La Traversée de la Gaspésie en Raquettes

La Gaspésie, c’est ce long bout du monde qui s’enroule le long de la rive sud du grand Saint-Laurent. Un territoire de la taille de la Belgique qui, depuis maintenant 15 ans, invite les amateurs de ski de fond et, désormais, de raquettes, à une grande manifestation sportive et amicale à travers ses paysages enchanteurs aux allures de grand nord sauvage. Une semaine de vacances sportives au gré d’itinéraires renouvelés chaque année sous la houlette d’une équipe d’organisateurs incroyables qui donnent véritablement tout pour faire de ce rendez-vous un événement inoubliable. Une grande fête à laquelle j’ai pu participer l’espace de quelques jours.

Je n’en finis pas de rouler sur cette route 132 qui relie Québec à Gaspé. Les distances au Québec sont à peine croyables. Mes essuie-glaces balaient sans cesse les rafales de neige qui s’écrasent sur le pare-brise. Déjà près de 3 heures que je longe le Saint-Laurent depuis Matane et je n’en vois pas le bout. J’ai rendez-vous avec l’équipe de la TDLG dans le Parc National de Forillon, ancré à l’extrémité de la Baie de Gaspé. C’est là-bas que se déroule l’étape du jour, la cinquième pour les participants. Moi je vais prendre le train en route. Quand je rejoins enfin le parc, c’est pour troquer la voiture contre une moto-neige ! La nature s’anime autour de moi avec des marcheurs à raquettes, des skieurs de fond, des membres de l’organisation qui parlent dans leurs radios. Je crois, en fait, que je n’avais pas pris la mesure de l’événement. Lorsque je débarque enfin à Grande-Grave, à mi-chemin du Cap Gaspé, je réalise que je suis au coeur d’une institution animée par la passion et le plaisir de se retrouver chaque année. La TDLG, plus qu’une épreuve, c’est d’abord une grande famille qui vient s’amuser autour d’un territoire et d’activités sportives. Du froid certes, de la musique et des boissons chaudes, de l’effort et beaucoup de bonne humeur. Je prends peu à peu note de la recette de cette Traversée de la Gaspésie tandis que, raquettes aux pieds, je découvre les paysages congelés du Cap Gaspé et de la forêt de Forillon.

La compétition n’a pas de place dans la Traversée de la Gaspésie. Ici, au Québec, c’est une toute autre approche de ce genre d’événements. La chaleur humaine se substitue à la performance et, le seul classement qui préoccupe les participants, c’est celui de la bonne humeur. Un grand moment d’humanité dans les paysages à couper le souffle de la Gaspésie

Cette édition est un peu particulière du fait d’un hiver pas assez rigoureux. C’est de la pluie qui est même carrément annoncée pour le lendemain. Du jamais vu ici, en Gaspésie, à cette époque ! Et il fallait que ça tombe quand je suis là ! Une météo qui perturbe énormément l’organisation, certaines sections manquant carrément de neige pour les skieurs. Pire encore : la traditionnelle traversée, à pied ou en ski, de la Baie de Gaspé a de fortes chances d’être annulée pour l’étape finale. Habituellement en glace, la Baie en question est actuellement un mélange confus de solide (un peu) et de liquide (beaucoup). Des conditions de sécurité donc très limite pour donner le feu vert à ce qui constitue, chaque année, le point d’orgue de l’épreuve. Imaginez une arrivée du Tour de France sans les Champs-Elysées et vous comprendrez mieux la déception générale qui entoure ces circonstances inhabituelles. Mais il faut davantage pour venir à bout de l’enthousiasme communicatif de l’équipe et, plus particulièrement, de Claudine Roy, présidente de la TDLG, un petit bout de femme dont l’énergie et l’amour débordant pour ses collègues et les participants m’ont littéralement ému. Du matin au soir, elle et tous les bénévoles de l’organisation, se plient en quatre – voire davantage encore – pour faire de chaque jour une fête. Alors, même quand les choses ne tournent pas rond, Claudine et sa bande trouvent toujours la parade.

TDLG Gaspésie Raquettes

La pluie tombe drue le matin du sixième jour de l’épreuve. Les équipes de reconnaissance font tomber le verdict : pas de départ aujourd’hui. Les participants sont orientés vers des activités improvisées : jeux, massages, théâtre d’improvisation. Les plus courageux – à moins que ce ne soient les plus fous ? – sont invités à s’inscrire à des sorties ski et raquettes alternatives (et aussi plus courtes). Je tente ma chance avec une poignée de volontaires. Nous partons donc dans la forêt qui entoure la ville de Gaspé, entre froid et humidité. Rien qui ne soit très recommandable pour la caméra, que je ne sors que brièvement. Jusqu’à finir par ne plus du tout la sortir alors qu’on se dirige, assaillis par des rafales de vent glacées, vers le centre de ski de Mont-Béchervaise, point final d’une matinée totalement improvisée. Il faudra patienter jusqu’au lendemain pour que l’organisation puisse donner le départ de ce qui ressemble – presque – à une journée normale. Cette fois le groupe raquettes compte une bonne cinquantaine d’inscrits. Une enfilade colorée et animée de joyeux lurons qui s’étire à travers la forêt de Forillon pour oublier l’annulation de l’étape de la veille. Davantage que le paysage, cent pour cent forestier, c’est à l’ambiance de cette TDLG que je succombe. Ici point de compétition : on s’amuse d’abord et surtout ! Je suis fasciné par les liens forts qui s’établissent entre les participants. Une soudure invisible qui confère à l’événement une aura d’humanité à laquelle je suis énormément sensible.

Emmenée par son incroyable présidente Claudine Roy, la Traversée de la Gaspésie est une vraie locomotive à bonheur, la réunion annuelle d’une sorte de grande famille qui s’agrandit démesurément. Je suis sincèrement touché par l’intensité des liens qui unissent les participants au terme de cette semaine incroyable. Le départ n’en est que plus difficile.

La traversée de la Baie de Gaspé demeurant impossible à réaliser, ce sont des bus qui se chargent de transférer tous les participants – plus de 200 personnes ! – à l’entrée de la ville pour le grand final. Il y a comme un parfum de fête qui plane dans l’air. J’ai la sensation d’avoir le privilège de participer à quelque chose de grand. L’excitation me gagne. Je me prends au jeu et me mets à vibrer avec ce cortège de skieurs et de raquettes en marche vers le centre-ville de Gaspé où nous attendent fanfare, habitants en fête et applaudissements. Une haie d’honneur s’improvise pour célébrer Claudine et le doyen des participants. L’atmosphère est légère et profondément chaleureuse. Il y a une bonne humeur contagieuse qui se répand à travers ce groupe, en même temps qu’une nostalgie palpable de devoir bientôt dire au revoir à la Gaspésie et à toutes ces personnes dont je me suis subitement senti si proche. Une sensation confirmée à l’occasion de la traditionnelle soirée festive qui clôture la TDLG. De l’amour sous perfusion, des moments vrais qui font oublier les soucis. Claudine et son équipe, à mes yeux, ce sont un peu des magiciens, des pourvoyeurs de bonheur. Emue, la présidente déclarait : « la TDLG, c’est plus qu’une semaine de ski ou de raquette; c’est un voyage au cœur de l’humain. Prenez le temps de rencontrer les gens qui vous entourent; je suis convaincue que dimanche prochain, quand vous serez de retour à Montréal, il y a une petite parcelle de vous qui sera transformée à jamais ». Une vérité vraie que je réalise en retouchant le sol de la France quelques jours plus tard.

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Claudine Roy, la présidente et le moteur de la TDLG. Rarement ai-je vu une personne témoigner autant d’amour aux autres et en recevoir davantage encore en retour. Une grande dame, passionnée et passionnante.

– INFOS PRATIQUES –

La TDLG, c’est quoi ? Tous les ans, depuis maintenant 15 ans, des amoureux de la Gaspésie organisent une grande manifestation sportive intitulée la Traversée de la Gaspésie. Originellement adressée aux skieurs de fond, elle accueillent depuis trois ans également maintenant les raquettistes, avec des itinéraires différents des skieurs. De nouveaux parcours sont proposés pour chaque nouvelle édition permettant de découvrir l’ensemble du territoire de la Gaspésie. Pas de compétition ici mais le plaisir simple de skier ou de marcher au fil d’itinéraires quotidiens proposés et encadrés par une organisation exceptionnelle. Se dépenser dans la nature, partager et échanger avec les autres, se retrouver le soir autour d’animations festives, en étant chouchouté par Claudine et son équipe : voilà, en résumé, le mot d’ordre de ce qu’est la TDLG. Des vacances un poil sportives, 100% organisées, où il n’y a qu’à se laisser porter par l’énergie et la bonne humeur collective.

Est-ce que c’est difficile ? Même si on croise parfois sur le parcours des gens bien entraînés et sportifs, le chronomètre n’a pas sa place dans la TDLG. L’essentiel des participants sont des personnes, certes habituées à un minimum de sport, mais en aucun cas des compétiteurs. Les parcours comprennent des montées et des descentes et ne dépassent pas les 15 kilomètres pour les plus longs. La TDLG s’adresse donc à toute personne habituée à pratiquer la randonnée ou tout autre activité de plein air. Le niveau est vraiment abordable pour tous si vous avez l’habitude de marcher.

Combien ça coûte ? La TDLG c’est, on peut le dire, du all inclusive. Tout est prêt en charge par l’organisation dès lors que vous avez rejoint le point de rassemblement le premier jour. Ce qui signifie sept parcours de raquette dans un environnement généralement non-damé, encadrés par des guides et accompagnateurs, huit nuitées, tous les repas, dont les huit soupers à saveur régionale, les collations, l’eau chaude et le ravitaillement sur les pistes, l’animation de qualité tous les soirs et pendant les étapes, le personnel de soutien technique en cas de bris de pièces d’équipement, tous les transports pendant la semaine, les ressources médicales, au besoin et bien plus encore! Les tarifs varient en fonction du choix de votre hébergement et s’échelonnent en moyenne entre 1350 et 3000$

Où se renseigner et s’inscrire ? Le site internet officiel est évidemment le portail incontournable pour ça. Rendez-vous sur TDLG.qc.ca A découvrir également : la chaîne YouTube de l’événement, avec l’ensemble des vidéos réalisées quotidiennement par l’organisation et qui illustrent brillamment l’esprit TDLG.

EN BREF

La raquette n’est ici qu’un prétexte à vivre une aventure humaine sans précédent. Les paysages de la Gaspésie, déjà grandioses, ne seraient pas les mêmes sans cette grande vague de joie et d’amour qui inonde cette semaine pas comme les autres. Mon seul regret : ne pas avoir pu profiter de l’événement intégralement. La TDLG, aussi courte et bouleversée par la météo fut-elle, reste un moment très fort de ce séjour au Québec. Inoubliable !

by-nc-ndCe reportage Carnets de Rando, sous licence Creative Commons, est la propriété exclusive de Carnets de Rando. Son usage à des fins non commerciales est autorisé à condition de mentionner son appartenance au site www.carnetsderando.net. Pour toute autre utilisation, merci de me contacter.

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