clairière, puis un bois d’épicéas. Jonction avec une piste : la remonter à gauche. Plus loin continuer sur la branche de gauche, en direction des Cernois (1). La quitter dans un grand arrondi à droite par un petit sentier balisé jaune et bleu qui démarre à gauche. Rejoindre le chalet de Cernois. Le contourner à gauche et redescendre derrière. Le sentier balisé rejoint une piste : la suivre à droite. Elle s’arrondit autour de la longue arête Est boisée du Morond, s’oriente sud et rejoint l’arrivée/départ de remontées mécaniques (2). Passer entre les deux et descendre de l’autre côté par un chemin à droite de la ligne du télésiège. Rejoindre une piste de ski en bas et la remonter à droite jusqu’à la prochaine remontée (3). La dépasser, continuer en face pour passer sous un télésiège. Continuer tout droit par un large chemin forestier et rejoindre une piste qui descend en pente douce. La suivre à gauche jusqu’au poteau n°12 (4). Suivre une trace en forêt à droite et, rapidement, opter pour une ascension en lacets à droite, à travers la forêt, pour passer au-dessus des barres rocheuses et s’approcher de la crête sommitale. Une fois celle-ci proche, et les barres dépassées, partir en traversée à gauche (sud) pour prendre pied sur la crête. Atteindre ainsi les pentes sud du Mont d’Or dont on gagne ensuite le sommet en remontant plein nord. (5) Du sommet, suivre la crête en se tenant à distance respectable de la falaise en direction du Morond. Après le téléski de Bellevue, opter pour l’itinéraire balisé « le Morond par le sentier des Crêtes », jalonné jaune, qui évite les pistes de ski. On rejoint le sommet du Morond par une dernière raide pente neigeuse (6). Traverser le sommet et descendre par la piste bleu de Berche qu’on longe sur la droite. Plus bas, repérer les balises rouge et blanc du GR®5 qui s’éclipsent à gauche dans un massif boisé : c’est le sentier du Morond qui ramène ensuite jusqu’à l’arrivée du télésiège de Berche. Couper par la piste Petite Bleue puis Pré-Midi pour rejoindre la station.

Version light : monter en télésiège ou à pied par les pistes/GR®5 pour rejoindre le point (6) et atteindre en aller-retour par les crêtes le sommet du Mont d’Or (5).

map CdR82 metabief randonnée Mont d'Or
Notes : autant vous le dire tout de suite, le passage par le fond du vallon de Piquemiette n’est pas du tout recommandable en hiver. Impropre à la pratique de la raquette, il est aussi bien trop raide pour ne pas devenir dangereux. Tout spécialement dans sa dernière partie, en traversée au-dessus de barres rocheuses forestières. Je ne connaissais pas cet itinéraire avant d’y être confronté. A posteriori, je le déconseillerais pour lui préférer un plus classique aller-retour par le GR®5, beaucoup plus sûr. Du moins en hiver, à cause du danger représenté par la neige. On sort complètement du cadre de la randonnée pendant les 150 derniers mètres de dénivelé. Si vous choisissez de vous engager dans cette option, faites le en connaissance de cause : vous devrez avoir une bonne expérience du hors-sentier, de solides compétences alpines, un sens de l’itinéraire affûté et un équipement adéquat pour sécuriser votre progression. Pour celles et ceux qui optent pour la version ultra-light, il est donc possible d’acheter un forfait piéton aux caisses des remontées mécaniques pour s’éviter la montée vers le Morond et profiter seulement de la vue et du parcours de crêtes vers le Mont d’Or.
Bibliographie : Le Parc Naturel du Haut-Jura… à pied | C’est le topo-guide officiel édité par la Fédération Française de Randonnée Pédestre. 41 suggestions d’itinéraires homologués Promenade & Randonnée et 348 km de sentiers GR®5 y sont recensés pour approfondir votre découverte du Jura, accompagnés de leurs cartes et de leurs explications. Prix indicatif : 14,50 € | Ref.PN15

EN BREF

Une magnifique randonnée, très accessible (à condition d’opter pour la version « allégée ») pour voir la prestigieuse ligne des Alpes du Nord remplir l’horizon. La partie sur les crêtes du Mont d’Or est un morceau de choix. On évitera la variante présentée dans cet article le temps de l’hiver, trop engagée sur sa fin.

by-nc-ndCe reportage Carnets de Rando, sous licence Creative Commons, est la propriété exclusive de Carnets de Rando. Son usage à des fins non commerciales est autorisé à condition de mentionner son appartenance au site www.carnetsderando.net. Pour toute autre utilisation, merci de me contacter.

4 Comments

  1. Natrando57 Répondre

    Bonjour je découvre votre site, très bien présenté et plein de conseils, de randonnée. J’aime beaucoup .
    Je voudrais me lancer dans les randonnées de plusieurs jours mais je suis là seule dans mon entourage a être motivé, connaissez vous un site sérieux ou l’on peut trouver des gens sérieux pour partir à plusieurs ??
    Cordialement Nathalie

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Bonjour Nathalie,

      La mode actuelle tend à intégrer des groupes constitués sur les réseaux sociaux et qui improvisent des sorties et des randonnées avec leurs membres. Il y en a un peu dans toutes les régions j’ai l’impression. Je suis du sud et je vois passer souvent ce genre de publications sur mon fil d’actu Facebook. Je n’en ai pas fait l’expérience mais les gens semblent heureux sur les photos et ça a l’air de plutôt bien fonctionner. Inconvénient : ce n’est pas encadré par des professionnels, juste par des passionné(e)s avec plus ou moins d’expérience. Un peu comme si tu partais avec des amis donc. C’est une première piste.

      La seconde c’est de rechercher des groupes plus officiels par l’entremise des nombreux clubs de randonnées qui existent dans chaque département dont certains sont directement rattachés à la Fédération Française de la Randonnée Pédestre. Inconvénient pour certain(e)s : l’âge des membres, qui tire plutôt vers les seniors. Toutefois il commence à y avoir des groupes plus jeunes qui se constituent autour de noms comme Chilowe notamment. Mais eux je les connais pas suffisamment.

      La troisième – la plus onéreuse – c’est de partir en groupe constitué avec une agence spécialisée sur la randonnée itinérante comme La Balaguère, Pedibus ou Destinations Queyras par exemple. Des structures à taille humaine avec un accompagnement au top qui dispense sécurité et pédagogie pour apprendre en même temps les bases de l’autonomie. Inconvénient : c’est coûteux !

      Voilà pour l’essentiel des axes de travail pour ne pas randonner seule !

      J’espère que tu trouveras ce qu’il te faut !

      Amicalement,

      David

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