Rocher de Pierre Impie : Comment mettre l’Im(Pie)d devant l’Autre

Les plus curieux/ses, qui circulent fréquemment par la vallée de la Durance entre Aix-en-Provence et Gap, auront probablement déjà remarqué cette éminence fusiforme propulsée au-dessus de la forêt dans les collines à l’ouest de Sisteron. Certes moins spectaculaire que les falaises de Pierre Écrite, le Rocher de Pierre Impie n’en accroche cependant pas moins le regard. Et, si on en vient à s’aventurer dans la vallée du Jabron d’abord pour lui, on sera rapidement frappé par les qualités inattendues de son univers en orbite immédiat. Cheminer dans cette enclave un peu isolée, entre la Montagne de Lure et la plaine du Buëch, réserve davantage de surprises qu’on ne serait prêt à la croire. Itinéraire en crête, ambiances de falaises, pas secrets : Pierre Impie se dévoile au compte-goutte au visiteur. Une jolie surprise du Pays Sisteronnais à cueillir en (presque) toute saison.

Difficulté : moyen | Distance : 13 km | Dénivelé : 860 m | Durée : 5h15 | Carte : IGN TOP25 1/25000è 3339OT, Sisteron, Laragne-Montéglin

1 – ESSAILLON DE RESTER CALMES

Des Bastides au Pas de l’Essaillon

2,1 km, 55mn, +165m

Il faut certain temps au chemin pour voir l’amorce d’une opération séduction se déclencher. L’anonymat quelconque d’une piste carrossable caillouteuse, suivie à la trace par une ligne électrique rouillée jusqu’au col de Saint-Pensier, n’a en soi rien de folichon.

À peine moins que le large chemin récemment emprunté par des chevaux qui hésite entre terre ferme et gadoue avant de partir à l’assaut des versants boisés de la Forêt Domaniale du Jabron. Je prends ça comme un épisode d’échauffement, m’efforçant à la neutralité.

Une attitude payante car la proposition de randonnée va rapidement s’émanciper de ces standards à l’intérêt limité sitôt le passage d’un lacet de la piste. Un cairn, un trait de peinture jaune, une pancarte en bois et un filet de sentier qui disparaît dans la végétation : il n’en faut pas davantage pour comprendre que le véritable début de la randonnée est ici.

Ma léthargie involontaire est abandonnée sur place comme un vêtement usé. Je plonge à la rencontre du sentier, débordant d’une curiosité neuve. La suite va rapidement confirmer que ces premiers kilomètres, qu’une langue pas assez bien pendue pourrait qualifier de « quelconques », avaient bien vocation de nous préparer à l’effort à venir.

Monter vers Pierre Impie c’est en effet du sport. Un rapport dénivelé/distance risible qui confine davantage l’exercice à une satellisation en règle plutôt qu’à une aimable ascension. Les premiers mètres, une fois le petit cours d’eau que personne n’a jamais songé à baptiser franchi, donnent le ton avec une série de courtes rampes qui fait vite durcir les mollets. Juste un préambule toutefois.

Une ligne plus posée, joliment tracée entre les chênes, prend ensuite le relais pour arrondir vers le Pas de l’Essaillon. L’emprise du Rocher de Pierre Impie, dressé au-dessus d’une dorsale rocheuse, impose déjà une présence visuelle forte dans le paysage. À la manière d’un bon film, l’attention du randonneur devrait, à ce stade, être désormais et totalement captivée.

On laisse également ici un bout de PR jaune s’éloigner vers l’ouest et la chapelle Saint-Bevons, du nom d’un héros médiéval local dont l’histoire passionnante mériterait d’être contée par un troubadour lors de la réalisation d’une autre boucle qui traverse le vieux village de Noyers. J’en garde le récit au chaud pour cette occasion.

Pour l’heure on prend salement le vent. Le jour n’a pas été forcément bien choisi pour monter à Pierre Impie. Mais quand on ne dispose que de celui-ci, on fait avec le menu. Or le menu est venté. Un vent de sud de forcené. Et chargé de poussière avec ça, de sable et de je-ne-sais-quoi d’autre venu du Sahara à tel point que l’horizon est prisonnier d’un rideau flou et opaque noyant les reliefs les plus proches.

La Montagne de Lure, pourtant de l’autre côté de la vallée du Jabron, n’est plus qu’un vague mur sombre et mal dessiné baignant dans une étrange lueur tirant sur le gris-jaune. La Montagne de la Baume, épisode d’une randonnée déjà ancienne – voir l’article : le Trou d’Argent – pourrait être qualifiée d’indistincte malgré sa proximité. Tout le reste – Montagnes du Buëch, Préalpes de Digne, Dévoluy et Gapençais – n’existe plus. Drôle d’ambiance.

Taillé d’un coup tranchant et sec dans la roche, le Pas de l’Essaillon est l’un de ces points de bascule permettant de passer du Jabron au Buëch. Un endroit plutôt joli, comme une porte ouverte dans le rocher, entre deux remparts calcaire. Une zone de courant d’air aussi. On n’y passe donc pas plus de temps que nécessaire pour se protéger des rafales qui ont pris le lieu d’assaut.

2 – PIERRE IMPIE ET ROC DE L’AIGLE : LES STARS DE LA MONTAGNE DE L’UBAC

Du Pas de l’Essaillon à sous le sommet du Roc de l’Aigle

2 km, 1h25, +430m

On n’ira pas très loin au-delà du Pas. L’idée n’est pas de redescendre de l’autre côté. Il est encore un peu tôt pour cela. Aussi j’entraîne Raphaèle à ma suite quand je quitte le confort du chemin. Le plan est clair : s’appliquer à remonter la base de la haute crête rocheuse qui s’élève vers Pierre Impie. Easy.

Signalé, mais néanmoins peu visible sur l’IGN, un petit sentier facile à trouver et à suivre s’appuie sous les bombés massifs qui s’arcboutent au-dessus de nos têtes en nous protégeant du vent. Un joli passage, bien abrité et un peu secret, qui met en revanche sérieusement à l’épreuve les mollets fragiles.

Quelques virages – qualifions-les plutôt de discrètes ondulations – sont dessinés pour la forme au fil de cette trace sportive qui comble une lacune laissée par le balisage officiel : à savoir permettre une passerelle plus directe – et aussi plus séduisante – entre deux PR dans le cadre d’une ascension vers Pierre Impie.

Avec la formidable masse du Rocher projetée au-dessus de soi et le dégradé de falaises dégringolant en corniches en-dessous, on peut finir par se convaincre que l’effort en vaut largement la chandelle. Et tant pis pour les guiboles qui ne manqueront pas de râler !

Plus haut, en s’écartant ostensiblement du rocher, la sente s’en va ensuite chercher le raccord avec le sentier balisé montant depuis Ribiers. Le tour est joué. N’allez cependant pas croire que le moment en sera pour autant donné de souffler ! L’ascension reprend de plus bel, en lacets serrés et raides, flirtant avec une pente d’éboulis séparant le sentier de la paroi sud du Rocher de Pierre Impie.

La Bête est colossale. Un bastion compact, lisse et imprenable. Sa seule présence écrase le randonneur de toute sa hauteur. Pierre Impie impressionne de loin : elle tétanise encore davantage une fois à son pied.

Il faut être un(e) grimpeur/se intrépide et émérite pour en oser en tenter la conquête par les quatre longueurs en 5 sup de « la Belle Aventure », une voie toute équipée qui fraye dans le repli d’une des immenses strates calcaire poussant droites jusqu’au sommet.

Pas pour nous qui nous contenterons du sentier, sage mais raide, qui s’élève dans le grand entonnoir ouvert entre la dorsale rocheuse venue du Pas de l’Essaillon et le sommet. Là-haut des bourrasques infernales ébranlent les crêtes et nous dissuadent d’aller y jouer les fils et fille de l’air. Mieux vaut prudemment poursuivre en direction du Roc de l’Aigle.

Si la pente se fait désormais moins forte, il n’en demeure pas moins que nous n’en avons pas terminé avec le dénivelé. À 1091m d’altitude, le sommet de Pierre Impie n’est en effet qu’une étape vers les 1219m du Roc de l’Aigle.

Contournant habilement les à-pics rocheux du versant nord, des balises jaunes toujours régulières se frayent un passage côté sud dans une végétation de buis et de chênes kermès secouée par les rafales. La tempête est une compagne de route usante. L’idée d’abréger nous effleure même l’esprit avant d’être aussitôt emportée comme une feuille par le vent.

Malgré des conditions peu favorables, une végétation qui manque de couleurs et une lumière blafarde, il serait cependant dommage de ne pas s’attarder sur les qualités d’un itinéraire au cheminement joueur et sur l’ampleur fréquente d’un paysage pas du tout anodin.

Pour exemple l’arrivée sur ce replat, au point coté 1178. La vue s’ouvre sous une plate-forme bien dégagée en révélant, en face, la forteresse singulière du Roc de l’Aigle, un autre remarquable monument naturel à proximité de Sisteron. Un nouveau défi pour les randonneurs qui, trop prématurément, auraient cru en avoir fini avec la montée.

La dernière partie de ce segment qui arpente les hauteurs de la Montagne de l’Ubac se montre un peu plus rocheuse et alpine. À l’image du Roc, sur le versant sud duquel elle se déploie. Pour preuve aussi ces gradins rocheux qu’il faut régulièrement gravir, avec parfois un peu l’aide des mains quand l’équilibre vient à manquer.

La constance de ce cheminement qui offre régulièrement des vues immenses sur la vallée du Jabron, à main gauche, ou celle du Buëch, à main droite, est remarquable.

Il y aussi ces chamois surpris qui détalent dans un fracas paniqué de caillasse par l’une des pentes insalubres qui entaillent la face nord. Je suis porté par l’enthousiasme. Malgré le vent, malgré le froid, malgré la grisaille qui plombe le paysage.

Ce tronçon me régale par la manière amusante qu’il a, tantôt de se tortiller autour des chênes et des buis, tantôt de jouer avec les rochers. Le tout dans un décor récurrent de falaises et de reliefs abrupts et découpés au cordeau poussant dans un paysage de bout du monde oublié. On reconnait bien ici la patte des Alpes-de-Haute-Provence à laquelle je sais que je suis sensible.

3 – SOUS LE VENT, EN VERSANT NORD

De sous le sommet du Roc de l’Aigle à une intersection

3,3 km, 1h10, +30m, -470m

Le sentier dévie un peu avant le sommet. À l’instar de celui de Pierre Impie un peu plus tôt, le déchaînement du vent nous fait renoncer à aller voir ce qui s’y passe. Et puis, de toute façon, je n’ai d’yeux que pour ce joli passage en vire sur lequel nous entraîne maintenant le balisage avant d’aller chercher, peu de temps après, le passage en versant nord.

Un dernier petit bonus avant de tourner la page des crêtes. La trace ne va pas au-delà. Même pas jusqu’au Pas des Berches – visible sur l’IGN – et encore moins jusqu’au Rocher du Loup. Peut-être y a-t-il une sente non officielle qui se maintient sur l’arête dans cette direction ? J’avoue que je ne l’ai pas cherchée ce jour-là.

J’ai suffisamment eu ma dose de vent pour la journée pour ne pas avoir envie de prospecter à la recherche d’un hypothétique passage. Lequel nous aurait encore offerts en sacrifice aux coups de butoir du vent des heures durant et jusqu’au Pas de Liérette, a minima. Je ne dis donc pas qu’il n’existe pas mais je ne le confirme pas. Et si l’envie me prenait, un jour prochain, d’en avoir le coeur net, vous en serez les premièr(e)s informé(e)s ici !

Pour l’heure, on plonge en face nord à la faveur d’une éclaircie rocheuse. Strates, corniches, barres : toute la section entre l’extrémité ouest du Roc de l’Aigle et le Pas des Berches a été nettoyée de ces obstacles. C’est le moment où jamais pour changer de versant en toute sécurité.

D’autant plus quand un chemin parfaitement tracé s’y ouvre un passage cent pour cent roulant. De l’adret à l’ubac, on change radicalement d’univers. Profitant de l’ombre et des températures plus fraîches du nord, des colonies de milliers de hêtres, érables et frênes ont colonisé la pente. L’hiver, tenace de ce côté, tient encore à distance les envies de printemps et de montée de sève désirées par la végétation.

On évolue dans un jardin d’écorces grises et encore nues que recouvre un tapis orangé de feuilles séchées et racornies. J’essaie d’imaginer la même forêt dans quelques semaines : les sous-bois de feuillus ne sont jamais aussi beaux que touchés par la grâce d’un printemps encore juvénile. Comme pour le passage vers le Rocher du Loup, il faudra revenir.

On perd rapidement de l’altitude. Perpendiculaire à la courbe de niveau, le chemin fait l’économie du moindre virage en s’affaissant vers la ferme des Charles. Le secteur a été ici sévèrement repensé pour s’adapter à l’irruption de propriété privées sur le segment balisé. De quoi bouleverser et rendre caduques d’anciennes conventions de passage et obliger les fabricants de sentiers à revoir leur copie.

Une solution a visiblement pu être trouvée qui n’interrompt pas la précieuse continuité de l’itinéraire et qui, montant depuis Ribiers, permet la boucle vers le Roc de l’Aigle. L’effort s’y apaise nettement, laissant le regard accueillir les derniers méandres du Buëch qui part à la rencontre de la Durance un peu au nord de Sisteron.

Sans ce ciel de fumigène qui fait voyager les sables du Sahara jusqu’aux sommets des Alpes, il serait possible d’apercevoir les premiers contreforts des Écrins et du Champsaur émargeant au-dessus de la ligne d’horizon nord.

Formes vagues et vite fondues dans ce rideau de brume sale, je reconnais néanmoins, plus proche de nous, la cime du Pic de Saint-Cyr qui annonce les Gorges de la Méouge et, plus fantomatique encore, celle du Pic de Crigne, parcouru la semaine dernière dans des conditions météo autrement plus chaleureuses – voir l’article : Pic de Crigne, l’Atout Surprise des Montagnes de Gap.

Je garde un oeil vissé à la carte pour ne surtout pas manquer l’intersection qui nous lancera, Raphaèle et moi, par des chemins non officiels en direction du Pas de Saint-Pensier. C’est la lecture de celle-ci, avant la randonnée, qui m’a soufflé cette possibilité de boucle retour pour d’une part rallonger l’itinéraire et, de l’autre, nous éviter de revenir sur nos pas.

Surtout quand les pas en question ne nous ont pas entièrement convaincus. On abandonne donc le balisage jaune à l’endroit où, passé une courbe, le chemin se remet à monter plus franchement vers la Blache de l’Ubac et, au-delà encore, vers le Pas de l’Essaillon.

4 – IL SUFFISAIT JUSTE D’Y PENSIER !

D’une intersection au Pas de Saint-Pensier

2,8 km, 55mn, -170m, +100m

On se défile momentanément devant le retour de l’effort. Par un chemin guère différent de celui sur lequel on navigue depuis les Charles, on finit par récupérer le lacet d’une piste sillonnant le versant nord de la Montagne de l’Ubac. La section la moins folichonne de la journée. On se prépare à y passer un certain temps avant de pouvoir récupérer un sentier.

Je redoute de voir l’ennui guetter aux portes de cet inévitable ventre mou. Une trouée forestière en forme de clin d’oeil nous fait espérer une issue de secours improvisée. Je l’imagine bien forcer le passage jusqu’à rejoindre, une cinquantaine de mètres plus bas, le sentier que je convoite pour rejoindre le Pas de Saint-Pensier. Un pari que j’ai envie de faire, quitte à le perdre on verra bien.

Et c’est ce que je crois bien devoir me résigner à faire quand l’ouverture sauvage nous précipite rapidement dans un chablis grossier en forme de point final. Les contours d’une sente semblent pourtant dessinés à droite. L’esquisse de cette trace inattendue se confirme, prenant très vite la forme d’un sentier étroit mais parfaitement visible.Du moins sous nos pieds car ce passage n’existe pas sur la carte.

C’est un coup de chance insolent qui, en plus de nous faire gagner un temps précieux, remplace la monotonie de la piste par le charme réel d’un single en sous-bois recensé nulle part. Et, comme je l’espérais, il effectue le raccord attendu en contrebas avec le bon sentier jouant les chemins de ronde sous l’ogive spectaculaire du Rocher de Pierre Impie.

On traverse plus loin une belle clairière honorée par la présence de quelques spécimens de chênes majestueux et à l’orée de laquelle percent les bruits de la forêt. Trahi par un froissement de feuilles, on y observe furtivement l’ombre d’un ongulé non identifié s’évanouir dans son ombre protectrice.

Une faune active et inféodée à la moyenne montagne semble s’ébattre tout autour de Pierre Impie, trouvant dans ses falaises, ses couloirs raides et ses sous-bois denses le refuge idéal pour leur existence à l’écart des hommes.

Le son d’un filet d’eau plus puissant monte en intensité tandis que la trace prend de la hauteur en approchant prudemment d’un entonnoir rocheux. Le terrain convulse et se resserre, plissant et écrasant la pierre jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une faille étroite où faire passer le cours d’un torrent chahuteur. La chute reste invisible, dissimulée bien trop en contrebas de l’ouverture taillée entre les deux pans pour pouvoir être aperçue depuis le sentier.

On ne peut que l’imaginer et se contenter de ce petit val confidentiel par lequel un sentier balcon s’enroule avec une certaine allure. Si ce n’était les pylônes électriques vétustes qui y ont plantés, l’endroit serait absolument enchanteur, porteur d’une invitation – en-dehors de l’hiver évidemment – à fréquenter plus intimement les vasques d’eau cascadant depuis l’amont vers le saut de la cascade.

Je suis content de ce passage qui propose un final satisfaisant à la feuille de route de cet itinéraire et, en tout cas, différent et original par rapport aux autres tracés qu’on trouve généralement sur le web pour celui-ci. D’aucun trouveront peut-être cela prétentieux. Ce n’est pas le cas. Voyez-là uniquement le plaisir de se démarquer et d’être en mesure de proposer à mes lecteurs/trices des variantes inédites et/ou rarement mentionnées pour leurs prochaines randonnées !

5 – ET POUR FINIR, UN TOUR PAR LA MAIRIE

Du Pas de Saint-Pensier aux Bastides

2,4 km, 50mn, -85m, +80m

Un poteau signalétique inattendu peu après le Pas de Saint-Pensier m’inspire de ne pas arrêter là ma proposition de démarquage. Contre toute attente il envoie une trace probablement balisée de frais rejoindre le col de la Mairie par le secteur appelé sur l’IGN « la Vigne de Guerre », au pied du versant nord de la colline portant la chapelle Saint-Pensier.

J’y entrevois une possibilité de prolonger un peu plus la boucle et, par la même occasion, d’échapper aux derniers mètres de la piste quelconque de l’aller. J’emboîte donc le pas à ces balises providentielles, mouillant mes chaussures au franchissement de torrents que la pluie de la semaine passée a fait sortir de leurs modestes lits.

C’est au débouché d’un bois de jeunes pins poussant en rangs serrés que se dévoile tout l’intérêt de cet itinéraire alternatif. Ici le sol, qui hésite entre sable et poussière de roche compacte, s’agite subitement, poussant en vagues marneuses au-dessus des arbres. La trace s’évanouit, remontant indistinctement sur les arrondis encadrant les rides du terrain.

Des canyons miniatures se forment, creusés et épuisés par l’action érosive de l’eau. La matière est tendre, simple argile aux mains de la Nature qui y a façonné secrètement ses oeuvres dans un repli de terrain à l’abri des regards. On y évolue un peu à l’instinct, aidé un tant soit peu par l’usure plus marquée du sol à l’endroit où le passage semble avoir été fait. C’est une belle manière de finir.

Ce décor insolite et renouvelé met la touche finale souhaitée à une boucle définitivement variée et captivante. Une dernière ascension nous amène dans les étages supérieurs du site, au niveau de la forêt qui rapidement avale les dernières marnes. L’excitation retombe.

Une trace ondulante et guère large file maintenant rapidement vers le col de la Mairie où elle rejoint le tracé du GR®6, itinéraire de longue haleine de près de 1470 kilomètres flirtant le long du 45ème parallèle nord entre l’Ubaye et Arcachon. Venant de Sisteron, il fait cause commune avec deux autres GR® de Pays : celui de la Grande Traversée des Préalpes et celui, plus local, qui effectue le Tour de la Montagne de Lure.

On l’emprunte très brièvement, le temps de glisser dans le thalweg ramenant en moins de dix minutes sur le hameau de la Fontaine. On y rêve quelques instants devant le Mas du Figuier, extraordinaire rénovation dans laquelle on se verrait bien vivre – voir plus bas, dans le guide pratique, rubrique « Où Dormir ».

Les Bastides, un peu plus loin, ne payent pas de mine non plus. À dix minutes à peine de Sisteron, on se prend à imaginer un quotidien dans la vallée du Jabron. L’endroit est inspirant. Il s’accorde en tout cas parfaitement à une forme d’idéal que je peux nourrir en matière de lieu de vie. Il n’y a pas de mal à rêver après tout, non ?

ROCHER DE PIERRE IMPIE : GUIDE PRATIQUE

Localisation et accès

Le Rocher de Pierre Impie se situe à environ 7 km à l’ouest de Sisteron et culmine à 1091m d’altitude. C’est le sommet le plus oriental du micro-massif de la Montagne de l’Ubac dont le point culminant est le Rocher du Loup à 1280m d’altitude. La crête formée entre les deux points – et sur laquelle émerge également le Roc de l’Aigle à 1219m d’altitude – sert de frontière administrative entre les départements des Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes.

En voiture : pour rejoindre la vallée du Jabron, il faut d’abord approcher Sisteron par l’A51 et prendre la sortie 22 « Sisteron-centre ». Après le péage, passer au-dessus de la Durance et, au rond-point, prendre à gauche la D4085 direction « Digne, Aix-en-Provence » et « Vallée du Jabron ». La quitter peu après par la D946 direction « Noyers-sur-Jabron » et « Vallée du Jabron ». Après avoir, plus tard, dépassé la Tuilière et peu de temps avant d’atteindre Castel-Bevons, tourner à droite, juste après un panneau « I » (informations) et immédiatement à gauche, juste avant l’abribus, pour s’élever par la D553. La suivre entièrement jusqu’à atteindre l’entrée (à droite) du Mas du Figuier. Continuer à monter par la route, à gauche, jusqu’à son terminus au niveau des Bastides (privé). Suivre la piste qui monte à droite. À l’intersection de pistes suivantes, se garer à droite dans un dégagement d’herbe autorisant le stationnement de 1 ou 2 véhicules max.

Topo et Trace GPX

Pour récupérer la trace GPX de cette randonnée, vous pouvez m’écrire et me la demander librement à l’adresse contact_at_carnetsderando.net

Depuis la petite aire de stationnement, au niveau du poteau signalétique « les Bastides », suivre le balisage jaune et la direction « Col de Saint Pensier ». Un large chemin suit une ligne électrique jusqu’au col (poteau signalétique) (1).

Suivre à gauche la direction « La Fayée » et « Pas de l’Essaillon ». Continuer ainsi par une large allée en sous-bois jusqu’à un lacet à gauche avec le poteau signalétique « La Fayée » (2).

Quitter la piste par le petit chemin indiquant « Pas de l’Essaillon » (cairn sur un rocher et marque jaune). Couper plus bas un ruisseau puis remonter sur le versant opposé par un chemin d’abord assez raide. La pente se modère en remontant le long d’une épaule jusqu’à arrondir et atteindre une bifurcation. (poteau signalétique) Continuer à droite direction « Pas de l’Essaillon » qu’on atteint très rapidement (3).

Franchir le pas et quitter immédiatement le sentier balisé à gauche pour aller chercher l’appui de la barre rocheuse à main gauche. Un sentier s’y découvre qui entreprend de la remonter à son pied, d’abord, puis en s’en éloignant légèrement pour trouver le passage par les pentes à genêts. Il se raccorde plus haut au sentier balisé jaune montant depuis Ribiers (4).

Le suivre et continuer à monter par la gauche, en lacets, jusqu’aux abords du sommet de Pierre Impie. Atteindre un rocher affleurant au sol indiquant le Roc de l’Aigle à gauche et Pierre Impie à droite. Possibilité de rejoindre le sommet de celle-ci en aller-retour. Autrement poursuivre l’ascension à gauche par un chemin sinueux ouvert entre chênes kermès, buis et romarin qui cherche le passage vers le versant sud de la crête de la Montagne de l’Ubac. Une fois passé de ce côté, il atteint un point haut au niveau du point côté 1178 (5).

Redescendre face au Roc de l’Aigle jusqu’à un croisement situé dans le creux d’une cuvette, entre les chênes (flèches directionnelles blanches sur un tronc indiquant « Noyers », « Bevons » à gauche et « Roc de l’Aigle » à droite) (6).

Suivre à droite la direction « Roc de l’Aigle ». Un peu plus haut, bien repérer la suite du sentier qui escalade quelques gradins rocheux faciles à gauche. La trace arrondit ensuite pour aller chercher le versant sud. Lorsqu’elle est dans l’axe, elle remonte alors plus directement en franchissant régulièrement de petits ressauts rocheux sans difficulté jusqu’aux abords du sommet. Juste avant le sommet, après le passage d’un rocher un peu plus gros que les autres, elle vire à gauche (bien être attentif au balisage jaune) pour s’engager sur une jolie vire qui longe d’abord la crête côté sud, prend ensuite pied dessus et atteint un petit rognon. Suivre le balisage à gauche de celui-ci et rejoindre un peu plus loin, dans un taillis de buis, le passage qui fait la bascule en versant nord (7).

C’est un chemin bien tracé et rigoureusement balisé qui descend en oblique dans la hêtraie jusqu’à émerger, plus bas, dans des espaces plus ouverts face à la plaine du Buëch. Au niveau du point coté 957 – sorte de petite clairière avec une fourche (8) – ignorer le cairn visible en face, légèrement à gauche, pour bien suivre le balisage jaune qui s’engage sur la patte de droite.

Aux alentours des 920m il croise une première fois un chemin plus large (9) : le couper et continuer en face. Le retrouver un peu plus bas et, cette fois, le suivre. Vers 820m, bien suivre le balisage qui part à droite (10). Il contourne en fait un terrain désormais privé jusqu’à recroiser l’ancien passage au niveau d’une intersection avec, à gauche, une chaîne barrant l’accès et surmontée d’un panneau « propriété privée » (11).

Partir à droite par le large chemin jusqu’à l’intersection « les Charles » (poteau signalétique) (12). Continuer tout droit, direction « Rocher de Pierre Impie » et « Roc de l’Aigle ». Croiser assez rapidement un second carrefour avec un autre poteau signalétique (13) et monter à droite en suivant ces mêmes directions.

Circuler sur un large et beau chemin à l’aplomb du Roc de l’Aigle. Dépasser deux ruisseaux traversant le chemin et atteindre un carrefour au niveau d’un virage du chemin à droite (14). Quitter alors le sentier balisé jaune et prendre à gauche (croix rouge et croix jaune) puis se tenir sur cette trace en ignorant tout ce qui s’en écarte jusqu’à une piste qu’on rejoint au niveau d’un lacet (15).

La suivre en descente à gauche. Passer un lacet à gauche, puis à droite et, peu après, la lacet à gauche suivant, basculer à droite, à travers pins, en utilisant un couloir forestier (16). Quand celui-ci, assez rapidement, s’efface, tirer un peu à droite en suivant ce qui ressemble à une sente. Elle prend forme peu à peu et suit, un peu plus loin, le marquage forestier « trait rouge sur fond blanc ». Puis elle le quitte en franchissant une sorte de muret écroulé à gauche. Peu après celui-ci, basculer encore à droite un peu à la sauvage en suivant une vague sente. Tirer sur la droite puis descendre franchement en direction du replat plus ouvert en sous-bois, en contrebas. La sente s’y prolonge jusqu’à croiser finalement un chemin étroit mais bien marqué (17).

Le suivre à droite et s’élever doucement pour déboucher dans une belle clairière sous le Rocher de Pierre Impie. La traverser et replonger sous les chênes. Couper le ruisseau de Rase de Chatillon et atteindre un carrefour de chemins au niveau d’une épaule assez dégagée (18).

Monter par le sentier de droite et s’élever en direction du Pas de Saint-Pensier. Le sentier passe en balcon au-dessus du thalweg où coule le torrent et la cascade (invisible). Remonter ce petit vallon en rive gauche jusqu’au poteau signalétique « Vigne de Guerre » (19).

Suivre à gauche la direction « col de la Mairie ». Traverser d’abord les bras du petit torrent et remonter ensuite à travers les pins par un sentier étroit. La trace se fond ensuite sur le haut de bosses marneuses et, piquant à gauche, rejoint le creux du thalweg au niveau du fond d’un canyon. Suivre ce fond et les balises VTT et, peu après un arrondi à droite, monter dans la pente pour emprunter une arête marneuse et se hisser en haut de la zone, toujours en suivant les balises VTT (20).

Une sente se matérialise à nouveau qu’il faut suivre à flanc de versant sous les pins et en ascendance légère jusqu’au col de la Mairie (21).

Suivre les balises GR® blanc et rouge à droite pour descendre par un chemin tout en ornières jusqu’au Mas du Viguier (22). Longer le bâtiment et rejoindre une route au niveau du poteau signalétique « Les Fontaines ». Prendre à droite, direction « la Source », « les Bastides » et « Valbelle ».

Croiser peu après le poteau signalétique « la Source » (23) et poursuivre par la route, à droite, direction « les Bastides » et « col de Saint Pensier ». Après la montée, au niveau de la propriété des Bastides (privé), suivre la piste qui démarre à droite et rejoindre facilement le point de départ.

Recommandations particulières et difficulté

Aucune difficulté technique particulière à prévoir. Ce ne sont pas les quelques franchissements rocheux sur la route du Roc de l’Aigle qui devraient poser problème. La difficulté peut ici être davantage physique selon les personnes. Les pentes qui montent vers Pierre Impie ne sont pas vraiment ce qu’on pourrait qualifier de « progressive ». L’effort est brut de décoffrage et assez soutenu.

Savoir garder un oeil sur l’itinéraire – en faisant usage du pas-à-pas ou/et de la trace GPX – sera recommandé, en particulier une fois le sentier balisé quitté en versant nord. Le conseil vaut essentiellement pour le raccourci entre (16) et (17) et pour l’itinéraire vers le col de la Mairie, entre (19) et (21). Le hors sentier après le Pas de l’Essaillon, entre (3) et (4) est lui bien plus facile à trouver et à suivre.

On a fait cette boucle un jour de grand vent (de sud). C’était pas forcément agréable et je vous invite à essayer d’éviter de faire cette randonnée dans ces conditions. Si toutefois vous ne pouviez l’éviter, je vous déconseille de pousser, dans ces conditions, jusqu’au sommet de Pierre Impie ou du Roc de l’Aigle. Une bourrasque un peu plus forte et zou, par-dessus la falaise. Bof comme scénario…

À quelle période faire cette randonnée ?

On a réalisé cette boucle fin mars. C’est un peu tôt pour bien profiter du lieu. Si les premières fleurs colorent un peu les sous-bois – énormément d’anémones hépatiques ainsi que quelques primevères et violettes – le reste de la végétation est encore à la traîne, notamment les hêtraies et chênaies encore bien tristounettes sans leurs jeunes feuilles. 

Ça peut être carrément mieux d’attendre la sortie réelle du printemps dans le secteur. Privilégiez donc les mois de mai et de juin. Ou patientez jusqu’à l’automne où le spectacle des feuillus embrasant les versants doit valoir le détour. L’été, quant à lui, sera chaud – dans les tee-shirts, dans les maillots –  et donc pas forcément un premier choix.

Où dormir ?

Le Mas du Figuier

Difficile de faire plus proche comme hébergement pour cet itinéraire que le Mas du Figuier ! Vous pouvez partir/revenir (rayer la mention inutile) directement depuis cette belle adresse située – presque –  au terminus de la petite route montant depuis Castel-Bevons. On a été impressionné par la superficie du lieu, son aménagement, la qualité de la restauration effectuée sur cette ancienne ferme provençale du 17ème siècle. On aurait eu envie d’en pousser la porte en passant devant à la fin de notre randonnée. Et on s’est dit que nulle autre adresse ne pouvait décemment figurer dans cette rubrique. Vu la sérénité et les bonnes ondes dégagées par le lieu, rien d’étonnant d’y découvrir que des stages detox et ayurvédiques y sont organisés. Mais pas que. L’endroit fait également chambres d’hôtes (six chambres et une suite), compte deux gîtes, une roulotte et une tente nomade. Une variété de formules qui permet des budgets différents, selon l’envie. Ça démarre à 35 euros pour 2 personnes avec petit déjeuner. Infos et réservations :  06 32 62 64 56 ou formulaire de contact sur le site. 

Remarque : les informations données dans ce récit consacré au Rocher de Pierre Impie engagent uniquement la responsabilité de l’utilisateur/rice sur le terrain qui saura les adapter à son niveau et à son expérience. Carnets de Rando ne saurait être tenu responsable de tout accident survenant suite à un mauvais usage de cet article ou à une mauvaise appréciation du niveau du/de la pratiquant(e) par rapport à celui requis.