De l’Aubrac à la vallée du Lot : c’est le programme des premiers kilomètres de cette itinérance qui marche sur les pas d’Urbain V. Fi des pèlerinages ou du protocole religieux : ici la figure du pape humaniste est un prétexte pour découvrir le profil d’un personnage atypique mais aussi, et surtout, des identités paysagères incroyablement riches et variées qui constituent l’âme de la Lozère. Entre décors naturels profondément immersifs et découverte d’un patrimoine abondant, cette première partie lozérienne ne manque pas d’intérêt et promet au marcheur des moments marquants jusqu’au pied de la cathédrale de Mende.
Difficulté : moyen | Longueur : 63 km | Durée : 3 à 4 jours | Dénivelé : 1550m
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L’Aubrac. Un vieux rêve devenu soudain réalité. Un territoire rural authentique, façonné jadis par la main brûlante des volcans, avec lequel l’homme noue depuis longtemps un lien très fort. Oasis isolées dans son immensité, les villages de l’Aubrac tachettent le paysage d’îlots rendus gris par l’usage de la pierre volcanique. C’est à Nasbinals, au croisement de la route de Saint-Jacques-de-Compostelle, que démarre l’aventure Urbain V. Sur des sentiers entourés de murets de pierre, le marcheur est instantanément avalé par la galaxie de l’Aubrac. Un peu plus loin, la cascade du Deroc saute une antique coulée basaltique en offrant, au passage, l’un des premiers spectacles remarquables de l’itinéraire. Démesure de la verdure. Porte ouverte et appel d’air format XXL. L’Aubrac est un libérateur où l’isolement est une valeur et non une crainte. Dans un ciel bleu à la pureté indécente, les nuages progressent en renvoyant leurs ombres se jouer des reliefs du territoire. La beauté du explose ici en un concentré de courbes, de couleurs et d’ambiance dont je suis déjà nostalgique en basculant vers la vallée du Lot.
J’aime cette France rurale et immersive, qui déploie une nature immense et minimaliste dans les tons. Elle me rappelle le Cézallier. Le vert et le bleu s’y imposent, répartis autour d’une ligne d’horizon onctueusement ondulée. La traversée de l’Aubrac met tout le monde d’accord d’entrée de jeu. Nul ne saurait rester de marbre en parcourant, pas après pas, ces terres ondoyantes habitées par l’esprit du vent. Je m’y sens comme un naufragé volontaire et heureux de l’être.
Ma nostalgie sera néanmoins de courte durée. La Lozère n’a en effet pas fini de me réserver des surprises, au gré de paysages changeants et superbes. La chaleur monte à travers la forêt en même temps que l’altitude décroît. Ici et là, des éminences rocheuses aux allures de roche brune fatiguée commencent à couronner le paysage, pareilles à de vieilles dents érodées. Dans l’ombre protectrice des Trucs, les hommes ont construit des villages adossés ou blottis contre la pierre, remplaçant la forêt par des parcelles cultivées oscillant entre le vert olive et le vert tendre des prés fraîchement coupés. Des haies arbustives quadrillent ce paysage neuf en dessinant la forme des champs. C’est Grèzes, village perché sur sa butte magistrale, que cette lecture de paysage prend tout son sens. L’endroit fait forte impression, semblant mettre le marcheur au défi de l’atteindre. Perché sur sa colline aux formes parfaites, dominé par le sommet d’un Truc d’où la vue porte loin, Grèzes ne saurait être traversé sans être visité. Si c’est à partir de là que la vallée du Lot commence à se distinguer, au-delà du col de Vielbougue, c’est à Cénaret, plus loin, qu’on la dominera réellement.
Ici les sommets se nomment Trucs et les ruisseaux se prononcent Valat. Entre la colline de Cénaret et celle de Chastel Viel, des affleurements marneux s’aperçoivent. Ici ils portent le nom de Terres Bleues, un attribut poétique qui sied parfaitement à l’harmonie paysagère de cette vallée du Lot. Assis plus tard au pied de la Vierge de Cénaret, je contemple ce décor qui fait la transition entre l’Aubrac et les Cévennes. En-dessous de moi, la rivière opère un coude à Barjac avant de se répandre vers le sud afin de contourner le massif Causse de Changefège qui se dresse entre Mende et moi. Pour la rejoindre, j’emprunte le chemin opposé au Lot et contourne le Causse de Changefège par le nord, en passant sous le Signal de Fagit. L’itinéraire évite astucieusement les zones artisanales du nord de la grande ville et se fraye un chemin champêtre pour franchir le lot en empruntant le très beau pont Notre-Dame. Quelle meilleure entrée pour pénétrer la grande cité lozérienne avant de gagner le parvis de sa non moins immense cathédrale ?
La cathédrale de Mende impose sa présence colossale au reste de la ville. A tel point que les pilotes d’avion repèrent encore aujourd’hui l’endroit grâce à elle. A l’ombre de ses douze chapelles, elle abrite des trésors venus du passé qui y sont conservés comme dans un musée
Qu’on soit, ou non, croyant ou pratiquant, on ne peut rester insensible à la puissante impression laissée par la visite d’un édifice religieux de cette envergure. Le cadeau d’Urbain V à cette cité pour laquelle il vouait une affection toute particulière. Il faudra un siècle complet pour l’édifier. Un temps qui ne permettra pas au malheureux pape d’assister à l’achèvement de son projet. Je m’engage dans l’étroit escalier en colimaçon qui, au terme de 241 marches, atteint le sommet du clocher, quelques 84 mètres au-dessus de Mende. C’est l’endroit parfait pour mettre le point final à cette première partie de mon aventure sur le Chemin Urbain V. Là-haut c’est l’univers des angelots et des gargouilles, figures grimaçantes avançant sur le vide et veillant sur les blasons des évêques de Mende. Accoudé à la rambarde de pierre, je pose le regard sur cette vallée du Lot que je quitterai dans le prochain épisode. Les toits de Mende brillent faiblement au soleil couchant. La ville plonge peu à peu dans la quiétude du soir. Demain, je me mets en route pour les Cévennes.
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– INFOS PRATIQUES –
Carte : IGN 1/25000 2537OT Nasbinals, 2538OT Sainte-Eulalie d’Olt, 2638OT Marvejols & 2638ET Mende
Accès : Nasbinals ne dispose ni de gare, ni de ligne de bus. Il faudra le rejoindre en voiture ou en covoiturage. Une bonne idée est de réaliser l’itinéraire à deux ou trois et de partir de Mende en y laissant une voiture. Quel que soit votre lieu d’arrivée au-delà, il suffira de revenir à Mende en train. Pour rejoindre Mende : A75, depuis Clermont-Ferrand ou Montpellier, sortie 39.1 puis N88. Pour rejoindre Nasbinals, A75 également mais sortie 38 puis D900 jusqu’à Nasbinals.
Topo : le topo complet de l’itinéraire est à retrouver dans le topo-guide le Chemin Urbain V, édité par la FFRandonnée sous la référence 670 (cf. Bibliographie plus bas) A noter qu’une application mobile en version bêta est disponible depuis très récemment sur Android et IOs, à retrouver sur vos AppStore respectifs
Les hébergements : je vous recommande chaudement de faire la première étape de votre itinéraire au refuge des Rajas. Ce n’est peut-être pas le plus confortable mais c’est incontestablement le plus immergé au coeur de l’Aubrac et l’accueil de la famille Pignol est inoubliable. Une vraie tradition d’hospitalité au coeur de ces terres où la chaleur humaine a un sens. C’était ma seule recommandation car le reste dépend ensuite de votre manière d’organiser vos étapes jusqu’à Mende.
Liens utiles : difficile de commencer par autre chose que le site officiel du Chemin Urbain V où se concentrent l’essentiel des informations nécessaires à sa préparation. Pour des informations plus général sur le territoire, une visite à suivre sur le site du Comité Départemental du Tourisme de la Lozère sera utile. Pour en apprendre davantage sur le pape Urbain V, voici l’adresse du site de l’association qui lui est consacré : www.pape-urbain-v.org
Bibliographie : Le Chemin Urbain V | C’est le topo-guide officiel édité par la Fédération Française de Randonnée Pédestre pour suivre à la trace ce bel itinéraire réalisé en assemblant notamment des portions des GR®70, 61, 6 et 63. De la Lozère au Vaucluse, de l’Aubrac à Avignon, c’est parti pour 329 km d’aventure ! Prix indicatif : 15,20 € | Ref.670
La Lozère… à pied | En rupture de stock, ce topo consacré à la Lozère sera réédité en 2017. Alors guettez-le pour ne pas manquer la cinquantaine d’itinéraires sélectionnés par la FFRandonnée pour découvrir ce territoire qui comptabilise l’un des plus grands nombres de sentiers français ! Prix indicatif : 14,70 € | Ref.D048
EN BREF
Alléchant, prometteur et cent pour cent recommandable : ce Chemin Urbain V, dans sa première partie, a complètement réveillé mes instincts de randonneur ! Mention spéciale à l’Aubrac, une vraie expérience et un gros coup de coeur qui me donne déjà des envies d’y revenir plus longuement. Varié tant par ses paysages que par ses découvertes patrimoniales et architecturales, cet itinéraire met la barre haut d’entrée de jeu. J’attends la suite avec impatience !
Ce reportage Carnets de Rando, sous licence Creative Commons, est la propriété exclusive de Carnets de Rando. Son usage à des fins non commerciales est autorisé à condition de mentionner son appartenance au site www.carnetsderando.net. Pour toute autre utilisation, merci de me contacter.
Pour vous rendre à Nasbinals (départ du chemin) vous pouvez aussi aller en train à Aumont-Aubrac qui est distant de 24 km. De là deux solutions :
– Une navette peut vous emmener à Nasbinals avec les bagages des randonneurs
– Vous faites une étape de plus sur le mythique GR 65 (Compostelle) d’Aumont à Nasbinals.
Pensez à emporter votre carnet de randonnée et de pèlerinage que vous trouverez à l’association (www.randonnee-urbain-v.com ou chemin.urbain.v@gmail.com) pour garder un souvenir et obtenir votre diplôme. Ce carnet et les mises à jour du tracé vous sont offerts pour l’achat d’un topoguide.
A votre arrivée ce serait sympathique de nous envoyez nous vos impressions et remarques afin que nous puissions corriger nos imperfections de jeunesse.
Bon chemin à toutes et à tous
L’équipe du chemin
Merci de nous donner l’envie de parcourir ce chemin . Trouve T on facilement des hébergements en 1/2 pension et des commerces d’alimentation sur ce parcours ? ( comme c’est le cas sur le chemin de Stevenson ) . Bonnes randos
Bonjour Mariette,
Malgré son jeune âge, le Chemin Urbain V a choisi le même mode de fonctionnement associatif que le Stevenson. Il bénéficie donc d’une liste d’hébergements et de points de restauration partenaires qui sont référencés sur le site officiel et régulièrement actualisés. Vous pouvez consulter cette liste ici : http://www.randonnee-urbain-v.com/hebergement-restauration/ Bonne rando !
Bonjour,
je souhaite faire le chemin début Avril de cette année.En cette période trouve ton des hébergements facilement? Le Donativo existe il? De florac à Saint jean du Gard,est il le même chemin que le stevenson?
Bonjour,
La liste complète des hébergements affiliés à l’itinéraire est consultable sur le site du Chemin Urbain V. Le mieux est encore de planifier votre parcours et de téléphoner aux hébergements concernés. Le Donativo n’existe pas sur l’Urbain V, dans le sens où l’itinéraire n’est pas un chemin de pèlerinage, mais un itinéraire de randonnée culturel. Entre Florac et St-Jean-du-Gard, il arrive au tracé de faire route commune avec le Stevenson mais ce n’est pas en permanence. Une fois encore, la consultation du site pour apprécier le tracé est recommandée.
Nous vous recommandons vivement de vous arrêter au Monastier à la maison du pêcheur .Cette halte vous ravira . Les hôtes sont charmants très accueillants et vous aurez la chance de partager les délicieux repas préparés par Délia la maîtresse de maison.La maison est très confortable et décorée avec beaucoup de goût .La literie est au top! Allez y
Merci pour l’info ! Les randonneurs apprécieront je n’en doute pas.
Ces photos et vos commentaires m’ont donné envie de faire ce chemin au mois de mai prochain.
J’ai contacté la FFR pour acheter le topo guide malheureusement celui-ci est épuisé.
Je suis prêt à acheter un topo guide d’occasion quelqu’un pourrait-il m’aider.
Ce chemin Urbain V suit plusieurs GR ,est-ce toujours le GR670.
Merci d’avance
Bonjour Jean,
Oui c’est toujours le GR670 ! Je ne pense pas que l’itinéraire aie trop changé depuis l’article sur le blog. L’Urbain V est effectivement un assemblage de plusieurs sections de GR existant mais il a son propre numéro de GR. À l’époque où j’avais fait ce reportage, il se distinguait des autres GR par un balisage individuel distinct qui, précisément, permettait de l’identifier lorsque les GR sur lesquels il s’appuie se séparent. Le complément du topo n’est donc pas superflu dans certains cas. Si vous en avez besoin, faites moi un mail à contact@carnetsderando.net . Je vous mettrai en contact avec JP Peytavin qui doit probablement avoir ça à dispo et, si ce n’est pas le cas, je vous enverrai le mien qui ne me sert plus 😉
Amicalement,
David
Bonjour,
Les articles sont bien pointus. Peut-être mettre la paire de chaussure sur chaque itinéraire et selon saison serait une indication intéressante.
Même s’il y a des articles consacrés à ce sujet indépendamment.
Merci Frédéric !
Depuis sa création, le blog, sa structure, le format des articles, les éléments d’informations évoluent. J’ai parfois des idées qui me viennent à l’esprit pour améliorer les contenus. Le plus dur, quand l’idée est là, c’est de trouver le temps d’actualiser l’ensemble des articles pour accorder la présentation. J’y arrive rarement ! C’est pour ça qu’il y a d’énormes différences entre les contenus de 2011 et ceux d’aujourd’hui. Je me dis toujours que je profiterai de l’automne/hiver pour bosser sur ces questions. Mais je ne trouve jamais le temps ! En tout cas je retiens votre idée : peut-être arriverai-je un jour à l’intégrer en effet 🙂