Trek dans les Écrins : 5 Jours en Marge du Monde

Quand on parle de trek dans les Écrins, on pense généralement au classique GR®54 qui en accomplit le tour. Un itinéraire de prestige et d’envergure pour se frotter au mythe de ce grand massif alpin en usant uniquement de sentiers balisés. Les Écrins constituent cependant, pour les amateurs d’échappées hors-sentier et de sommets plus anonymes, un formidable terrain de jeu. C’est à ce visage plus confidentiel que nous avons voulu nous confronter avec cet itinéraire de 5 jours essentiellement cantonné à la partie sud-est du Parc National. Une virée par des cols oubliés et des traces à chamois effectuée en totale marge du monde.

Difficulté : difficile | Distance : 55,5 km | Durée : 5 jours | Dénivelé : +5165m/-5170m

INDEX & ACCÈS RAPIDE

Comme point de départ de ce trek dans les Écrins, on a choisi Navette. C’est le nom donné au village ruiné en amont du très beau Pont des Oules, au-dessus de La Chapelle-en-Valgaudemar, dans les Hautes-Alpes. Véhicule obligatoire pour s’y rendre et parcourir les quelques kilomètres de piste reliant le petit hameau des Portes à l’aire de stationnement où elle s’achève.

Pour information, La Chapelle-en-Valgaudemar est située dans la vallée du même nom. C’est une vallée encaissée et en cul-de-sac à laquelle on accède depuis la route Napoléon – ou N85 – circulant entre Grenoble et Gap. Il faut environ 2h et 90 km pour l’atteindre depuis Grenoble au lieu de 1h et 45km depuis Gap. Zéro bus mais une navette, en pleine saison, qui fait l’aller-retour entre Saint-Firmin et le Gioberney.

Sur la première étape, en atteignant la Crête de la Côte Grasse depuis la vallée de Navette, tout en bas. En arrière-plan on reconnaît le Pic de Disdier et le Pic de Pétarel.

JOUR 1 : DE NAVETTE AU CHAPEAU

4,8 km – 3h35 – 1070m D+

En partant depuis le parking de Navette, l’introduction de ce trek dans les Écrins se classe tout de suite dans la catégorie « sans échauffement ». La carte ne ment pas. On rentre très rapidement dans le vif du sujet pour s’attaquer aux quelques mille mètres de dénivelé nous séparant du sommet du Chapeau. D’abord forestière, l’ascension passe plus haut la tête au-dessus des arbres, révélant un vallon béant et raviné où la cascade de la Buffe s’aperçoit, striant d’une longue larme le noir charbonneux des falaises.

Le paysage prend de l’envergure une fois la crête de la Côte Grasse rejointe, proche de laquelle le fil du sentier déroule en côtoyant un versant méridional abrupt. Pas de passage technique mais un effort constant et un minimum de vigilance et de lucidité sont requis. Autour de nous les Écrins se dévoilent un peu plus. Si la pointe de l’Aiguille de Morges capte l’attention et nous donne un cap, c’est d’un côté le Pic de Parières et, surtout, l’Olan qui s’imposent dans ce paysage de sommets. Puis un courant d’air et la douceur retrouvé d’une herbe épaisse annoncent enfin l’arrivée au sommet du Chapeau.

km 2,1 – alt.1790 : le sentier, sportif et étroit, s’en va chercher la crête de la Côte Grasse et révèle, en arrière-plan, la très belle cascade de la Buffe. Encore derrière on reconnaît le Pic de Parières, central, et la forme bien identifiable de l’Aiguille Rousse.
km 3,7 – alt.2100 : la crête de la Côte Grasse est maintenant rejointe, invitant à un joli cheminement faitier en direction du Chapeau. L’occasion de sonder les grands et infréquentables ravins du versant sud.
km 4,1 – alt.2230 : l’ascension, exigeante sans être technique ou délicate, s’accompagne de confrontations visuelles directes et spectaculaires avec l’Olan.
km 4,6 – alt.2350 : l’arrivée au Chapeau est imminente ! Derrière nous le creux de la vallée du Valgaudemar a pris de l’ampleur, barré de l’autre côté par la masse imposante de la Cime du Vallon (à gauche) et du sommet des Rouies (au centre)

LE BIVOUAC

Dans le prolongement du Chapeau, après être descendu du sommet, quelques replats parmi les herbes autorisent l’installation de petites tentes. C’est pas Byzance mais ça reste largement jouable. C’est en tout cas l’option à laquelle on a souscrite pour faire étape sur ce trek dans les Écrins. Je m’étais aussi fait la réflexion que se poster sur le sommet d’herbeux en face, baptisé Pic de l’Ours, face aux Rouies, devait aussi être pas mal.

C’est la proximité avec la cabane des Pales, 40m sous le sommet sud-est, qui m’a convaincu de rester proche du Chapeau. J’y suis descendu chercher de l’eau, débusquée en-dessous de celle-ci, à proximité d’un captage. La cabane était encore inoccupée au moment de notre passage et la source, plus haut, ne coulait quasiment pas.

Le premier bivouac côté pile avec le majestueux Pic de Parières (3076m) au sud qui fait la jonction, de l’autre côté, avec les féeriques lacs de Crupillouse et la vallée de Champoléon…
… et côté face, maintenant, en se tournant vers le nord la vallée du Valgaudemar et les lumières plus contrastées de la fin d’après-midi qui viennent frapper le sommet des Rouies à 3589m. Au premier plan, le Pic de l’Ours, spot probablement possible de bivouac
Sans oublier, côté oriental, la silhouette magnétique et diablement esthétique de l’Aiguille de Morges (2986m) qui accueille, peu avant la nuit, les ultimes lueurs du couchant sur son versant entièrement minéral. Magique !

JOUR 2 : DU CHAPEAU AU VALLON DE GOUIRAN

9,7 km, 5h, 1015m D+, 895m D-

LA CRÊTE DU GRAND SERRE

Le jour 2 initie la partie sauvage et hors-sentier de ce trek dans les Écrins. Bien qu’aucun sentier n’apparaisse sur l’IGN qui permette de relier le Chapeau à la crête du col de Morges, le cheminement reste pourtant possible et, somme toute, évident. La ligne bien marquée séparant les pentes herbeuses, d’un côté, des versants marneux, de l’autre, invite à une remontée patiente et sans le moindre piège. Les derniers mètres, tracés dans une pente à la raideur plus marquée, tirent un peu plus dans les mollets et concluent cette longue, mais réjouissante, chevauchée.

km 0,6 – alt.2310 : coup d’envoi du cheminement hors-sentier et en crête en direction de la crête du col de Morges. L’antécime sur la photo correspond au point coté 2459 sur l’IGN.
km 0,9 – alt.2360 : sur un passage 100% marneux mais pas nécessairement vertigineux, peu avant d’atteindre le point côté 2359 mentionné sur la photo précédente. En arrière-plan, la bosse verte bien reconnaissable du Chapeau, notre point de départ.
km 1,7 – alt.2500 : sur les sections les plus « cool » des ressauts herbeux de l’arête de Grand Serre. Un itinéraire royal avec, en toile de fond, les « géants » du Valgaudemar : de gauche à droite l’Olan, la Cime du Vallon et les Rouies.
km 1,9 – alt.2500 : dans l’autre sens, le mur plus conséquent des dernières difficultés, soit pas loin de 300m de dénivelé à effectuer jusqu’à la crête du col de Morges, au prix d’un cheminement un peu plus exigeant sur le plan physique.
km 2,1 – alt. 2590 : à partir de maintenant et jusqu’au col, l’herbe cède la place au minéral. La pente, plus marquée, voire franchement raide dans les derniers mètres, se parsème d’éclats de roches qui confère au décor une touche d’hostilité.
Remarque : le plus simple n’est pas forcément de viser le col de Morges mais simplement sa ligne de crête où un autre col, sans nom, situé au nord du point coté 2804 est tout aussi pratique à rejoindre.

LE VALLON LONG

Sous la crête du col de Morges s’ouvre l’intouché Vallon Long, un lieu splendide aux allures de paradis originel tant son approche fastidieuse le pousse à un involontaire isolement. À moins d’être, comme nous, itinérants par des voies de flibustiers ou d’avoir pour objectif l’ascension de la fascinante Aiguille de Morges, il y a peu de chance de croiser quiconque par ici. La descente s’effectue à vue pour rejoindre le torrent et les prairies herbeuses bordant le pied des grandes coulées de pierre recouvrant le versant sud de l’Aiguille.

Celui qui s’invite également dans le paysage et qu’il est impossible de manquer, c’est le Sirac et sa face ouest. Le grand sommet des Écrins y révèle sa voie normale par le glacier de Vallonpierre, un peu plus rongé chaque année par le réchauffement climatique. Ce que nous visons, c’est la trace approximative qui prolonge l’herbe, plus bas, en cheminant au-dessus des marnes en direction de la cabane du Mourre de Clausis. Invisible sur l’IGN, elle existe pourtant, assez accidentée mais toujours lisible, surplombant des ravines inhospitalières mais toutefois rarement dangereuse pour qui a l’expérience de ce style de terrain.

km 2,7 – alt. 2750 : passage du col de Morges avec la masse rocheuse de l’Aiguille éponyme derrière nous. Le côté oriental est sensiblement moins raide et passe sans la moindre difficulté. À condition, bien sûr, de ne pas être en neige…
km 3,6 – alt.2500 : sur l’herbe retrouvée et rassurante des prairies succédant aux éboulis de fines lauzes, prendre le temps de ce premier rendez-vous avec la star de ce trek dans les Écrins : le Sirac (3441m) qui expose ici sa face occidentale – lieu de la voie normale – ainsi que son arête nord, formidable course d’alpinisme des Écrins.
km 4,5 – alt.2350 : l’immensité herbeuse apaisante du Vallon Long, écrin de solitude heureux où la marche se fait plus libre que jamais. Dans le rétroviseur l’Aiguille de Clapouse (2882m) et le col de Morges, plus à droite, depuis lequel nous sommes descendus.
km 5 – alt. 2415 : depuis la trace en équilibre surplombant les ravines marneuses, un coup d’oeil en arrière vers ce Vallon Long qu’on laisse derrière nous. La silhouette de l’Aiguille de Morges est un appel à l’ascension et on distingue mieux, d’ici, la présence du Vallon Haut desservant l’accès à son arête Est.

JONCTION AVEC LE GR®54… OU PRESQUE

Je pensais que les difficultés étaient désormais derrière nous. Qu’il allait suffire de traverser le Vallon Plat pour réaliser aisément la jonction avec le GR®54 et tirer ensuite gentiment vers le col de Gouiran pour débusquer, au-delà, le prochain lieu de bivouac de notre trek dans les Écrins.

C’était compter sans la présence de centaines de brebis, plusieurs patous, une bergère à l’affût et suffisamment de clôtures pour bien nous signifier que le passage en question était interdit. Pas question pour autant de faire demi-tour. La seule solution est de remonter le long de l’enceinte en direction du Pic de Vallonpierre : violent. Et passablement agaçant.

En l’absence de troupeaux, il doit être possible de couper à travers le vallon Plat pour s’éviter le crochet par le col de Vallonpierre. Fastidieux et fatigant mais, point positif, qui octroie de très belles vues sur le Sirac.

Un détour gourmand en temps et en énergie avec 255m de dénivelé supplémentaire, du genre plutôt physique. Inutile de tirer jusqu’au Pic. On opère la bascule dès que possible vers le col de Vallonpierre où passe le GR®54. C’est le retour de la foule des grands jours. Après n’avoir croisé personne depuis Navette, les Écrins ont soudain des airs de Champs-Élysées !

Par des marnes grisonnantes et bien balisées, l’itinéraire s’extraie de la zone agro-pastorale pour franchir le col de Gouiran. Juste après, le vallon du même nom offre une parenthèse propice au bivouac avant l’ascension, dès le lendemain matin, du col de la Valette.

km 5,4 – alt. 2450 : pas question de traverser le Vallon Plat avec le troupeau et sans la moindre signalétique qui en autoriserait notre passage. Il faut rejoindre le GR®54 quel qu’en soit le moyen.
km 6,3 – alt. 2650 : le détour occasionné vers le col de Vallonpierre (un peu en-dessous, sur la photo) permet, en guise de lot de consolation, de jouir d’une vue encore plus spectaculaire sur la face ouest du Sirac. Un face-à-face sincèrement bluffant.
km 7 – alt. 2500 : à partir du col de Vallonpierre, on emboîte le pas au GR®54 – et à ses nombreux/ses utilisateurs/trices ! – avec, en tête, de raccorder le refuge du Pré de la Chaumette. L’occasion de frayer dans le désert marneux protégeant le socle du Sirac dont on aperçoit encore un peu le sommet en arrière-plan.
km 8,2 – alt. 2470 : la sortie de la zone agro-pastorale, en arrivant sous le col de Gouiran. Presque la fin d’étape. On repère dans le fond l’Aiguille de Morges bien sûr. Surtout on distingue, à gauche, le robuste ressaut herbeux qu’il a fallu grimper pour contourner les brebis avant de suivre la crête jusqu’à l’antécime du Pic de Vallonpierre, à l’aplomb du col éponyme.

LE BIVOUAC

Le Vallon de Gouiran offre une jolie enclave d’herbe et de plat, à l’aplomb des redoutables à-pics des Cros du Sirac. Je n’ai pas cherché plus loin ce jour-là, même avec la rumeur d’un « camp de base » de l’autre côté du col suivant (celui de La Valette). C’est vraiment un spot agréable pour se poser, même si on reste à proximité du GR®54 (dont le trafic finit assez rapidement à s’amenuiser après 17h).

Le petit étang visible sur l’IGN était à sec. On a été un peu plus loin, tout en tenant le petit torrent signalé sur la carte (celui qui croise le « X » de Puy des Agneaux sur celle-ci) à portée de main. J’ai pu y remplir les gourdes assez facilement après avoir, par prudence, filtré l’eau.

alt. 2485 : bivouac serein dans les beaux espaces du Vallon de Gouiran. Derrière nous s’aperçoit le rempart du col de La Valette, qu’il faudra gravir le lendemain ainsi que la cime du Puy Rivarol, joli promontoire de 2724m qu’il est possible de s’offrir sans trop de difficulté.

JOUR 3 : DU VALLON DE GOUIRAN AU LAC DE CÉDÉRA

16 km, 8h, 1685m D+, 1515 D-

Note : la longueur et le dénivelé de la troisième étape de ce trek dans les Écrins peut surprendre sur le papier. La vérité c’est que, à l’origine, ce J3 devait être consacré à l’ascension du Sirac par sa face sud via une trace très aventureuse que j’avais débusqué dans les recoins du web : excitant au possible.

La réalité c’est qu’une fois la longue remontée du vallon de La Valette effectuée – située entre la crête de Rivarol et celle des Capucins – et face aux difficultés rocheuses et à l’engagement requis pour trouver le passage en question, on a renoncé. Trop d’incertitudes, pas assez de confiance, doutes sur l’exposition… On ne l’a pas senti et on a préféré faire demi-tour.

Tout ça a cependant copieusement grignoté sur une bonne partie de la journée. Aussi, après l’éventualité d’une nuit au Pré de la Chaumette, on a préféré continuer pour bivouaquer sous le col du Cheval de Bois. Ce qui nous a fait une étape de seulement 7km et 370m de dénivelé. Aussi, pour cet article, ai-je choisi d’ajouter notre J4 pour faire un seul et unique J3 bien costaud.

Libre à chacun(e) ensuite de re-découper cette longue étape à sa guise, selon sa forme et son humeur du moment. En ce sens, ferai-je mention, dans le descriptif à suivre, des spots pouvant constituer de bons emplacements de bivouac en conséquence d’un re-découpage de ce trek dans les Écrins.

La remontée des éboulis du vallon de La Valette, hors tracé, en vue de l’ascension du Sirac par sa face sud. Opération finalement avortée plus haut, au débouché des sections neigeuses, pour les raisons décrites précédemment.

LA ROUTE DU PRÉ DE LA CHAUMETTE

C’est encore le GR®54 qui sert de trace pour la première partie de cette journée fleuve. On le reprend là où on l’avait quitté la veille afin de franchir, en premier lieu, le petit mur du col de La Valette. On y raccorde le vallon du même nom, descendu depuis l’épaule sud du Sirac. Lui-même rejoint l’immense Vallon de la Pierre, une immense fenêtre ouverte sur les principaux sommets prolongeant le Sirac au-delà de sa brèche en V : Pointe de Chabournéou (3520m) et de Verdonne (3328m) au nord, Pointe de Chanteloube (3156m) et des Bouchiers (3101m) sur le flanc est. Un concentré de montagne et de cascades que rehausse le rose vif des rhododendrons selon la saison.

Une dernière section de marche, un peu moins incroyable, nous fait ensuite glisser jusqu’aux larges espaces accueillant le refuge du Pré de la Chaumette. Une institution ici lors d’un trek dans les Écrins, au terminus de la vallée de Champoléon et étape obligée sur le GR®54 en venant de Vallouise via le mythique et redouté col de l’Aup Martin. À défaut d’y passer la nuit, il est fortement recommandé de s’y octroyer une pause le temps d’un café, d’un jus bien frais et, pourquoi pas, d’une gourmandise ou d’un repas complet. C’est ce qu’on a fait avant de reprendre la route par le vallon de Rougnoux en direction du col du Cheval de Bois.

km 3,4 – alt. 2180m : l’entrée dans le superbe vallon de la Pierre, coiffé d’un chapelet de beaux sommets de plus de 3000m, au débouché de celui de La Valette, sur le GR®54. Une authentique carte postale des paysages alpins proposés par le Parc National des Écrins.
km 5,5 – alt.1820 : après être très largement descendus en altitude, c’est l’arrivée dans les grandes prairies coiffées d’herbes folles qui ceinturent l’incontournable refuge du Pré de la Chaumette. C’est l’une des haltes classiques au cours d’un trek dans les Écrins. En tout cas un lieu de pause apprécié.
Le tracé suit, pour cette partie, celui du GR®54.

LE VALLON DE ROUGNOUX

Ouvert d’abord à l’est du Pré de la Chaumette, le vallon de Rougnoux se présente en premier lieu comme un ressaut glaciaire coriace à franchir. Un effort à mener au travers d’une masse d’aulnes glutineux chaude et compacte, accompagné par la note fraîche des nombreux torrents qui se précipitent vers l’aval. Une fois les espaces pastoraux rejoints au niveau des cabanes de Rougnoux, il est alors temps de quitter le GR®54 qui poursuit vers le Pas de la Cavale pour s’engager, dans une solitude retrouvée, dans la partie supérieure du vallon, orientée sud, en direction du col du Cheval de Bois.

Voici une part d’Écrins peu explorée, prise en tenaille entre deux gros « hubs » davantage fréquentés : la vallée de Champoléon d’un côté et la station d’Orcières-Merlettes, de l’autre. Entre les deux un vallon confidentiel que protègent la masse du Rouite, à l’aplomb septentrional du col du Cheval de Bois, et le haut mur de strates convulsées de la crête du Martinet. Ce rempart à l’aspect torturé fait le pont entre le sommet des Pointes de Rougnoux (3179m) et celle des Estaris (3086m). Le vallon de Rougnoux ressemble à une porte dérobée pour s’échapper du « trafic » – toute proportion gardée – circulant à la fois sur le GR®54 et le GR® de Pays du Tour du Vieux Chaillol.

km 7 – alt.1970 : en montant par le vallon de Rougnoux depuis le refuge du Pré de la Chaumette, les circonvolutions du sentier offrent de derniers coups d’oeil vers le vallon de la Pierre et le Sirac. Une page qui se tourne vers de nouveaux chapitres de ce trek dans les Écrins.
km 8,8 – alt. 2200 : sur le sentier qui prend de la hauteur dans le vallon de Rougnoux pour s’en aller en direction du col du Cheval de Bois. En arrière-plan, éclaircie par le soleil franchissant la crête, la muraille toute en strates à l’étonnante difformité des Pointes de Rougnoux.

OPTION BIVOUAC

Le vallon de Rougnoux a accueilli le bivouac du J3 réel de ce trek dans les Écrins. On ne se sentait pas d’aller plus loin après le rendez-vous manqué avec le Sirac qui nous avait coûté pas mal de temps et d’énergie (voir précédemment). Sur la carte, le haut du vallon m’apparaissait comme un potentiel lieu de bivouac adapté. En réalité moyennement.

Pas si simple d’y trouver un bon plat pour planter. Il y a toujours un peu de pente qui traîne. Un comble en regard de l’espace immense déployé au pied des falaises. Après pas mal de temps passé à farfouiller, on a finalement opté pour un coin pas trop pire, pas loin du torrent. Avec le recul, je pense que passer le col du Cheval de Bois pour planter de l’autre côté – celui du vallon de Prelles – s’avère nettement plus judicieux pour le bivouac.

Installation pour la nuit dans le vallon de Rougnoux, au pied des pointes du même nom.

LE VALLON DE PRELLES & LE COL DE MÉOLLION

La réussite de ce trek dans les Écrins tenait pour beaucoup à la possibilité de relier le col de Méollion, visible sur l’IGN, en arrivant de celui du Cheval de Bois. L’observation des lignes de niveau m’a encouragé à croire en cette option bien que, à l’époque, je n’ai trouvé aucune information sur le web la concernant. Une fois sur place, la lecture de terrain m’a paru plus difficile.

Pas évident d’imaginer une ligne dans ces versants au demeurant assez accidentés – par endroits – ou sensiblement pentus. Et ce n’est pas notre échange avec un couple de randonneurs-baroudeurs croisés sous le Cheval de Bois qui nous a franchement encouragés à tenter le coup malgré tout…

Pourtant le passage existe et je peux aujourd’hui le confirmer. À l’exception d’un court instant un peu plus exposé à cause du degré de pente et de l’absence de protection, il est possible de rejoindre l’antécime nord du point coté 2577 en s’appliquant à suivre une ligne de crête bien dessinée qui démarre depuis le plateau de la Haute Sagne – voir les photos ci-dessous.

Ensuite, une sente évidente et sans risque descend, nord-ouest, vers le col de Méollion en contournant par le versant sud le becquet de roche qu’on aperçoit depuis le col du Cheval de Bois et qu’on jurerait, à ce moment-là, infranchissable. Très pratique pour une jonction plus directe vers la Cédéra.

km 11 – alt.2385 : la descente tout confort vers le vallon de Prelles une fois le col du Cheval de Bois franchi. Dans l’axe le sommet de Prelles et le col du même nom (qui bascule de l’autre côté sur Orcières-Merlette et le lac des Estaris) censément desservi par un sentier qu’on a peiné à imaginer dans les barres rocheuses inférieures…
km 11,4 – alt.2300 : arrivée dans la grande et déserte prairie de la Haute Sagne – lieu propice au bivouac – et coup d’oeil sur la crête et la ligne qu’il faudra suivre pour pouvoir ensuite rejoindre le col de Méollion.
km 12 – alt. 2350 : première partie de l’ascension de la crête précédemment désignée sur le plan large. Une sente évidente la parcourt, bien délimitée par les ravins à main droite desquels on se tiendra prudemment à l’écart. En toile de fond la bosse des Rouites et le col du Cheval de Bois.
km 12,4 – alt. 2530 : les derniers mètres avant d’atteindre l’antécime du point côté 2577. À ce moment-là la pente se couche davantage. C’est la partie juste avant, au-delà de la rupture de pente qui la rend invisible sur la photo, qui impose un pied sûr car plus pentue (terrain au sol identique à celui qu’on voit ici).
km 12,5 – alt. 2535 : début de la descente en direction du col de Méollion depuis l’antécime. Retrouvailles apaisées avec une pente résolument plus « cool » et une arête large et rassurante. De quoi bien profiter de la vue et savourer cette ascension hors des sentiers battus.
km 12,8 – alt. 2435 : cette fois c’est bon, le col de Méollion est bien en vue ! Pour la suite, contrairement à ce qu’avance l’IGN il ne faudra pas chercher le sentier directement sous le col et dans ces pentes grises bien pourries : il faudra continuer à remonter par la crête au-dessus du col pour trouver une ligne praticable, d’abord entre des rochers puis, plus bas, sur une langue d’herbe atterrissant dans la grande coulée verte désignée par la flèche sur la photo.
La trace indicative qui permet d’identifier le passage desservant l’accès au col de Méollion sur ce trek dans les Écrins

ROUTE VERS LA CÉDÉRA

On pensait se la couler douce une fois le col de Méollion atteint. Le dessin d’un sentier sur l’IGN en versant sud me tranquillisait. Mais comme ça arrive souvent avec l’IGN et ses fonds de carte mal actualisés, ce tracé n’existe plus, évanoui dans des pentes glissantes et peu hospitalières. On est donc parti en quête d’un autre passage, trouvé un peu plus haut et décrit dans la légende de la photo précédente, histoire que ce soit clair. Une fois la coulée verte en question rejointe, il reste cependant encore à jouer les sangliers pour rejoindre la trace du chemin dessiné sous le point côté 2254.

C’est encore un segment assez approximatif, au tracé irrégulier sur le terrain. La trajectoire reste cependant assez instinctive. L’idée étant, en se tenant plus ou moins sur la ligne de niveau qui passe au pied des barres rocheuses, de prendre pied sur le bon sentier balisé qui monte au lac de Cédéra. Une entreprise lente et peu fluide, coupant plusieurs fois des drayes à sec, et qui pourra user les dernières forces de chacun(e), surtout si vous êtes parti(e)s le matin du vallon de Gouiran. Je vous recommande cependant de tenir bon jusqu’au lac, lieu d’altitude à la beauté farouche et qui constitue sans doute le plus beau bivouac de ce trek dans les Écrins.

km 12,9 – alt. 2460 : début de la remontée au-dessus du col de Méollion pour aller chercher le passage de l’itinéraire de descente. En arrière-plan, à gauche, la Pointe des Estaris et, à droite, celle de Prelles. Plus à droite encore la crête par laquelle nous venons prolonge en altitude en direction de la Pointe des Pisses et du col éponyme, autre passage normalement possible pour raccorder Orcières-Merlette.
km 13,3 – alt.2400 : après le franchissement sans difficulté de quelques saillies rocheuses plus haut, c’est parti pour une longue descente hors sentier par des versants en herbe plus sûrs que les toboggans de lauzes dévalant sous le col de Méollion.
km 13,5 – alt. 2260 : on retrouve le sourire une fois la courbe de niveau attrapée sous les barres rocheuses. Il reste pourtant encore bien du chemin avant de faire la jonction avec le sentier balisée conduisant au lac de Cédéra.
km 13,6 – alt. 2235 : la courbe de niveau se révèle ici et là plus accidentée que la carte ne veut bien le laisser paraître. De quoi pimenter un peu le parcours ou faire perdre pas mal de temps. Tout dépend du point de vue de chacun(e) !
km 13,7 – alt. 2220 : parfois certaines drayes sont trop profondes et instables pour être traversées en restant sur la courbe de niveau. Aller chercher le passage plus bas pour les franchir et ensuite remonter de l’autre côté est alors nécessaire. L’entreprise peut se révéler usante.
km 14 – alt. 2310 : enfin le sentier balisé est raccordé ! On peut distinguer, sur la partie droite de la photo, les lacets de celui-ci et imaginer le tracé que nous avons suivis, depuis le col de Méollion (maintenant invisible : on aperçoit juste la crête grisâtre qui s’en échappe) puis par les pentes herbeuses et les plis du terrain, pour les rejoindre.
km 15,3 – alt.2530 : bientôt la fin des efforts ! On a ici repris suffisamment de hauteur sur le sentier bien tracé pour se retrouver un peu au-dessus du niveau du col de Méollion. On aperçoit encore l’antécime sur laquelle on a grimpé depuis le vallon de Prelles plus tôt dans la journée. Central, le sommet de Prelles occupe l’horizon de l’image.
km 15,9 – alt. 2650 : arrivée imminente sur le site du lac de Cédéra qu’annonce le soudain changement de couleur de la roche environnante. Derrière nous, le cadre ouvre sur la silhouette étrangement proche du Pic de la Cavale (2985m).
Trace indicative permettant de visualiser le passage depuis le col de Méollion. Mention est également faite de l’itinéraire d’ascension vers la Montagne de Cédéra, décrite un peu plus bas. Si le tracé vers l’Aiguille est également présent, je précise que son emprunt exige un niveau d’engagement élevé.

BIVOUAC DU LAC DE CÉDÉRA

On a joui ce soir-là de l’usage du spot pour notre seul plaisir. Pas un(e) seul(e) campeur/se à l’horizon ! Il faut dire que l’accès au site se mérite, même par le sentier balisé. C’est une entreprise de longue haleine qui permet au lieu de se placer au rang de ces endroits préservés de la foule sur ce trek dans les Écrins. Du pain béni pour les amoureux/ses de solitude ! Il y a quelques petits coins d’herbe entre les affleurements rocheux qui permettent de poser une tente. Pour le ravitaillement en eau, ça coulait pas très fort par contre. Il a fallu de la patience et une gourde filtrante pour faire le plein.

Le site du petit lac de Cédéra autour duquel se dévoilent les différentes possibilités d’un bivouac. Dans notre cas on avait choisi les petits ouvertures herbeuses disséminées parmi les affleurements rocheux bordant le déversoir du lac.

ASCENSION EN OPTION : LA MONTAGNE DE CÉDÉRA (2886m)

Quitte à passer dans le coin, l’envie vous prendra peut-être, comme moi, de grimper au sommet de la Montagne de Cédéra. Attention cependant à ne pas confondre la Montagne avec l’Aiguille ! Ce n’est pas exactement le même niveau d’engagement. J’ai fait cette erreur et me suis retrouvé, après avoir remonté à vue par des étagements de roche et d’éboulis faciles, sur l’amorce de la crête rocheuse dirigeant vers l’Aiguille. L’Aiguille c’est ce triangle bien large, orienté ouest-sud-ouest du lac. Si le début de l’arête est une chevauchée acceptable, quoique déjà plus engagée que la moyenne, les derniers mètres sont du grand n’importe quoi : exposée, sur de la roche bien pourrie, l’entreprise m’est apparue comme un risque inutile à courir.

Aussi, quitte à ne pas être monté pour rien – et puisque je pouvais emprunter l’arête dans l’autre sens – j’ai décidé d’embrayer côté nord en direction de la Montagne de Cédéra, techniquement bien plus raisonnable et n’exigeant que des compétences très basiques en matière de recherche d’itinéraire. J’y croise en chemin une poignée de bouquetins bien étonnés de tomber sur un bipède de si bon matin. L’atout de la Montagne de Cédéra, en sus de son accessibilité, c’est aussi sa forme de promontoire qui bascule abruptement sur le Champoléon, offrant un belvédère incroyable sur le Sirac. De quoi largement récompenser les efforts de celles/ceux qui n’auront pas rechigné devant ces 200m de dénivelé supplémentaires.

Depuis les rives du lac de Cédéra, vue sur l’Aiguille de Cédéra et le parcours d’arête exigé, au nord du sommet, pour l’atteindre. Une entreprise délicate, voire exagérément dangereuse, sur sa deuxième partie.
Configuration de la partie finale desservant l’accès au sommet de l’Aiguille de Cédéra : carrément scabreuse à partir du ressaut ocre à mi-parcours. J’ai fait demi-tour juste en-dessous, pas suffisamment serein du fait de la piètre qualité du rocher et de la sévère exposition du versant sud… La photo parle d’elle-même.
L’ambiance et le point de vue autrement plus satisfaisants côté Montagne de la Cédéra. La confrontation avec le Sirac justifie à elle seule d’y monter lors de ce trek dans les Écrins

JOUR 4 : LAC DE CÉDÉRA – SOURCES DE VAL ESTRÈCHE

16 km, 6h30, 895 D+, 1385 D-

Une grosse partie de cette journée sera consacrée à descendre, depuis le lac de Cédéra, jusqu’à la vallée de Champoléon et, dans un premier temps, au village des Borels. Une bien longue dégringolade, à réaliser à la patience et qui le sera d’autant plus si, comme nous, vous êtes allé(e)s gravir la Montagne de Cédéra au saut du lit.

Après un premier segment alpin qui vient se dissoudre dans les grandes pentes herbeuses issues de sous le col de Méollion, c’est un étage davantage forestier qui s’installe une fois dépassée la cabane de Méollion. L’arrivée à Champoléon, vallée rurale et habitée, tranche avec les jours précédents passés dans la solitude de l’altitude et des recoins les moins fréquentés des Écrins sud.

Bon à savoir : aux Borels, pour manger le midi – après la longue descente depuis la Cédéra – ou pour faire étape, on vous recommande l’Auberge des Borels dont on a apprécié les bons plats maison. Une pause salvatrice avant la seconde partie de la journée. On a noté qu’il était aussi possible d’y dormir. L’Auberge dispose en effet de chambres et de suites familiales. Labellisé Bistrot de Pays, l’établissement brille également par sa démarche écologique. Plus d’infos et réservations : 04 92 51 76 89

km 0,3 – alt.2600 : top départ pour la longue descente vers Champoléon depuis le lac de Cédéra. On emprunte, en sens inverse, le sentier déjà parcouru hier, le temps de dépasser, plus bas, la jonction opérée depuis le col de Méollion.
km 1,3 – alt. 2420 : face aux escarpements descendus convulsivement le long de l’arête sud-est de l’Aiguille de Cédéra jusqu’au Puy de Méollion. Le vallon de Cédéra offre, dès ce début d’étape, de très généreux paysages de montagne dans une ambiance de pelouses d’altitudes et de torrents.
km 3,1 – alt. 2030 : fin de la partie la plus raide de la descente et entrée dans celle, plus transitoire, de pentes d’herbe douces qui s’en vont chercher le passage en rive gauche du torrent de Méollion. Tout en haut, en arrière-plan, c’est le sommet de la Montagne de Cédéra.
km 4 – alt. 1945 : sur le sentier de type « balcon » qui s’enroule au plus près des courbes de niveau de la rive gauche du torrent de Méollion. Derrière on reconnaît le col franchi la veille et on peut distinguer tout l’itinéraire de descente, par les pentes herbeuses à gauche de celui-ci qui viennent chercher l’extrémité des petites barres rocheuses pour ensuite leur passer dessous.
km 4,1 – alt. 1930 : un tout petit peu plus loin, dans l’autre sens, une illustration du sentier balcon qui s’étire vers la cabane de Méollion et l’amorce de la forêt tout au fond.
km 6 – alt. 1655 : après le passage par la cabane de Méollion, jolie traversée du torrent de la Combe de Méollion.

LE VALLON DE VAL ESTRÈCHE

On goûte à nouveau à la chaleur de ce début d’été en montagne en remontant patiemment les petites routes reliant Les Borels aux Baumes, un peu plus haut. Une transition peu palpitante mais nécessaire afin d’accéder à l’entrée du long vallon de Val Estrèche. C’est celui-ci, encadré par le Puy des Pourroys (2784m) et le Puy des Baumes (2843m) que j’ai choisi pour réaliser, demain, la bascule vers Navette et le Valgaudemar. Une voie peu empruntée – car considérée à tort comme un cul-de-sac – et dont la partie inférieure, forestière, abrite des troupeaux. Plus haut, davantage encaissée, elle s’ensauvage nettement avant de jaillir dans le replat des Vallons, lieu hors du temps où plonger à nouveau dans l’isolement de ce trek dans les Écrins.

km 10 – alt. 1305 : le petit hameau du Chatelard, qui succède à celui des Borels, dans la vallée de Champoléon. Le Val Estrèche est la vallée suivante, coiffée par la pyramide du Puy des Baumes, et on distingue, à l’entrée, les toits du bourg des Baumes, où nous nous rendons. Encore derrière c’est le versant de montagne accueillant les très beaux lacs de Croupillouse.
km 13,3 – alt. 1620 : la remontée du Val Estrèche est ici bien amorcée, au sortir de la partie plus dense de résineux qui la compose après les Baumes. On a laissé les troupeaux (et les patous) derrière nous et on se dirige maintenant vers une section plus rocheuse et encaissé du vallon.
km 14,8 – alt. 1950 : assez subitement, le rocher s’impose à la faveur d’une étroiture par laquelle se précipite le torrent en créant alors une étonnante mini-gorge. Le sentier, en rive gauche, se hisse dès lors dans le minéral après quelques lacets plus abrupts. Un passage apprécié sans être pour autant difficile et/ou véritablement impressionnant.
km 15,4 – alt. 2010 : après avoir traversé, en se tenant sur sa droite, le replat des Vallons (qui succède à la « gorge ») il faudra partir à droite, entre le torrent de Val Estrèche et la draye accueillant, sur l’IGN, l’itinéraire ski de rando en hiver. Une trace, pas évidente à trouver, dessert l’accès à l’étage suivant du vallon, suffisamment plat pour accueillir le bivouac.

LE BIVOUAC

On était pas mal pressé par l’orage ce jour-là. Des nuages menaçants ont rapidement obscurci le Pic du Mourre la Mine, nous forçant la main pour éviter les palabres sur le meilleur emplacement possible. On s’est calé pas trop loin de la source mentionnée (dont l’accès, assez accidenté, oblige à redescendre pas mal pour chercher l’eau). L’orage est passé et la soirée a été l’occasion de jumeler pas mal de chamois dans les versants d’en face.

Orage passé ! Ambiance encore bien sauvage pour le dernier bivouac de ce trek dans les Écrins avec, en arrière-plan, l’ouverture qui, succédant au col du Château, dessert la voie normale vers la Pointe des Moutières, invisible car plus à gauche de la photo.

JOUR 5 : DE VAL ESTRÈCHE À NAVETTE

8 km, 4h30, 500m D+, 1375 D-

J’avais un peu d’appréhension ce matin-là en m’attaquant à cette dernière étape après avoir replié et rangé la tente. Si un point d’interrogation subsistait quant à l’existence d’un passage entre Val Estrèche et Navette, c’était bien ici. À l’instar du col de Méollion, ce fut, disons-le, mission impossible de déterminer, avant le trek, si la bascule était réalisable sans risque. C’est donc d’un pas involontairement hâtif que j’entraîne Raphaèle par le reliquat d’étagements se hissant en direction du col de Val Estrèche et du sommet de Tête Virante.

C’est une progression à vue et sans difficulté particulière qui s’appuie sur une trajectoire facile à lire. Depuis le replat du bivouac, il faut suivre un semblant de sente qui se tient suffisamment distante à droite de la ligne formée par le torrent. Après avoir arrondi à gauche pour couper celui-ci, il faut remonter en larges lacets improvisés jusqu’à un « replat » situé aux abords des 2500m. De là, en biaisant sous Tête Virante par des gradins rocheux et rocailleux, on arrive à viser le col étroit – et impraticable en versant nord – situé à l’ouest du sommet arrondi de Tête Virante. Il ne reste plus qu’à se hisser sur celui-ci – facile – et à basculer de l’autre côté sur le col, un peu plus large, de Val Estrèche.

km 0,3 – alt. 2255 : départ matinal depuis la zone de bivouac (dans la cuvette en arrière plan tout de suite à gauche de Raphaèle) vers le col de Val Estrèche. L’orage n’est plus qu’un lointain souvenir et le Pic du Mourre la Mine se détache ce matin dans un ciel impeccablement bleu.
km 1,1 – alt. 2450 : l’accès au col de Val Estrèche n’a rien de très difficile même si aucun sentier n’est tracé en continu pour y monter. Le terrain alterne versants herbeux et rocailleux au pendage modeste. Et le milieu est suffisamment ouvert pour bénéficier d’une lisibilité adéquate. Avec l’altitude, la Pointe des Moutières apparaît derrière le Pic du Mourre la Mine.
km 2,5 – alt. 2640 : le col de Val Estrèche ou du Selard. On distingue bien le goulet dans lequel il va falloir amorcer la descente. On s’est réjoui, dans notre cas, de ne pas y trouver la présence d’un névé tardif qui aurait sensiblement rendu le passage plus délicat.

LE CROS DU JAS DE LA LAUZE

Par chance, le haut du col est sec et, même si la pente est sensiblement raide, ça passe plutôt bien et il est possible d’aller assez vite se mettre en sécurité dans des gradins rocheux faciles à désescalader. À l’issue ne subsiste plus qu’un gigantesque pierrier, strié d’un unique névé dont l’extrémité, bien en vue, assure l’usage sans le moindre risque.

C’est quelques mètres de pris plus rapidement dans une descente qui semblera ensuite ne jamais vouloir en finir. Le temps de s’extraire ensuite des éboulis et de rejoindre des pentes plus douces colorées à nouveau par le vert accueillant des pelouses.

km 2,5 – alt. 2615 : après quelques mètres un peu raides dans des éclats de lauze compacts, on atteint rapidement les saillies rocheuses autorisant une prudente et efficace désescalade du couloir ouvrant sous le col de Val Estrèche.
km 2,6 – alt. 2575 : sortie des saillies rocheuses. En-dessous de nous ne s’ouvre plus que d’immenses pentes d’éboulis qui tiennent plutôt bien. L’usage du névé peut permettre à certain(e)s d’aller encore plus vite. Derrière les nuages apparaissent l’Olan, la Cime du Vallon et les Rouies.
km 2,8 – alt. 2535 : début de la descente des éboulis dévoilés sur la photo précédente. Ça enfonce plutôt pas mal sans risquer non plus de tout faire partir. On voit, au-dessus, l’allure des saillies rocheuses par lesquelles il faut passer pour entrer sur le pierrier.
km 2,9 – alt.2435 : on commence à voir le bout de cet immense pierrier qui dévale à travers tout le Cros du Jas de la Lauze. Il faut viser le plan herbeux avec ses deux bosses un peu rocheuses qui succède immédiatement à l’éboulis, au centre de la photo. On évitera donc l’emprunt du couloir à gauche (désigné par le bâton gauche de Raphaèle sur l’image).

À partir de là je me mets en quête du départ du chemin observable en pointillés noirs sur l’IGN. Je m’attends à trouver quelques cairns pour me mettre sur la voie. Je débusque a minima une sente qui paraît couler dans la bonne direction, franchissant habilement les quelques gradins et escarpements rocheux qui barrent le versant dans notre secteur.

La progression est rapide et, à ce stade, je me dis sincèrement qu’on devrait aller vers toujours plus de confort de marche. C’était compter sans ce conglomérat d’aulnes qui envahit les pentes les plus raides pour puiser l’eau des torrents dévalant vers le fond du thalweg.

km. 3 – alt.2430 : après l’éboulis on retrouve un terrain autrement plus accueillant et dans lequel, même en l’absence de sentier, il est facile de progresser. Derrière nous les nuages montent à l’assaut du col de Val Estrèche depuis lequel nous sommes descendus.
km 3,3 – alt.2350 : bien qu’elle ne soit pas parfaitement lisible sur le terrain, une trace matérialisée par des cairns permet de trouver son chemin à travers la succession de pentes herbeuses et d’affleurements rocheux qui tapissent le versant.
km 3,7 – alt. 2220 : sur cette photo Raphaèle apparaît sur ce qui sera, pour nous, les derniers mètres parfaitement matérialisés du sentier menant vers le bas de la vallée. On se pensait pourtant tiré d’affaire et avoir parcouru le plus délicat. Grossière erreur…

Ce qui aurait dû être une partie de plaisir vire à l’épreuve de force. La sente, déjà indistincte, s’évanouit. Le passage, lui, se referme. Reste un bataillon d’aulnes compact qu’il faut contourner ou combattre pour traquer la suite de la descente. Infernal. Et épuisant. L’épisode vient à bout de ma patience et c’est furax et poisseux de sueur que j’atteins les hauteurs de la bergerie de Seylas.

Là encore le chemin brille par son absence. Contournant un troupeau, j’entraîne Raphaèle à ma suite dans une trajectoire improvisée qui finit par recouper un sentier ouvert sur le bloc bordant les Cascades de Buchardet au sud et découvert par hasard. Notre porte de sortie de ce trek dans les Écrins avant de retrouver le chemin balisé qui nous ramènera au point de départ, à Navette.

km 3,9 – alt. 2140 : dans l’enfer des aulnes glutineux… Je me demande encore où l’IGN a vu une trace passer là-dedans au point de la mentionner sur sa carte ? Un sacré mauvais moment à passer. Et définitivement incontournable car il n’y a pas d’autre passage possible.
km 4,7 – alt. 1825 : par ici la sortie ! Il faudra faire preuve d’un sacré bon sens de l’itinéraire pour débusquer la trace évanouie qui franchit le verrou glaciaire qu’on distingue en arrière-plan. Une continuité très aléatoire et guère évidente à suivre. Direction maintenant le Seylas et sa bergerie, dans une ambiance plus ouverte qui autorise une meilleure lecture de terrain pour s’orienter.
km 5 – alt. 1780 : arrivée sur le plan du Seylas, avec sa petite bergerie (invisible sur l’IGN). Il faudra aller chercher l’arrondi au-delà de celle-ci, en la passant par la gauche. On distingue un mamelon grisonnant, à une vingtaine de mètres à gauche de la cabane : on est passé derrière celui-ci pour zigzaguer dans les pentes d’herbe qui lui succède, en tenant le thalweg où coule le torrent de Buchardet à main droite.
km 6 – alt. 1400 : on vient de loin – ou plutôt de haut – lorsqu’on est enfin autorisé à contempler les chutes de la magnifique cascade de Buchardet. C’est bon signe : c’est qu’on est venu à bout, non sans mal, du complexe itinéraire parcourant ce grand vallon sauvage ouvert entre Tête Virante et Pic de Parières.

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Est-ce que cet itinéraire est difficile ?

Ce trek dans les Écrins est un itinéraire sportif. Les dénivelés peuvent certains jours être élevés, d’autant plus avec du poids sur les épaules. Je vous recommande d’être capable de vous affranchir de 1000 à 1200m de dénivelé sans broncher pour l’aborder sereinement. D’autre part, sans être exagérément technique ou engagé, ce trek réclame une très bonne capacité de lecture du terrain pour pouvoir identifier les bonnes lignes et les meilleures trajectoires. Savoir naviguer hors sentier est un pré-requis qui m’apparaît indispensable.

Est-ce que tu as la trace GPX ?

La question me sera invariablement posée. Et la réponse est non. Je n’en faisais pas, à l’époque. Et puis quand bien même : voici le genre d’aventure où le plaisir repose, entre autre, sur une forme de confrontation au terrain. Analyse, sens de l’orientation et de l’observation y trouvent une place de choix. Suivre une trace sur un GPS pour pallier aux lacunes de sa propre expérience en fait perdre le sens. Je donne suffisamment d’indication dans les légendes des photos pour permettre à un(e) utilisateur/trice de se préparer et de progresser par lui/elle-même. Je reste, dans tous les cas, disponible pour toutes vos questions à mon adresse contact@carnetsderando.net

Quelle est la meilleure période pour faire ce trek dans les Écrins ?

On a réalisé ce trek début juillet 2024. Il ne restait quasiment plus de neige en altitude. L’itinéraire était donc intégralement sec. Au vu des nombreux passages hors sentier présents, je vous recommande fortement d’attendre des conditions similaires. La présence de la neige peut sensiblement rendre certains passages plus difficiles, voire dangereux. Je pense notamment au col de Morges, au col de Méollion et à celui de Val Estrèche.

Est-ce que le bivouac est autorisé ?

Vous l’aurez noté, ce trek dans les Écrins se déroule sur le territoire du Parc National : une partie en zone coeur et l’autre en zone d’adhésion. Le bivouac, s’il est autorisé, est donc réglementé. On ne peut ainsi poser sa tente qu’entre 19h et 9h et à la seule condition de se trouver à plus d’une heure d’une entrée du Parc. Tous les spots évoqués dans ce reportage sont donc dans les clous.

Remarque : les informations données dans cet article consacré à un trek dans les Écrins engagent uniquement la responsabilité de l’utilisateur/rice sur le terrain qui saura les adapter à son niveau et à son expérience. Carnets de Rando ne saurait être tenu responsable de tout accident survenant suite à un mauvais usage de cet article ou à une mauvaise appréciation du niveau du/de la pratiquant(e) par rapport à celui requis.
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