Tout est parti d’une grosse envie de bivouac en famille. D’une frustration estivale qui nous en a largement privé. Le hasard d’un retour en voiture nous a fait transiter par les Hautes-Alpes et le col de l’Izoard. L’idée a alors germé dans mon esprit instantanément. Ce sera là, au pied de cette Casse Déserte, au départ des pistes d’Arvieux en livrée estivale, que s’épanchera cette soif de nuit sous la tente. Une ambition humble et qui ne nécessite pas davantage que 48h de notre temps libre. Anecdotique. Au départ de Brunissard, j’ai mis le cap avec femme et enfant vers les chalets de Clapeyto et les beaux espaces du col Néal pour deux jours au grand air du Queyras. Récit et partage d’une thérapie familiale.
Difficulté : moyen | Distance : 17 km | Durée : 2J ou 6h30 | Dénivelé : 850m
VENIR DANS LE QUEYRAS
L’accès communément acquis comme principal se fait par Guillestre et la vallée du Guil en venant depuis l’amont ou l’aval de la Durance. Autrement dit en suivant la N85 depuis Gap ou Briançon. Ensuite il faut suivre la direction St Véran, Ceillac, col de l’IZoard par la D902 en franchissant les magnifiques Gorges du Guil.
Pas d’hésitation, c’est toujours tout droit jusqu’à l’invitation à quitter le fond de vallée pour monter à gauche en direction du col de l’Izoard, toujours sur la D902. Rejoignez et dépassez Arvieux jusqu’à Brunissard, au pied du col. Juste avant la sortie, repérez à gauche la route indiquant le « Camping de l’Izoard » et le site de ski nordique. Roulez jusqu’au camping et stationnez-vous à gauche sur le parking.
Note : depuis Briançon, il est également possible de rejoindre Arvieux et Brunissard par le col de l’Izoard.
Option Mobilité Douce : le train va jusqu’à Mont-Dauphin, aux portes de Guillestre. Un réseau de navettes et de transports scolaires sillonnent le Queyras selon des fréquences dépendantes de la période de l’année. Référez-vous à la rubrique Déplacements du site du Guillestrois-Queyras pour des informations actualisées.

Où dormir à Arvieux ?
Après trois semaines passées en Slovénie à galérer pour trouver des campings où on payait parfois jusqu’à 75 euros la nuit (non vous ne rêvez pas, ce n’est pas une fraute de fappe) autant vous dire qu’on a manqué de s’évanouir (de bonheur) lorsque l’adorable équipe du Camping de l’Izoard nous a annoncé que la nuit chez eux nous couterait… 15 euros ! « Par personne ? » leur ai-je spontanément demandé. « Non, en tout ! » m’ont-ils répondu avec un sourire.
Alors certes les emplacements – qui n’en sont pas vraiment – sont rustiques. Tout comme les équipements. Mais l’ensemble sent bon le camping à l’ancienne et en pleine nature. Et la zone d’accueil, avec son bar, son salon de jeu et sa bonne ambiance ressemble à s’y méprendre à ces salles communes de refuge propices à la rencontre autour d’un verre et d’un récit de montagne. Si j’ajoute qu’on peut commander le petit-déjeuner le matin, c’est un sans faute ! Tarif : 10 euros en formule bivouac + 5 euros l’emplacement avec un véhicule.
Plus d’infos et réservation : 06 33 33 98 12 ou campingizoard@gmail.com

TOPO, CARTO & GPX
Je vous ai préparé une jolie Fiche-Rando de 3 pages pour ce Mini-Trek de 2 jours. Elle est disponible au format PDF pour 1,50 euros. Achat sécurisé via PayPal et envoi par mail à réception du paiement accompagné de la trace GPX, de la carto associée et de mes conseils personnalisés si nécessaire ! Merci de soutenir le travail de Carnets de Rando grâce à votre achat !

DIFFICULTÉ & RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRE
Ce mini-trek n’a rien de difficile et emprunte en permanence des sentiers balisés. Les seuls hors-sentiers évoqués sont optionnels. Le dénivelé est raisonnable mais conviendra mieux à des personnes ayant soit l’habitude de marcher en montagne, soit habituées à dépasser les 500m de D+ régulièrement.
On a choisi de faire cette boucle en 2 jours parce que c’était le contrat passé en famille mais il est tout à fait possible de se dispenser du bivouac et de couvrir l’intégralité à la journée pour les plus sportifs.

L’itinéraire emprunte des zones pastorales où des troupeaux de brebis accompagnés de chiens de protection sont présents. Attention donc si vous montez avec des chiens.
L’eau coule peu aux abords du col de Néal. Il faudra aller la chercher plus bas si vous bivouaquez, comme nous, dans ce secteur. Je vous recommande fortement l’usage d’une gourde filtrante. Le matériel utilisé est évoqué dans le récit si besoin.
JOUR 1 : DE BRUNISSARD AU COL DE NÉAL
Difficulté : moyen | Distance : 7,5 km | Durée : 3h | Dénivelé : 680m
On aurait pu se la jouer fainéasses et monter en voiture jusqu’au terminus de la route mais, comme dans la troupe y’a pas d’jambe de bois, c’est à pied qu’on a rejoint le Pied des Vaches. Et, puisque l’objectif c’était d’éviter le bitume, on a également fait l’impasse sur les balises blanc et rouge du GR®5 qui ne s’embarrassent pas à faire autre chose que de la suivre. C’est donc dans la masse résineuse implantée au pied des falaises de Combe la Roche que j’entraîne femme et enfant en direction de l’Eychaillon.

Le lieu m’est familier. Allez je compte sur mes doigts. Ça fait quoi ? Déjà la troisième fois que je monte à Clapeyto ? Mais c’est la première fois en famille et ça n’a pas de prix de leur faire découvrir ce petit coin de montagne.
Lire aussi sur le blog : Les Balcons du Queyras, version été
Maintenant que je connais le secteur, je tourne rapidement le dos au grand chemin carrossable qui y conduit pour embrayer par le petit vallon ouvert entre la Crête de Combe la Roche et le monticule rocheux de Pra-Premier vers lequel des ferratistes se dirigent comme des papillons vers l’ampoule.


Le Collet est un espace intermédiaire, une zone pastorale tampon qui annonce Clapeyto sans le dévoiler. On y respire à nouveau après l’effort d’une brève et facile grimpette. Le lieu semble à l’abri, protégé par les remparts de plusieurs reliefs à l’envergure variable.
C’est d’abord Pra-Premier, au nord, l’épaulement qui nous sépare de Clapeyto à l’ouest et le volume plus massif du Pic du Cros (2695m), invisible derrière le rognon rocheux dessiné par la crête de la Mayt, au sud. C’est aussi un carrefour d’itinéraires, notamment pour boucler plus rapidement vers Arvieux via le col de la Rousse.


À un peu plus de 2200m d’altitude, les chalets de Clapeyto prennent le soleil dans une atmosphère immédiatement sereine. Un bouquet garni de prairies, de bancs d’oseilles sauvages et de tapis rosés d’épilobes, au milieu duquel trônent ces petites bâtisses d’alpage traditionnelles du Queyras en bois de mélèze.
On les utilisait jadis pour l’estive. Aujourd’hui les bergers sont remplacés par des propriétaires ou des locataires venus profiter quelques jours ou semaines des vertus apaisantes du lieu. Une certaine image du bonheur.


Clapeyto invite à la pause. Il serait presque indécent de le traverser sans accorder d’attention à la sérénité qui émane du lieu. Le mieux étant carrément d’y arriver pour le pique-nique. C’est ce que nous avons fait, trouvant une assise confortable au pied d’un chalet alors inoccupé.
Pour beaucoup, pas assez familiers de l’effort de la randonnée, Clapeyto constitue autant un but qu’un point final. Regrettable. Car c’est dans l’apaisante ambiance de ses étages supérieurs que se révèle sa quintessence. La marche est donc ensuite reprise, direction le col de Néal.


Ce n’est pas un dénivelé violent. À l’image de l’environnement immédiat, tout en mamelons aux courbes douces et en étagements progressifs, le sentier ménage ceux qui l’empruntent. L’effort n’est certes pas absent mais se dilue dans le vert généreux de versants peu abrupts remontés par la trace claire du chemin.
L’accès au col de Pansier et aux premiers étangs s’effectue par palier. Chacun, haut d’une cinquantaine de mètres maximum, est séparé de l’autre par un replat reposant qui fait s’abaisser le rythme cardiaque. Le genre d’itinéraire qui octroie du temps aux marcheurs pour lever leur nez de leurs pieds et profiter du décor de roche et de verdure qui les entoure.


À 2400m je sais l’essentiel des difficultés physiques derrière nous. Rien, en tout cas, qui ne semble avoir entamé les bonnes dispositions de Ambre qui, en grandissant, encaisse chaque année un peu mieux l’exercice de la marche. Il faut dire que la perspective du bivouac reste, pour elle, une sérieuse et réelle source de motivation.
Lire également sur le blog : 12 Conseils pour Réussir son Premier Bivouac avec des Enfants
Au loin, derrière la ligne formée par le col de Néal, une tour de roche aux lignes hostiles interpelle. Sa rudesse tranche avec la nature ouverte et accueillante du reste du paysage. Un visage presque dolomitique. C’est le Pic du Béal Traversier (2910m), un candidat qui paraît autrement plus sérieux que les autres dans le secteur. Je tâcherai de ne pas l’oublier.


Les premiers étangs font leur apparition. L’IGN les qualifie de lacs. Un qualificatif quelque peu usurpé pour ce qui est essentiellement des zones inondables que la température sèche de l’été et l’absence de précipitations récentes et/ou abondantes ont soit drastiquement réduit le volume, soit carrément asséché en ne laissant derrière elle qu’une terre craquelée hurlant sa soif.
Variante de Tête Noire
À partir des étangs du Cogoul, il est possible de couper plein ouest pour se hisser sur la crête de Terre Blanche. De là, en la suivant vers le sud, on peut rejoindre le sommet de Tête Noire (2587m) et profiter d’une belle vue sur le sauvage et inexploré vallon de Pansier, ainsi que sur le lac de Néal au sud-est. Retour par le même chemin pour retrouver le sentier balisé dirigeant vers le col de Néal.


Il est temps de chercher un bon emplacement de bivouac autour du col de Néal. Première chose à faire : s’éloigner le plus possible du troupeau qui débordent de la zone et des chiens de protection qui satellisent autour. Je mise sur leur descente imminente vers la protection nocturne de la cabane de Néal, en versant sud, et mets donc le cap au nord, vers le lac dit de la Favière sur l’IGN. Pas de bol il est à sec et sent très fort la brebis ! Mais on y est à l’abri du vent, qui s’est un peu levé et qui commence à refroidir l’ambiance.
Il faut également trouver de l’eau. Pas évident au regard de la sécheresse en cours autour de nous. Pas grand chose qui coule à proximité : qu’à cela ne tienne j’embarque les gourdes vides et ma gourde filtrante Katadyn BeFree pour une mission ravito. Je dois plonger assez bas sous le lac et le petit sommet du Peyron pour trouver quelque chose qui coule suffisamment pour pourvoir à mes besoins. Ça fait un peu de marche et de manipulations en plus mais c’est ça ou rien !

BIVOUAC AU COL DE NÉAL
C’est une fin de journée gorgée de lumières chaudes et d’ombres charnelles qui étend sa main de velours sur le col de Néal ce soir-là. La fraîcheur pointe dans le fond de l’air avec un parfum de fin d’été agréable tandis qu’un voile d’or tombe sur les grandes falaises chutant sous le Pic de Balart. En montant sur le point haut coté 2474 sur l’IGN, on est aux premières loges du spectacle donné par le Pic de Rochebrune en compagnie de quelques lagopèdes.
Découvrez le secteur en mode hiver dans ce reportage : Les Balcons du Queyras en Raquettes
Retour au réchaud pour ne pas louper la cuisson de la Tarfiflette Savoyarde et de l’Aligot à la Tomme, deux menus lyophilisés du genre plutôt savoureux concoctés par MX3 Nutrition et récupérés chez Lyophilise & Co. Habituellement je suis plutôt du genre méfiant à l’égard de ces plats à réhydrater. Mais là, de l’opinion familiale commune, on valide ! Même Ambre a réclamé du rab, c’est peu dire ! Ça tombe bien, le format XXL des produits m’a permis de lui dire que c’était possible !


Il n’y a pas tant de nuages que ça pour espérer une représentation flamboyante qui précéderait le crépuscule. En revanche la lumière de l’automne à venir est intense et le soleil, en se rapprochant toujours plus de l’horizon, déchaine les couleurs.
L’absence de la moindre brise permet alors aux petits étangs de se transformer en incroyables miroirs d’altitude. L’instant est fragile mais j’étais prêt et à l’affut. J’emporte avec moi le cliché espéré avant que l’obscurité emporte avec elle les derniers timides rougeoiements.

JOUR 2 : DU COL DE NÉAL À BRUNISSARD
Difficulté : moyen | Distance : 9,5 km | Durée : 3h30 | Dénivelé : +175m/-850m
Démarrage au son des sonnailles et des lamentations caprines. Les brebis sont à nouveau de sortie sur les espaces du col de Néal baignés de soleil. Les aboiements des patous rendent Ambre et Raphaèle fébriles tandis qu’on progresse sur le joli sentier avançant vers le col du Lauzon.


ASCENSION EN OPTION : LE PIC DES ESPARGES FINES (2695m)
Depuis le col du Lauzon, il est assez facile et rapide de rejoindre le sommet du Pic des Esparges Fines (30mn max et 120m de dénivelé). La trace quitte le col en partant à l’assaut de la grosse épaule sud du Pic avant de rejoindre une traverse plus plane. À l’issue de celle-ci elle s’engage dans un réseau de vires/gradins rocheux assez facile à suivre en versant est avant de sortir quasiment au sommet. Vue magnifique sur le cirque des Fonts de l’Alp et le sommet du Béal Traversier (2910m). Retour par le même itinéraire.

Retour au col du Lauzon et reprise de la trace officielle qui bascule à l’est dans le vallon du Lauzon et son lac fantôme. Ce n’est plus qu’un périmètre à sec où vient s’achever également le sentier – non balisé – qui descend du col de la Rousse, tout au pied de l’imposante masse arcboutée et sombre du Pic du Cros (2695m). On y trouve également une jolie source captée à côté du sentier et à l’amorce de la descente vers le vallon de Combe Bonne. Parfait pour remplir les gourdes !

Le lac dépassé, on bascule dans le terrain minéral et austère des Sagnères, ces grandes coulées de pierre qui dévalent sous la crête de Jambe Route et le Pic du Cros. L’esprit de la Casse Déserte plane dans ce décor minimaliste et chaud qui nous fait perdre rapidement de l’altitude vers l’orée du Bois de Chagnard et l’ombre bienvenue des premiers mélèzes.

C’est un sentier agréable, parfumé d’odeurs de résine et accompagné par la course légère du torrent de Combe Bonne qui nous fait glisser en douceur vers la cabane de la Gardère. Le petit abri ne présente cependant rien qui permette d’envisager y passer une nuit, pour celles/ceux dont sa mention ici leur feraient se poser la question. Un promontoire rocheux à quelques mètres en face du pas de la porte offre en revanche une vue intéressante sur le ravin soudainement profond de Combe Bonne.


Les échos de la civilisation se rapprochent tandis que s’ouvre plus largement la partie supérieure de ce vallon à l’entrée duquel s’est bâti le hameau du Coin. On est encore bien au sud de notre point de départ. Aussi j’évite de trop faire descendre la troupe et je pars chercher la trace du GR®58 – mêlée à celle du GR® de Pays Tour de la Dent de Ratier, bien moins connu – par ce grand chemin à flanc qui surplombe la vallée d’Arvieux à l’ouest.
C’est un final en douceur qui distille un dénivelé négatif très progressif pour rejoindre Brunissard. Tout en offrant de belles ouvertures sur Arvieux, d’un côté, comme sur la Casse Déserte et la montée vers l’Izoard, de l’autre. Les retrouvailles avec le goudron mettent à l’arrêt les velléités de Ambre et c’est en bon père dévoué que je retourne chercher la voiture en solitaire au camping. De derniers mètres forcément moins passionnants que je dédouane évidemment ma petite de faire !


LIEN UTILE
Office du Tourisme du Guillestrois-Queyras
Bel article ! Je ne connaissais pas cette partie du Queyras. j’ai eu l’occaz de faire une rando du côté de Saint-Véran, qu’on avait poursuivi dans la vallée de l’Ubaye jusqu’à Maljasset. Merci pour le partage !
Salut Gauthier,
Le Queyras foisonne d’itinéraires. Certains très accessibles, d’autres parfois plus sauvages et engagés. Clapeyto et le col de Néal, ce sont de grands classiques locaux. J’espère avoir l’occasion de partager sur le blog quelques traces plus confidentielles et techniques. Merci de ton passage par ici !
David