
Quand on parle de trek dans les Écrins, on pense généralement au classique GR®54 qui en accomplit le tour. Un itinéraire de prestige et d’envergure pour se frotter au mythe de ce grand massif alpin en usant uniquement de sentiers balisés. Les Écrins constituent cependant, pour les amateurs d’échappées hors-sentier et de sommets plus anonymes, un formidable terrain de jeu. C’est à ce visage plus confidentiel que nous avons voulu nous confronter avec cet itinéraire de 5 jours essentiellement cantonné à la partie sud-est du Parc National. Une virée par des cols oubliés et des traces à chamois effectuée en totale marge du monde.
Difficulté : difficile | Distance : 55,5 km | Durée : 5 jours | Dénivelé : +5165m/-5170m
INDEX & ACCÈS RAPIDE
Comme point de départ de ce trek dans les Écrins, on a choisi Navette. C’est le nom donné au village ruiné en amont du très beau Pont des Oules, au-dessus de La Chapelle-en-Valgaudemar, dans les Hautes-Alpes. Véhicule obligatoire pour s’y rendre et parcourir les quelques kilomètres de piste reliant le petit hameau des Portes à l’aire de stationnement où elle s’achève.
Pour information, La Chapelle-en-Valgaudemar est située dans la vallée du même nom. C’est une vallée encaissée et en cul-de-sac à laquelle on accède depuis la route Napoléon – ou N85 – circulant entre Grenoble et Gap. Il faut environ 2h et 90 km pour l’atteindre depuis Grenoble au lieu de 1h et 45km depuis Gap. Zéro bus mais une navette, en pleine saison, qui fait l’aller-retour entre Saint-Firmin et le Gioberney.

JOUR 1 : DE NAVETTE AU CHAPEAU
4,8 km – 3h35 – 1070m D+
En partant depuis le parking de Navette, l’introduction de ce trek dans les Écrins se classe tout de suite dans la catégorie « sans échauffement ». La carte ne ment pas. On rentre très rapidement dans le vif du sujet pour s’attaquer aux quelques mille mètres de dénivelé nous séparant du sommet du Chapeau. D’abord forestière, l’ascension passe plus haut la tête au-dessus des arbres, révélant un vallon béant et raviné où la cascade de la Buffe s’aperçoit, striant d’une longue larme le noir charbonneux des falaises.
Le paysage prend de l’envergure une fois la crête de la Côte Grasse rejointe, proche de laquelle le fil du sentier déroule en côtoyant un versant méridional abrupt. Pas de passage technique mais un effort constant et un minimum de vigilance et de lucidité sont requis. Autour de nous les Écrins se dévoilent un peu plus. Si la pointe de l’Aiguille de Morges capte l’attention et nous donne un cap, c’est d’un côté le Pic de Parières et, surtout, l’Olan qui s’imposent dans ce paysage de sommets. Puis un courant d’air et la douceur retrouvé d’une herbe épaisse annoncent enfin l’arrivée au sommet du Chapeau.





LE BIVOUAC
Dans le prolongement du Chapeau, après être descendu du sommet, quelques replats parmi les herbes autorisent l’installation de petites tentes. C’est pas Byzance mais ça reste largement jouable. C’est en tout cas l’option à laquelle on a souscrite pour faire étape sur ce trek dans les Écrins. Je m’étais aussi fait la réflexion que se poster sur le sommet d’herbeux en face, baptisé Pic de l’Ours, face aux Rouies, devait aussi être pas mal.
C’est la proximité avec la cabane des Pales, 40m sous le sommet sud-est, qui m’a convaincu de rester proche du Chapeau. J’y suis descendu chercher de l’eau, débusquée en-dessous de celle-ci, à proximité d’un captage. La cabane était encore inoccupée au moment de notre passage et la source, plus haut, ne coulait quasiment pas.



JOUR 2 : DU CHAPEAU AU VALLON DE GOUIRAN
9,7 km, 5h, 1015m D+, 895m D-
LA CRÊTE DU GRAND SERRE
Le jour 2 initie la partie sauvage et hors-sentier de ce trek dans les Écrins. Bien qu’aucun sentier n’apparaisse sur l’IGN qui permette de relier le Chapeau à la crête du col de Morges, le cheminement reste pourtant possible et, somme toute, évident. La ligne bien marquée séparant les pentes herbeuses, d’un côté, des versants marneux, de l’autre, invite à une remontée patiente et sans le moindre piège. Les derniers mètres, tracés dans une pente à la raideur plus marquée, tirent un peu plus dans les mollets et concluent cette longue, mais réjouissante, chevauchée.






LE VALLON LONG
Sous la crête du col de Morges s’ouvre l’intouché Vallon Long, un lieu splendide aux allures de paradis originel tant son approche fastidieuse le pousse à un involontaire isolement. À moins d’être, comme nous, itinérants par des voies de flibustiers ou d’avoir pour objectif l’ascension de la fascinante Aiguille de Morges, il y a peu de chance de croiser quiconque par ici. La descente s’effectue à vue pour rejoindre le torrent et les prairies herbeuses bordant le pied des grandes coulées de pierre recouvrant le versant sud de l’Aiguille.
Celui qui s’invite également dans le paysage et qu’il est impossible de manquer, c’est le Sirac et sa face ouest. Le grand sommet des Écrins y révèle sa voie normale par le glacier de Vallonpierre, un peu plus rongé chaque année par le réchauffement climatique. Ce que nous visons, c’est la trace approximative qui prolonge l’herbe, plus bas, en cheminant au-dessus des marnes en direction de la cabane du Mourre de Clausis. Invisible sur l’IGN, elle existe pourtant, assez accidentée mais toujours lisible, surplombant des ravines inhospitalières mais toutefois rarement dangereuse pour qui a l’expérience de ce style de terrain.




JONCTION AVEC LE GR®54… OU PRESQUE
Je pensais que les difficultés étaient désormais derrière nous. Qu’il allait suffire de traverser le Vallon Plat pour réaliser aisément la jonction avec le GR®54 et tirer ensuite gentiment vers le col de Gouiran pour débusquer, au-delà, le prochain lieu de bivouac de notre trek dans les Écrins.
C’était compter sans la présence de centaines de brebis, plusieurs patous, une bergère à l’affût et suffisamment de clôtures pour bien nous signifier que le passage en question était interdit. Pas question pour autant de faire demi-tour. La seule solution est de remonter le long de l’enceinte en direction du Pic de Vallonpierre : violent. Et passablement agaçant.

Un détour gourmand en temps et en énergie avec 255m de dénivelé supplémentaire, du genre plutôt physique. Inutile de tirer jusqu’au Pic. On opère la bascule dès que possible vers le col de Vallonpierre où passe le GR®54. C’est le retour de la foule des grands jours. Après n’avoir croisé personne depuis Navette, les Écrins ont soudain des airs de Champs-Élysées !
Par des marnes grisonnantes et bien balisées, l’itinéraire s’extraie de la zone agro-pastorale pour franchir le col de Gouiran. Juste après, le vallon du même nom offre une parenthèse propice au bivouac avant l’ascension, dès le lendemain matin, du col de la Valette.





LE BIVOUAC
Le Vallon de Gouiran offre une jolie enclave d’herbe et de plat, à l’aplomb des redoutables à-pics des Cros du Sirac. Je n’ai pas cherché plus loin ce jour-là, même avec la rumeur d’un « camp de base » de l’autre côté du col suivant (celui de La Valette). C’est vraiment un spot agréable pour se poser, même si on reste à proximité du GR®54 (dont le trafic finit assez rapidement à s’amenuiser après 17h).
Le petit étang visible sur l’IGN était à sec. On a été un peu plus loin, tout en tenant le petit torrent signalé sur la carte (celui qui croise le « X » de Puy des Agneaux sur celle-ci) à portée de main. J’ai pu y remplir les gourdes assez facilement après avoir, par prudence, filtré l’eau.

JOUR 3 : DU VALLON DE GOUIRAN AU LAC DE CÉDÉRA
16 km, 8h, 1685m D+, 1515 D-
Note : la longueur et le dénivelé de la troisième étape de ce trek dans les Écrins peut surprendre sur le papier. La vérité c’est que, à l’origine, ce J3 devait être consacré à l’ascension du Sirac par sa face sud via une trace très aventureuse que j’avais débusqué dans les recoins du web : excitant au possible.
La réalité c’est qu’une fois la longue remontée du vallon de La Valette effectuée – située entre la crête de Rivarol et celle des Capucins – et face aux difficultés rocheuses et à l’engagement requis pour trouver le passage en question, on a renoncé. Trop d’incertitudes, pas assez de confiance, doutes sur l’exposition… On ne l’a pas senti et on a préféré faire demi-tour.
Tout ça a cependant copieusement grignoté sur une bonne partie de la journée. Aussi, après l’éventualité d’une nuit au Pré de la Chaumette, on a préféré continuer pour bivouaquer sous le col du Cheval de Bois. Ce qui nous a fait une étape de seulement 7km et 370m de dénivelé. Aussi, pour cet article, ai-je choisi d’ajouter notre J4 pour faire un seul et unique J3 bien costaud.
Libre à chacun(e) ensuite de re-découper cette longue étape à sa guise, selon sa forme et son humeur du moment. En ce sens, ferai-je mention, dans le descriptif à suivre, des spots pouvant constituer de bons emplacements de bivouac en conséquence d’un re-découpage de ce trek dans les Écrins.

LA ROUTE DU PRÉ DE LA CHAUMETTE
C’est encore le GR®54 qui sert de trace pour la première partie de cette journée fleuve. On le reprend là où on l’avait quitté la veille afin de franchir, en premier lieu, le petit mur du col de La Valette. On y raccorde le vallon du même nom, descendu depuis l’épaule sud du Sirac. Lui-même rejoint l’immense Vallon de la Pierre, une immense fenêtre ouverte sur les principaux sommets prolongeant le Sirac au-delà de sa brèche en V : Pointe de Chabournéou (3520m) et de Verdonne (3328m) au nord, Pointe de Chanteloube (3156m) et des Bouchiers (3101m) sur le flanc est. Un concentré de montagne et de cascades que rehausse le rose vif des rhododendrons selon la saison.
Une dernière section de marche, un peu moins incroyable, nous fait ensuite glisser jusqu’aux larges espaces accueillant le refuge du Pré de la Chaumette. Une institution ici lors d’un trek dans les Écrins, au terminus de la vallée de Champoléon et étape obligée sur le GR®54 en venant de Vallouise via le mythique et redouté col de l’Aup Martin. À défaut d’y passer la nuit, il est fortement recommandé de s’y octroyer une pause le temps d’un café, d’un jus bien frais et, pourquoi pas, d’une gourmandise ou d’un repas complet. C’est ce qu’on a fait avant de reprendre la route par le vallon de Rougnoux en direction du col du Cheval de Bois.



LE VALLON DE ROUGNOUX
Ouvert d’abord à l’est du Pré de la Chaumette, le vallon de Rougnoux se présente en premier lieu comme un ressaut glaciaire coriace à franchir. Un effort à mener au travers d’une masse d’aulnes glutineux chaude et compacte, accompagné par la note fraîche des nombreux torrents qui se précipitent vers l’aval. Une fois les espaces pastoraux rejoints au niveau des cabanes de Rougnoux, il est alors temps de quitter le GR®54 qui poursuit vers le Pas de la Cavale pour s’engager, dans une solitude retrouvée, dans la partie supérieure du vallon, orientée sud, en direction du col du Cheval de Bois.
Voici une part d’Écrins peu explorée, prise en tenaille entre deux gros « hubs » davantage fréquentés : la vallée de Champoléon d’un côté et la station d’Orcières-Merlettes, de l’autre. Entre les deux un vallon confidentiel que protègent la masse du Rouite, à l’aplomb septentrional du col du Cheval de Bois, et le haut mur de strates convulsées de la crête du Martinet. Ce rempart à l’aspect torturé fait le pont entre le sommet des Pointes de Rougnoux (3179m) et celle des Estaris (3086m). Le vallon de Rougnoux ressemble à une porte dérobée pour s’échapper du « trafic » – toute proportion gardée – circulant à la fois sur le GR®54 et le GR® de Pays du Tour du Vieux Chaillol.



OPTION BIVOUAC
Le vallon de Rougnoux a accueilli le bivouac du J3 réel de ce trek dans les Écrins. On ne se sentait pas d’aller plus loin après le rendez-vous manqué avec le Sirac qui nous avait coûté pas mal de temps et d’énergie (voir précédemment). Sur la carte, le haut du vallon m’apparaissait comme un potentiel lieu de bivouac adapté. En réalité moyennement.
Pas si simple d’y trouver un bon plat pour planter. Il y a toujours un peu de pente qui traîne. Un comble en regard de l’espace immense déployé au pied des falaises. Après pas mal de temps passé à farfouiller, on a finalement opté pour un coin pas trop pire, pas loin du torrent. Avec le recul, je pense que passer le col du Cheval de Bois pour planter de l’autre côté – celui du vallon de Prelles – s’avère nettement plus judicieux pour le bivouac.

LE VALLON DE PRELLES & LE COL DE MÉOLLION
La réussite de ce trek dans les Écrins tenait pour beaucoup à la possibilité de relier le col de Méollion, visible sur l’IGN, en arrivant de celui du Cheval de Bois. L’observation des lignes de niveau m’a encouragé à croire en cette option bien que, à l’époque, je n’ai trouvé aucune information sur le web la concernant. Une fois sur place, la lecture de terrain m’a paru plus difficile.
Pas évident d’imaginer une ligne dans ces versants au demeurant assez accidentés – par endroits – ou sensiblement pentus. Et ce n’est pas notre échange avec un couple de randonneurs-baroudeurs croisés sous le Cheval de Bois qui nous a franchement encouragés à tenter le coup malgré tout…
Pourtant le passage existe et je peux aujourd’hui le confirmer. À l’exception d’un court instant un peu plus exposé à cause du degré de pente et de l’absence de protection, il est possible de rejoindre l’antécime nord du point coté 2577 en s’appliquant à suivre une ligne de crête bien dessinée qui démarre depuis le plateau de la Haute Sagne – voir les photos ci-dessous.
Ensuite, une sente évidente et sans risque descend, nord-ouest, vers le col de Méollion en contournant par le versant sud le becquet de roche qu’on aperçoit depuis le col du Cheval de Bois et qu’on jurerait, à ce moment-là, infranchissable. Très pratique pour une jonction plus directe vers la Cédéra.







ROUTE VERS LA CÉDÉRA
On pensait se la couler douce une fois le col de Méollion atteint. Le dessin d’un sentier sur l’IGN en versant sud me tranquillisait. Mais comme ça arrive souvent avec l’IGN et ses fonds de carte mal actualisés, ce tracé n’existe plus, évanoui dans des pentes glissantes et peu hospitalières. On est donc parti en quête d’un autre passage, trouvé un peu plus haut et décrit dans la légende de la photo précédente, histoire que ce soit clair. Une fois la coulée verte en question rejointe, il reste cependant encore à jouer les sangliers pour rejoindre la trace du chemin dessiné sous le point côté 2254.
C’est encore un segment assez approximatif, au tracé irrégulier sur le terrain. La trajectoire reste cependant assez instinctive. L’idée étant, en se tenant plus ou moins sur la ligne de niveau qui passe au pied des barres rocheuses, de prendre pied sur le bon sentier balisé qui monte au lac de Cédéra. Une entreprise lente et peu fluide, coupant plusieurs fois des drayes à sec, et qui pourra user les dernières forces de chacun(e), surtout si vous êtes parti(e)s le matin du vallon de Gouiran. Je vous recommande cependant de tenir bon jusqu’au lac, lieu d’altitude à la beauté farouche et qui constitue sans doute le plus beau bivouac de ce trek dans les Écrins.









BIVOUAC DU LAC DE CÉDÉRA
On a joui ce soir-là de l’usage du spot pour notre seul plaisir. Pas un(e) seul(e) campeur/se à l’horizon ! Il faut dire que l’accès au site se mérite, même par le sentier balisé. C’est une entreprise de longue haleine qui permet au lieu de se placer au rang de ces endroits préservés de la foule sur ce trek dans les Écrins. Du pain béni pour les amoureux/ses de solitude ! Il y a quelques petits coins d’herbe entre les affleurements rocheux qui permettent de poser une tente. Pour le ravitaillement en eau, ça coulait pas très fort par contre. Il a fallu de la patience et une gourde filtrante pour faire le plein.

ASCENSION EN OPTION : LA MONTAGNE DE CÉDÉRA (2886m)
Quitte à passer dans le coin, l’envie vous prendra peut-être, comme moi, de grimper au sommet de la Montagne de Cédéra. Attention cependant à ne pas confondre la Montagne avec l’Aiguille ! Ce n’est pas exactement le même niveau d’engagement. J’ai fait cette erreur et me suis retrouvé, après avoir remonté à vue par des étagements de roche et d’éboulis faciles, sur l’amorce de la crête rocheuse dirigeant vers l’Aiguille. L’Aiguille c’est ce triangle bien large, orienté ouest-sud-ouest du lac. Si le début de l’arête est une chevauchée acceptable, quoique déjà plus engagée que la moyenne, les derniers mètres sont du grand n’importe quoi : exposée, sur de la roche bien pourrie, l’entreprise m’est apparue comme un risque inutile à courir.
Aussi, quitte à ne pas être monté pour rien – et puisque je pouvais emprunter l’arête dans l’autre sens – j’ai décidé d’embrayer côté nord en direction de la Montagne de Cédéra, techniquement bien plus raisonnable et n’exigeant que des compétences très basiques en matière de recherche d’itinéraire. J’y croise en chemin une poignée de bouquetins bien étonnés de tomber sur un bipède de si bon matin. L’atout de la Montagne de Cédéra, en sus de son accessibilité, c’est aussi sa forme de promontoire qui bascule abruptement sur le Champoléon, offrant un belvédère incroyable sur le Sirac. De quoi largement récompenser les efforts de celles/ceux qui n’auront pas rechigné devant ces 200m de dénivelé supplémentaires.



JOUR 4 : LAC DE CÉDÉRA – SOURCES DE VAL ESTRÈCHE
16 km, 6h30, 895 D+, 1385 D-
Une grosse partie de cette journée sera consacrée à descendre, depuis le lac de Cédéra, jusqu’à la vallée de Champoléon et, dans un premier temps, au village des Borels. Une bien longue dégringolade, à réaliser à la patience et qui le sera d’autant plus si, comme nous, vous êtes allé(e)s gravir la Montagne de Cédéra au saut du lit.
Après un premier segment alpin qui vient se dissoudre dans les grandes pentes herbeuses issues de sous le col de Méollion, c’est un étage davantage forestier qui s’installe une fois dépassée la cabane de Méollion. L’arrivée à Champoléon, vallée rurale et habitée, tranche avec les jours précédents passés dans la solitude de l’altitude et des recoins les moins fréquentés des Écrins sud.
Bon à savoir : aux Borels, pour manger le midi – après la longue descente depuis la Cédéra – ou pour faire étape, on vous recommande l’Auberge des Borels dont on a apprécié les bons plats maison. Une pause salvatrice avant la seconde partie de la journée. On a noté qu’il était aussi possible d’y dormir. L’Auberge dispose en effet de chambres et de suites familiales. Labellisé Bistrot de Pays, l’établissement brille également par sa démarche écologique. Plus d’infos et réservations : 04 92 51 76 89







LE VALLON DE VAL ESTRÈCHE
On goûte à nouveau à la chaleur de ce début d’été en montagne en remontant patiemment les petites routes reliant Les Borels aux Baumes, un peu plus haut. Une transition peu palpitante mais nécessaire afin d’accéder à l’entrée du long vallon de Val Estrèche. C’est celui-ci, encadré par le Puy des Pourroys (2784m) et le Puy des Baumes (2843m) que j’ai choisi pour réaliser, demain, la bascule vers Navette et le Valgaudemar. Une voie peu empruntée – car considérée à tort comme un cul-de-sac – et dont la partie inférieure, forestière, abrite des troupeaux. Plus haut, davantage encaissée, elle s’ensauvage nettement avant de jaillir dans le replat des Vallons, lieu hors du temps où plonger à nouveau dans l’isolement de ce trek dans les Écrins.





LE BIVOUAC
On était pas mal pressé par l’orage ce jour-là. Des nuages menaçants ont rapidement obscurci le Pic du Mourre la Mine, nous forçant la main pour éviter les palabres sur le meilleur emplacement possible. On s’est calé pas trop loin de la source mentionnée (dont l’accès, assez accidenté, oblige à redescendre pas mal pour chercher l’eau). L’orage est passé et la soirée a été l’occasion de jumeler pas mal de chamois dans les versants d’en face.

JOUR 5 : DE VAL ESTRÈCHE À NAVETTE
8 km, 4h30, 500m D+, 1375 D-
J’avais un peu d’appréhension ce matin-là en m’attaquant à cette dernière étape après avoir replié et rangé la tente. Si un point d’interrogation subsistait quant à l’existence d’un passage entre Val Estrèche et Navette, c’était bien ici. À l’instar du col de Méollion, ce fut, disons-le, mission impossible de déterminer, avant le trek, si la bascule était réalisable sans risque. C’est donc d’un pas involontairement hâtif que j’entraîne Raphaèle par le reliquat d’étagements se hissant en direction du col de Val Estrèche et du sommet de Tête Virante.
C’est une progression à vue et sans difficulté particulière qui s’appuie sur une trajectoire facile à lire. Depuis le replat du bivouac, il faut suivre un semblant de sente qui se tient suffisamment distante à droite de la ligne formée par le torrent. Après avoir arrondi à gauche pour couper celui-ci, il faut remonter en larges lacets improvisés jusqu’à un « replat » situé aux abords des 2500m. De là, en biaisant sous Tête Virante par des gradins rocheux et rocailleux, on arrive à viser le col étroit – et impraticable en versant nord – situé à l’ouest du sommet arrondi de Tête Virante. Il ne reste plus qu’à se hisser sur celui-ci – facile – et à basculer de l’autre côté sur le col, un peu plus large, de Val Estrèche.




LE CROS DU JAS DE LA LAUZE
Par chance, le haut du col est sec et, même si la pente est sensiblement raide, ça passe plutôt bien et il est possible d’aller assez vite se mettre en sécurité dans des gradins rocheux faciles à désescalader. À l’issue ne subsiste plus qu’un gigantesque pierrier, strié d’un unique névé dont l’extrémité, bien en vue, assure l’usage sans le moindre risque.
C’est quelques mètres de pris plus rapidement dans une descente qui semblera ensuite ne jamais vouloir en finir. Le temps de s’extraire ensuite des éboulis et de rejoindre des pentes plus douces colorées à nouveau par le vert accueillant des pelouses.




À partir de là je me mets en quête du départ du chemin observable en pointillés noirs sur l’IGN. Je m’attends à trouver quelques cairns pour me mettre sur la voie. Je débusque a minima une sente qui paraît couler dans la bonne direction, franchissant habilement les quelques gradins et escarpements rocheux qui barrent le versant dans notre secteur.
La progression est rapide et, à ce stade, je me dis sincèrement qu’on devrait aller vers toujours plus de confort de marche. C’était compter sans ce conglomérat d’aulnes qui envahit les pentes les plus raides pour puiser l’eau des torrents dévalant vers le fond du thalweg.



Ce qui aurait dû être une partie de plaisir vire à l’épreuve de force. La sente, déjà indistincte, s’évanouit. Le passage, lui, se referme. Reste un bataillon d’aulnes compact qu’il faut contourner ou combattre pour traquer la suite de la descente. Infernal. Et épuisant. L’épisode vient à bout de ma patience et c’est furax et poisseux de sueur que j’atteins les hauteurs de la bergerie de Seylas.
Là encore le chemin brille par son absence. Contournant un troupeau, j’entraîne Raphaèle à ma suite dans une trajectoire improvisée qui finit par recouper un sentier ouvert sur le bloc bordant les Cascades de Buchardet au sud et découvert par hasard. Notre porte de sortie de ce trek dans les Écrins avant de retrouver le chemin balisé qui nous ramènera au point de départ, à Navette.





RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ
Est-ce que cet itinéraire est difficile ?
Ce trek dans les Écrins est un itinéraire sportif. Les dénivelés peuvent certains jours être élevés, d’autant plus avec du poids sur les épaules. Je vous recommande d’être capable de vous affranchir de 1000 à 1200m de dénivelé sans broncher pour l’aborder sereinement. D’autre part, sans être exagérément technique ou engagé, ce trek réclame une très bonne capacité de lecture du terrain pour pouvoir identifier les bonnes lignes et les meilleures trajectoires. Savoir naviguer hors sentier est un pré-requis qui m’apparaît indispensable.
Est-ce que tu as la trace GPX ?
La question me sera invariablement posée. Et la réponse est non. Je n’en faisais pas, à l’époque. Et puis quand bien même : voici le genre d’aventure où le plaisir repose, entre autre, sur une forme de confrontation au terrain. Analyse, sens de l’orientation et de l’observation y trouvent une place de choix. Suivre une trace sur un GPS pour pallier aux lacunes de sa propre expérience en fait perdre le sens. Je donne suffisamment d’indication dans les légendes des photos pour permettre à un(e) utilisateur/trice de se préparer et de progresser par lui/elle-même. Je reste, dans tous les cas, disponible pour toutes vos questions à mon adresse contact@carnetsderando.net
Quelle est la meilleure période pour faire ce trek dans les Écrins ?
On a réalisé ce trek début juillet 2024. Il ne restait quasiment plus de neige en altitude. L’itinéraire était donc intégralement sec. Au vu des nombreux passages hors sentier présents, je vous recommande fortement d’attendre des conditions similaires. La présence de la neige peut sensiblement rendre certains passages plus difficiles, voire dangereux. Je pense notamment au col de Morges, au col de Méollion et à celui de Val Estrèche.
Est-ce que le bivouac est autorisé ?
Vous l’aurez noté, ce trek dans les Écrins se déroule sur le territoire du Parc National : une partie en zone coeur et l’autre en zone d’adhésion. Le bivouac, s’il est autorisé, est donc réglementé. On ne peut ainsi poser sa tente qu’entre 19h et 9h et à la seule condition de se trouver à plus d’une heure d’une entrée du Parc. Tous les spots évoqués dans ce reportage sont donc dans les clous.

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