Raquettes dans le Parc de la Jacques-Cartier

Les noms des parcs nationaux Québecois vendent déjà du rêve au visiteur bien avant qu’il en ait pénétré les frontières. Des noms composés presque poétiques, aux accents autochtones et souvent étroitement liés à l’histoire ou à la géographie du territoire. Celui de la Jacques-Cartier n’échappe pas à la règle, arborant fièrement le patronyme du grand explorateur originel du Québec et de cette grande rivière qui le traverse du nord au sud sur 177 kilomètres. Hauts plateaux où errent des meutes de loups, gorges sauvages et secrètes pourfendues par une rivière fabuleuse, forêts boréales tapissant un infini de versants raides… C’est cet environnement que j’ai souhaité visiter, le temps d’une escapade hivernale.

Difficulté : difficile | Longueur : 10 km | Durée : 3h30 | Dénivelé : 500m


Cela fait maintenant une dizaine de kilomètres que le paysage a commencé à changer. La barrière urbaine de Québec a laissé la place à des reliefs boisés imposants que la neige fraîchement tombée tente de blanchir dans une traditionnelle composition hivernale. Une invasion. L’hiver au Québec a des allures de mythe. S’y éprouver exhale la promesse d’aventures nordiques façon Jack London, d’autant plus une fois le parc de la Jacques-Cartier rejoint. J’y ai le sentiment d’être avalé par les montagnes tandis qu’à ma gauche, la rivière Jacques Cartier ondule, encore assez large et épisodiquement emprisonnée sous la glace. Le terminus de la route a une allure de bout du monde. Au-delà, la rivière s’écarte généreusement, muette sous sa gangue neigeuse qui scintille au soleil. Elle prend des allures de lac. Le sentier des Loups, qui démarre à six kilomètres de là, est dans le cercle de ces itinéraires de proximité populaires, à aborder avec humilité . Les versants qui défendent la vallée et la rivière sont en effet ici du genre combatifs. La Jacques-Cartier me rappelle l’Ardèche, version nordique.

Quel plus merveilleux outil que la raquette pour partir à la découverte des grandes étendues du Québec ? Plus qu’un accessoire, la raquette ici est une véritable religion. A 18 km du centre d’accueil, au-delà de Pont-Blanc, la Nature reprend ses droits. Seuls des murmures d’aventure en sont rapportés par le vent au randonneur qui veut bien les entendre. Ici la Nature est rude et met les organismes à l’épreuve.

Le premier belvédère est enfin là, dissimulé derrière la végétation. Loin en-dessous, la courbe ondulante de la rivière semble figée par l’hiver et le froid. Partout autour des arbres, et encore des arbres, colonisent à l’infini le moindre mètre carré des versants en dressant, pour la majorité, des branchages nus, tendus vers le ciel comme des mains squelettiques. La neige, souveraine, confère au paysage sa dimension immense et fascinante. Le second belvédère, pour sa part, est encore à près de trois kilomètres. Une longue marche en forêt attend les plus courageux pour atteindre ce second point de vue ouvrant vers le sud. Curieux et fasciné, je pousse jusqu’à Pont-Banc afin de prendre la mesure inverse, en me mettant au niveau de l’eau. Des tâches de soleil de plus en plus rares donnent quelque éclat à des poches d’eau sombre sur lesquelles la glace n’a pas eu d’emprise. Bientôt la rive gauche entière est prise en otage par un froid mordant qui me rappelle que mon bien-être personnel trouvera très bientôt ses limites. Dans mon dos, la vallée de la Jacques-Cartier frémit à l’approche du crépuscule. Bientôt la nuit sera là et tirera un rideau d’obscurité sur cet univers de découverte et d’aventure qu’il me semble avoir à peine effleuré.

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– INFOS PRATIQUES –

Carte : l’intégralité des sentiers hivernaux du Parc de la Jacques-Cartier est disponible en PDF et en ligne en cliquant ici
Accès : en voiture, de Québec, quitter l’agglomération par l’autoroute Laurentienne 73, direction Saguenay. La quitter à la sortie 182 « Parc National de la Jacques-Cartier ». Après la sortie, suivre à gauche pour passer sous l’autoroute. Juste après, tourner à droite pour franchir l’entrée du parc. L’hiver, les guérites sont fermées : continuer pendant 10 km pour rejoindre le centre des services, au terminus de la route.
Topo : passer derrière le centre d’accueil et remonter la rivière Jacques-Cartier en rive gauche – par la droite donc. Si vous ne prenez pas la navette, suivre un large chemin à plat enneigé sur 6 km – ce qui vous rajoutera 12 km ! – et rejoindre le départ du sentier des Loups en amont (présence d’une aire circulaire pour les motos-neiges et d’une cabane pour s’abriter et déjeuner). Suivre le sentier qui part le plus à droite – panneau indiquant « Sentier des Loups ». Après 600m, il rejoint un autre chemin forestier. Tourner à gauche et continuer de monter jusqu’au premier belvédère. De ce point, il restera 2,7 km pour poursuivre jusqu’au second belvédère. Revenir par le même chemin.
Notes : il est fortement recommandé de profiter du service de navette pour vous rendre au départ du sentier. Autrement, il faudra intégrer à votre temps de parcours les 12 km aller-retour supplémentaires nécessaires : pas rien ! J’ai croisé des gens sans raquette : mauvaise idée. Même si le chemin est tracé, vous progresserez mieux avec elles et participerez à l’entretien du sentier. Dans le film, vous me voyez à Pont-Banc. C’est 2 km au-dessus du départ du sentier des Loups. Les plus motivés pourront toujours revenir au centre et au départ par la rive droite.
Les hébergements : j’ai dormi dans le Parc, qui bénéficie de nombreux chalets disséminés dans différentes zones. Le mien était dans le secteur de la Cachée et faisait partie du lot EXP, d’agréables petites cabanes, modernes et lumineuses, en plein milieu de la forêt. Il y a également des yourtes ou des chalets plus traditionnels, de capacités diverses. Vous pouvez retrouver tous ces hébergements sur le site internet de la Sepaq, catégorie Jacques-Cartier.
Liens utiles : avant un voyage au Québec, un petit tour sur Québec Original, le site officiel du tourisme au Québec est plutôt judicieux. À compléter, pour celles et ceux que la lecture de l’article ont inspiré, par une visite sur le site du Parc National de la Jacques-Cartier.
Bibliographie : Randonnée Pédestre au Québec | Pour s’immerger dans les possibilités de randonnées à travers l’immensité du Québec, je vous recommande la lecture de ce guide Ulysse. Un favori qui a toute ma confiance car une journaliste québecoise que je connais bien y travaille avec passion et rigueur. A commander les yeux fermés donc pour s’inspirer des idées du côté de la Jacques-Cartier mais aussi ailleurs ! Tarif : 22,99 euros (format papier) ou 16,99 euros (format PDF). A noter qu’une version numérique consacrée spécifiquement au secteur des Laurentides est disponible à l’achat et en téléchargement pour seulement 2,99 euros !

EN BREF

Belle introduction au Québec hivernal, le Parc National de la Jacques-Cartier et ses infrastructures contenteront les randonneurs désireux de s’initier en toute sécurité à ces grands espaces forestiers. Plusieurs itinéraires sans difficulté technique et bien balisés offrent la possibilité d’un séjour familial en étoile agréable, dans le confort douillet d’un chalet dissimulé sous les étoiles et dans le secret des arbres.

Jacques Cartier

by-nc-ndCe reportage Carnets de Rando, sous licence Creative Commons, est la propriété exclusive de Carnets de Rando. Son usage à des fins non commerciales est autorisé à condition de mentionner son appartenance au site www.carnetsderando.net. Pour toute autre utilisation, merci de me contacter.

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