Il serait dommageable de méjuger du potentiel de la chaîne des Côtes. De loin, ce petit massif à l’altitude dérisoire pourrait avoir l’air quelconque. En s’approchant d’un peu plus près, il révèle pourtant quelques intéressantes possibilités de randonnée. Et notamment en famille. Véritable petit concentré de points d’intérêt, le Plateau de Manivert peut ainsi se targuer d’être un objectif à la viabilité certaine pour les enfants : effort court et modéré, rochers à grimper, maisons troglodytes, chapelle, petites cavités et mémorial. Tout ça en seulement 4 km aller-retour, adaptables, et dans un agréable écrin boisé. Qui dit mieux ?
Difficulté : facile | Distance : 4 km | Dénivelé : 130 m | Durée : 1h20 (3h avec Ambre, 4 ans et demi) | Carte : IGN TOP25 1/25000è 3143ET Aix-en-Provence, Vitrolles, Lambesc
NE PAS SE FIER AUX APPARENCES
La D67a, qui traverse la Chaîne des Côtes en reliant Lambesc à La Roque-d’Anthéron se prend pour une route de montagne. Lacets, pourcentage de pente, croisements compliqués, un soupçon de ravin défendu d’un parapet métallique. Ce petit massif a tout des grands, sauf l’altitude. On rappelle qu’on est en Provence, avec la vallée de la Durance d’un côté et celle de la Touloubre de l’autre. Pourtant cette enclave inaperçue de 35 km², qui peine à atteindre les 480 mètres d’altitude, est, avec ses près de 200 km de sentiers, un terrain de jeu inattendu aux portes d’Aix-en-Provence. J’abandonne la voiture sur le semblant de parking ouvert à droite d’un col sans le moindre nom et où se repère le socle circulaire d’une citerne d’eau. Une autre route permet pourtant d’aller en voiture jusqu’au pied du Plateau de Manivert. Mais rien à faire, on ira à pied malgré l’invitation fléchée.
Un balisage bleu s’associe à un jaune pour nous mettre sur la voie d’un petit sentier caillouteux qui s’élève au-dessus de la route, entre deux rangées de cistes cotonneux et de chênes kermès. Une pente douce d’abord, puis un peu plus sèche, pour s’élever de 70 mètres jusqu’au pylône d’une ligne électrique. Le creux de garrigue du vallon de la Vabre de la Jacourelle s’écoule tranquillement à droite en portant le ruban ondulant de la route. Si La Roque-d’Anthéron reste invisible, Lauris en revanche se repère nettement de l’autre côté de la Durance et au pied du Luberon. Je m’arrête à hauteur d’une Dorycnie à Cinq Feuilles pour faire observer à Ambre une abeille en plein travail de pollinisation. C’est dans le détail que l’éveil à la Nature se construit.
Plus loin ce sont les cotillons rosacés d’un Chèvrefeuille des Bois qui attirent notre attention. Les pauses botaniques offrent à Ambre des parenthèses de circonstance pour gérer son effort. On rejoint ainsi facilement la route qu’on traverse pour se diriger vers la tour de guet. Là-haut, un petit espace invite à une courte pause. La structure, fermée, ne permet pas d’aller plus loin que ses trois premières marches.
Après une gorgée d’eau, on repère le petit sentier qui s’ouvre un passage entre les chênes verts, plein nord, à la perpendiculaire de la ligne électrique. L’occasion de perfectionner la technique de la descente raide pour notre petite. Et, aussi, une alternative plus sympa au balisage bleu qui se contente de suivre une piste forestière sans la moindre imagination. À l’horizon, le Plateau de Manivert nous attend.
Ambre y suit une trace plus intime entre cistes et pins d’Alep. Parmi ce vert généralisé se débusque parfois le mauve tendre d’un Lin de Narbonne isolé. La route est à nouveau rejointe qu’il faut maintenant suivre quelques temps. On y échappe en courant se réfugier sous les beaux espaces ouverts parmi les chênes, plus loin à gauche. Un brin d’escalade, version bambin, et nous voici coupant sous les frondaisons accueillantes de ce représentant immémorial de la Provence.
On s’offre ainsi un raccourci hors goudron vers l’ancien puits jouxtant le panneau d’information du Domaine Départemental de Tresquemoure. En poursuivant au-dessus, toujours à travers les taillis – plus fun – on reprend pied sur la route. Un chemin mal dégrossi semble vouloir la quitter à gauche pour passer par le haut du plateau de Manivert. Je n’y prête pas attention : il y a bien assez à faire avec les enfants le long de la route.
UN DÉFILÉ D’ATTRACTIVITÉ
Une grande tour au bord de la route, bien conservée en façade, donne le ton. Nous voici toquant à la porte d’anciennes demeures troglodytiques, aujourd’hui closes par des grilles et des portes de bois massives. Le lieu se nomme les Baumes, faisant écho aux deux cavités communicantes aménagées sous le rocher. En dehors du cadastre napoléonien, l’Histoire n’a laissé que peu de témoignages écrits sur cet endroit.
On suppose que des générations bien différentes d’hommes s’y sont établies, de manière provisoire ou plus sédentaire, entre l’Antiquité et la Seconde Guerre Mondiale. Avec la végétation qui redevient propriétaire des lieux et ces étranges figures gravées dans la pierre, l’ensemble offre un décor fantasque où déballer son imaginaire s’opère naturellement. Ambre s’y livre à un travail d’investigation méthodique.
À la suite de ce site classé aux Monuments Historiques, de jolies falaises d’une douzaine de mètres, au calcaire gris appelant à l’adhérence, attirent le regard. Si le site a jadis accueilli les grimpeurs/ses locaux, il est désormais impossible d’y accrocher le moindre mousqueton. Le délitement en cours a conduit au déséquipement de toutes ses voies et à l’interdiction formelle d’y pratiquer l’escalade sportive.
On laisse néanmoins la petite faire ses armes sur les premiers gradins en forme d’escalier. C’est de cette manière qu’on déniche une étrange canalisation, taillée dans la pierre, qui finit par nous conduire à un ancien bassin de collecte d’eau désormais clos par une grille en fer. L’épisode du jeter de caillou dans l’eau semble inévitable. L’aménagement du site du Plateau de Manivert est intriguant et force l’admiration.
Si votre petit/e a des affinités naturelles avec les rochers, il/elle devrait passer un bon – long – moment sur cette petite route menant vers la chapelle. Les occasions sont nombreuses d’aller tâter le caillou et de partir explorer quelques petites cavités où s’imaginent des histoires fabuleuses de bivouac sous les étoiles.
Côté droit de la route, c’est pas mal non plus lorsqu’une petite proue rocheuse, en contrebas du bitume, offre une belle avancée sur la calme mer ondulante et boisée de Tresquemoure. Le spot est ludique, agréable et désert. Il échoue sur un parking à deux niveaux, en forme de tête d’épingle, desservant d’une part la chapelle et, de l’autre, le mémorial. À l’initiative de Ambre, on commence notre visite par le petit édifice religieux.
LA CHAPELLE SAINTE-ANNE-DE-GOIRON
Une agréable rampe donne accès à ce petit site silencieux et confidentiel. L’ombre d’une histoire où le tragique côtoie la béatitude y plane discrètement. Le bâtiment aujourd’hui désert contemple le visiteur du haut de ses vantaux ouverts aux quatre vents âgés de mille ans. Elle est l’œuvre de ces ermites en mal de solitude divine qui, les premiers, ont su débusquer les bons spots pour dresser des chapelles comme nous, aujourd’hui, on déniche des bivouacs. La rumeur voudrait même que ceux de Saint-Anne soit les futurs bâtisseurs de Silvacane, un peu plus bas à La Roque-d’Anthéron. Reste que les paysans locaux y montaient en procession pour y appeler la pluie. On y descend avec Ambre comme deux archéologues fébriles à la recherche de trésors.
Une grille condamnant l’accès à l’unique nef met un terme à notre exaltation. À l’intérieur, la poussière et le dénuement ne sont pas venus à bout de couleurs d’époque encore bien discernables. Le porche d’entrée, percé de deux accès en voûte, ainsi que les murets écroulés communiquant avec l’un deux, semblent avoir été ajoutés a posteriori. Peut-être lors de la restauration effectuée au 14è siècle ?
En explorant les alentours, on découvre plusieurs tombes et stèles dont beaucoup font référence à des exécutions lors de la Seconde Guerre Mondiale. Triste de réaliser à quel point les lieux de culte ont souvent, en France, servi de décors à de sinistres exactions. La nature même des lieux s’en trouve souillée. Seul le temps et le patient travail de reconquête de la nature semblent en mesure de donner une nouvelle vie à ces lieux originellement choisis à des fins mystiques.
LE MAQUIS DES CÔTES
Le Plateau de Manivert fut, en effet, un haut lieu de la Résistance en Provence. Le maquis des Côtes fit l’objet d’une lourde offensive allemande le 12 juin 1944. Les noms des 272 résistants de la région (dont 62 en ce lieu), tombés sous les armes nazies, figurent sur le monumental mémorial dressé du haut de ses 15 mètres dans la clairière surplombant la chapelle. Un endroit solennel pour cultiver le souvenir de ces jours sombres et honorer ces héros d’hier qui ont rendu possible notre aujourd’hui.
Ambre, minuscule, est avalée par l’envergure du mémorial. « Pourquoi elle pleure la dame ?« , me demande-t-elle en désignant l’une des statues centrales. « Parce qu’elle est triste« , lui réponds-je simplement. Une phrase, inscrite sous les noms des victimes, retient mon attention : « Ils sont morts pour nos libertés, sachons nous souvenir et soyons dignes de leur sacrifice. » Une exhortation plus que jamais d’actualité.
ACCÈS À LA CHAÎNE DES CÔTES
Les deux accès principaux à ce petit massif des Bouches-du-Rhône se font soit depuis Lambesc au sud et La Roque-d’Anthéron au nord par la D67a, soit depuis Lambesc et Charleval, au nord-ouest, par la D67. Depuis l’autoroute A7, il faut prendre la sortie 26 « Sénas » puis suivre la D7n, direction Aix-en-Provence jusqu’à Lambesc. Pour notre itinéraire et Sainte-Anne-de-Goiron, c’est la D67a qu’il faudra suivre, également appelée Route de La Roque-d’Anthéron et qui relie La Roque à Lambesc. Dès que la route s’arrête de grimper, au passage d’un petit col, ne pas redescendre ni suivre à gauche l’indication « Mémorial Résistance ». S’échapper par une piste grossière à droite pour se garer sur un replat, juste au-dessus de la route.
LE PLATEAU DE MANIVERT : LE TOPO
Depuis l’aire de stationnement, retraverser la route et repérer un sentier qui s’élève au-dessus d’elle (balisage bleu et jaune). Ignorer plus haut le balisage bleu qui s’échappe, à flanc à droite, et continuer de monter. Dépasser le pylône et redescendre vers la route. La traverser et monter en face jusqu’à la tour de guet (1).
Repérer, au nord du pylône et perpendiculaire à la ligne électrique, un petit sentier qui s’engouffre par une ouverture entre les chênes : y descendre. Le suivre intégralement jusqu’à recroiser la route.
Suivre celle-ci au nord, ignorer deux pistes (2) – l’une venant de droite et l’autre partant à gauche, au-delà d’une barrière – et continuer par la route.
Plus haut, ignorer une nouvelle piste s’échappant à droite de la route (3). Possibilité de grimper par les chênes, à gauche, pour couper les lacets de la route. Ou bien suivre celle-ci, au choix.
Après le dernier lacet, la route – et un balisage jaune retrouvé – s’oriente nord-est en passant devant un site d’habitat troglodytique (4).
En continuant par la route, on rejoint son terminus et un parking. En montant au bout à gauche, on rejoint d’abord la clairière du mémorial (5). En poursuivant plutôt par son extrémité droite, on rejoint ensuite la chapelle Sainte-Anne (6).
Retour par le même itinéraire jusqu’au point (2). Là, suivre le balisage bleu et la large piste qui monte à gauche. On rejoint la route plus haut. La suivre à gauche jusqu’à l’aire de stationnement du départ.
RECOMMANDATIONS & INFOS PARTICULIÈRES
Pour raccourcir cette balade vers le Plateau de Manivert, sachez qu’il est possible de se stationner juste avant les habitats troglodytiques (premier parking) ou au bout de la route, à quelques secondes seulement du mémorial et de la chapelle (second parking).
On est en Provence donc on évite les périodes de fortes chaleurs pour profiter au mieux de la randonnée. Le massif des Côtes est soumis, comme tous les autres massifs provençaux, à la réglementation incendie entre le 1er juin et le 30 septembre. Pensez à vous informer du niveau de vigilance avant votre randonnée en consultant le site de la Préfecture.
AVIS PERSONNEL
Ce Plateau de Manivert est décidément un joli petit concentré de découvertes qui ne nécessite pas de gros efforts pour en profiter. C’est ce que je retiens de cette randonnée qui se prête bien aux petites jambes. On dispose d’un alignement régulier d’objectifs à même de stimuler l’intérêt et la curiosité des enfants. Entre le site troglodytique, les courtes sections rocheuses, les cavités pour jouer, l’exploration de la chapelle et le site du mémorial, il y a de quoi s’occuper pendant un moment. Un peu de rando au milieu pour la continuité et les observations nature et on tient un cocktail bien dense pour tenir en éveil nos petiot(e)s.
HÉBERGEMENT ASSOCIÉ
Mas de Camejean (non testé)
Un établissement au nord de Lambesc, à deux pas de la route de La Roque-d’Anthéron qui dessert notre itinéraire vers le Plateau de Manivert. Une formule en chambre d’hôtes (3 chambres disponibles) ou en roulotte, en bénéficiant d’un bel extérieur avec piscine et jardin reposant. La première chambre est à partir de 70 euros. Renseignements : 06.98.56.97.37.
AUTRES ITINÉRAIRES DE LA CHAÎNE DES CÔTES
Le Mont Trésor, depuis Charleval
La Plaine de Sèze
Tour des Côtes, depuis La Roque-d’Anthéron
Dans ces habitations troglodytes, tout au long des siècles depuis le moyen âge, on a enfermé des lépreux, et des malades de la peste. C’est la raison pour laquelle des visages menaçants sont gravés à chaque coté de la porte (on les voit clairement sur la photo, deux sur la droite et un sur la gauche). Comme à l’époque peu de gens savaient lire, c’était un moyen pour éloigner les gens. Sur le mur de l’autre abri, à coté de la grille qui ferme l’entrée, on peut voir plusieurs croix gravées dans la pierre. C’était le moyen utilisé pour marquer les maisons et endroits où il y avait des pestiférés lors des épidémies de peste en Provence. Les deux plus importantes ont étés celles de 1347 et 1720.
Bonjour Peter,
Merci pour ce complément d’informations fort utile !
Bonjour, j’ai longtemps vécu à Aix et à Lambesc et cette chapelle m’intéresse. Elle est en fait située dans le village disparu et oublié de Manivert. Dans la pente sous la chapelle, en particulier, une quantité de ruines parsèment la garrigue.
Il y a une quarantaine d’années, j’y avais vu par exemple une haute voûte en arc brisé conservée sur plusieurs m², mais je n’avais pas systématiquement exploré la zone, et aujourd’hui, je ne vis plus en Provence.
J’aimerais utiliser certaines de vos photos pour une publication sur un compte Tiktok que je consacre uniquement à l’architecture, car elles sont excellentes. Pour les photos où figure votre enfant, j’envisage de masquer entièrement son image avant publication.
Merci de votre attention.
Bonjour Jean-Paul,
Merci de l’intérêt porté à ce petit reportage et aux photos qui y sont associées. Je suis plutôt fâché avec les réseaux sociaux. Je ne souhaite donc pas que les photos où ma fille apparaît soient diffusées en-dehors de Carnets de Rando. Même floutées. J’espère pouvoir compter sur votre compréhension et regrette de ne pouvoir donner une suite favorable à votre requête. Vous pouvez cependant partager les photos sans elle et, dans ce cas, je vous serai gré de m’envoyer le lien de votre publication à l’adresse contact_at_carnetsderando.net
Bonne journée,
Cordialement,
David