En Cévennes d’Ardèche, il y a le Cévenol et il y a le Tanargue, les deux têtes d’affiches de l’itinérance locale. Et, au milieu, en toute discrétion, vient la petite boucle « Des Cévennes au Tanargue ». Comme une passerelle tendue entre les deux pour passer de l’un à l’autre. Ou une proposition de prolonger le Tour du Tanargue. À moins que ce soit de raccourcir le Cévenol ? En trois jours, voire deux pour les plus sportifs, ce circuit s’affiche comme un petit condensé du meilleur des deux grands itinéraires. Une sorte de bande-annonce pour saliver avant des entreprises de plus longue haleine. Dans tous les cas un tour du propriétaire s’impose, une petite visite avant de faire une offre. Vous me suivez ?
Difficulté : moyen | Distance : 38,5 km | Durée : 3 jours max | Dénivelé : +1570m/-1590m
Loubaresse, dans les pas des muletiers
Loubaresse pourra avoir un aspect de bout du monde pour certain(e)s qui, en montant par la départementale depuis la basse vallée de l’Ardèche, auront peu à peu vu l’habitat humain reculer face au fief de Taranis, le dieu Tonnerre.
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Pourtant, de nos jours, la route qui franchit le col de Meyrand, à 1371m d’altitude, fait le bonheur des cyclistes et permet une communication facile entre les vallées de la Beaume et de la Borne, rendant l’isolement beaucoup plus relatif.

Pour se représenter Loubaresse réellement à l’écart du monde, il faut se projeter quelques siècles plus tôt, bien avant l’apparition de la route et même du chemin de fer, quand seuls les muletiers passaient et assuraient les liens et les échanges commerciaux entre la montagne et la vallée.
L’histoire et le nom-même du village est liée à ces hommes voyageant en convois d’une vingtaine de bêtes dont on entendait résonner au loin la « queyrade » du mulet de tête bien avant d’apercevoir les plumets rouges ou les plaques muletières cuivrées de cette troupe bigarrée.
Ici difficile d’affirmer qui du Tanargue ou de l’homme détient réellement le pouvoir
À cette époque le hameau ne comptait qu’une seule ferme : de quoi faire ressembler le Loubaresse d’aujourd’hui à une mégalopole ! C’était une halte appréciée des muletiers dont le passage constituait toujours une fête.
On y buvait le vin monté par le convoi dans des outres en peau que, parfois, les hommes perçaient en chemin pour épancher leur soif : une manie très locale qui leur a valu le sobriquet de « troueurs d’outres » ou « traoutchos boutos » en patois, à l’origine du nom de Loubaresse.

Il y eut jusqu’à quinze auberges alors à Loubaresse. Aujourd’hui seul Le Pégan, un bâtiment trapu de deux étages, tout de schiste clair et orangé, perpétue la tradition sur la place centrale du village. Loubaresse ne s’en dépare pour autant pas d’un charme certain et d’un calme apaisant pour le visiteur du 21ème siècle.
Les temps ont changé. Les muletiers qui voyageaient des Cévennes au Tanargue ne sont désormais plus que des fantômes remplacés par les machines désincarnées de la civilisation du pétrole
Le carrefour commercial d’antan est devenu un centre névralgique d’itinéraires de randonnée et les marcheurs ont troqué le mulet contre des sacs à dos quand ils débarquent dans le village. Point de fête pour eux mais le sourire des locaux et une tradition de l’hospitalité qui perdure à travers deux hébergements pour faire l’étape sur la route du GR®4, du Tour du Tanargue ou du Tour de la Montagne Ardéchoise.

Loubaresse est également un point d’entrée sur ce tracé encore peu connu qu’on appelle ici « des Cévennes au Tanargue » et qui constitue une variante intéressante du Cévenol, dont j’ai déjà parlé sur le blog l’an passé.
Il permet une alternative pour rejoindre Montselgues depuis Saint-Laurent-les-Bains. Ou l’inverse, pour une version plus courte de la totalité qui s’échappe ensuite jusqu’aux Vans avant de s’en aller chercher la Lozère et Génolhac.
Lire également : le Cévenol, 5 Jours de Trek dans les Vallées Oubliées des Cévennes d’Ardèche
Il peut aussi s’ajouter au Tour du Tanargue pour permettre d’en jouer les prolongations en s’offrant, depuis Loubaresse, une belle rallonge de trois jours pour peaufiner son exploration de cette partie des Cévennes d’Ardèche au charme indéniablement sauvage.
C’est la pièce du puzzle qui me manquait pour viser l’exhaustivité sur les itinérances possibles courant du Tanargue, au nord, au Pays des Vans, plus au sud.
Dormir à Loubaresse
J’ai déjà donné ces informations dans l’article consacré au Tour du Tanargue mais, pour vous éviter un inconfortable va-et-vient entre les deux sujets, je vous les rappelle ici brièvement.
Loubaresse dispose donc de deux gîtes : un communal, en gestion libre, et un privé, le gîte de l’Église, pour un total de 24 couchages possibles. Le premier doit être réservé auprès de la mairie – 04 75 88 96 93 ou par mail à mairieloubaresse@orange.fr – et le second, où la demi-pension est possible à partir de 49 euros, peut être contacté au 06 26 65 59 76 ou par mail à gitedeloubaresse@gmail.com. J’évoquais également Le Pegan : il s’agit d’un Bistrot de Pays, où il est possible de manger mais uniquement le midi. Il est ouvert tous les jours à partir de 10h sauf le samedi et ferme après le service. Menu de 15 à 23 euros.

De Loubaresse à Saint-Laurent-les-Bains
Difficulté : moyen | Distance : 9 km | Durée : 3h15 | Dénivelé : +280m/-640m
La première étape Des Cévennes au Tanargue arbore un profil essentiellement descendant dont la distance plutôt réduite confine à une certaine douceur. Depuis le col de la Croix de Toutes Aures, au pied de la Montagne de Vente et du Serre de Pedurand, le sentier bascule dans des pentes à genêts en direction du hameau du Mas de Truc.
Sur ces hauteurs et en cette saison, c’est toute la montagne qui est imprégnée du parfum fort et musqué des genêts dont la remarquable rusticité est totalement adaptée aux rigueurs du climat ardéchois. Ouverte dans ce raz-de-marée qui s’expose au soleil sur le versant sud du relief, la trace dévale vers le fond du vallon en coupant sans ménagement les lacets de la route conduisant à Borne.

Plus reculé encore que Loubaresse, Borne porte le même nom que la rivière qui s’est ouvert un passage impressionnant dans les gorges éponymes. Encore un spot spectaculaire dont la découverte n’est autorisé qu’aux seul(e)s marcheurs-ses. Une aventure cependant hors sujet mais déjà couverte sur Carnets de Rando il y a fort fort longtemps.
Lire également sur le blog : Les Gorges de la Borne
Le voyage se transforme une fois la dernière maison du Mas du Truc dépassé. Je plonge, solitaire, dans un tête-à-tête avec l’Ardèche. Dessiné sur le flanc du versant ouvert sous le col de la Croix de Borne, le chemin domine une pente lumineuse de rochers et de genêts. Un fragment de jaune qui s’oppose à l’hégémonie forestière, plus sombre, qui colonise le reste des plus hauts reliefs poussant à l’ouest.

On aperçoit le sommet des Trois Seigneurs. Puis celui Trépaloup. C’est finalement toute la ligne de crête boisée marquant la frontière de la forêt de Pratazanier qui apparaît. L’ultime intimidation des abords de la Borne avant de rendre les armes et de s’affaisser, apaisée, vers Saint-Étienne-de-Lugdarès.
Plus bas une haie d’honneur de châtaigniers accueille le sentier. Les remous de la Borne se mêlent maintenant plus distinctement au bruit du léger vent qui fait frémir les feuillages. Une dernière pente, plus abrupte, s’affaisse à travers les genêts jusqu’au pont qui franchit la rivière.

Je franchis le cours d’eau en toute intimité avec lui, un peu en amont du défilé rocheux qu’il empruntera bientôt pour forcer le passage entre le ravin du Bois des Tampes et la masse de La Plus Haute Péride. La Borne incarne ces rivières vigoureuses d’Ardèche, souvent à l’écart du monde et inscrites dans un cadre toujours marquant où le marcheur que je suis se sens chaque fois comme un heureux naufragé.
La vision de la Borne pose un décor de « Seul au Monde » où jouer les Robinsons animé d’une pénétrante envie de retour aux sources s’impose presque
Un épais nuage tire alors un rideau gris sur ma scène de film, me ramenant à la réalité et me poussant à poursuivre mon chemin. Je perds un temps le latin de mon orientation au passage d’une propriété rustique dissimulée habilement par les sous-bois. Mon attention, un peu relâchée après la Borne, est ici vite rappelée au front pour compléter les blancs laissés par un balisage très décontracté. Après quelques circonvolutions, je retrouve la bonne trace et reprends de l’altitude en rive gauche de la Borne.

Je retrouve le Tour de la Montagne Ardéchoise, accompagné ici du GR®72 – qui relie le col du Bez à Barre-des-Cévennes. Les deux parcours convergent avec ma variante du Cévenol en direction de Saint-Laurent-les-Bains. Tout en-dessous, la Borne est prise de convulsions, affichant des lacets plus marqués tandis qu’elle ouvre au forceps la montagne ardéchoise, plus significative ici que précédemment.
Le rocher, sombre et coupant, perce ici plus facilement l’enveloppe végétale, dressant devant moi un tableau fascinant d’hostilité.
Mon chemin capitule face à cette démonstration de force, préférant aller chercher le passage dans les pentes plus faciles qui s’ouvrent à l’ouest. Je le suis à contrecoeur, toujours un peu déçu de passer à côté d’un corps-à-corps possible avec le rocher et une rivière sauvage comme seul témoin. L’écho de son courant s’évanouit bientôt, laissant la place à celui de mon souffle qui s’accélère dans l’effort d’une ascension brève, mais intense.

Puis c’est le silence. Sur l’autre versant, une immense pessière oblitère les sons et la lumière. Une assemblée de troncs nus et rugueux enveloppée d’obscurité. Le corridor plus large du chemin est l’unique puits de lumière de ce sous-bois aux allures de cimetière. La clarté revient progressivement lorsque les individus reprennent un peu du large entre eux en perdant de l’altitude.
L’épisode, un peu lugubre, semble même n’avoir pas existé lorsque le sentier, taillé en balcon, jaillit soudain au-dessus de Saint-Laurent-les-Bains, délicatement déposé dans le creux de son beau vallon. La façon dont l’arrivée se révèle aux marcheurs-ses est absolument exceptionnelle. Presque cinématographique.

On entendrait presque une symphonie épique pulser à travers la terre et les genêts tandis que la vue explose sur ces façades rocheuses escarpées qui entourent la petite commune. La haute tour qui domine le village est comme un couronnement à cette bombe paysagère qui transforme une simple arrivée d’étape en instant d’exaltation. Presque un petit miracle.
Où dormir à Saint-Laurent-les-Bains
Visible comme le nez au milieu du village, le Chat Bleu trône au-dessus du village – mais en-dessous de la tour toutefois ! – et propose 3 chambres doubles aux randonneurs-ses qui font étape à Saint-Laurent-les-Bains. Un lieu convivial et une invitation à la détente qui dispose de son propre restaurant. En terrasse ou dans la véranda, au choix. La table y jouit d’une belle réputation et on peut y savourer les produits du terroir qui font la notoriété de l’Ardèche. Demi-pension à partir de 60 euros. Infos et réservation : 04 66 46 22 17 ou 06 41 20 23 98 ou par mail à sarljkrestauration@yahoo.com

De Saint-Laurent-les-Bains à Montselgues
Difficulté : difficile | Distance : 17 km | Durée : 6h15 | Dénivelé : +835m/-655m
Cette étape est commune à la première journée sur le Cévenol et, de ce fait, avait déjà été décrite dans le reportage associé dont je replace ici le lien. En faire un copier-coller me paraissait déplacé aussi je vous invite à le lire pour vous immerger dans le ressenti enthousiaste de mon expérience. Pour celles-ceux cependant que le fait de naviguer d’un article à l’autre découragerait – et je l’entends – voici, dans les grandes lignes, ce qu’il faut retenir de ce segment.
C’est, pour commencer, le plus long et le plus sportif des trois que compte la variante « Des Cévennes au Tanargue ». Il est cependant débarrassé du « prologue » du Cévenol qui rajoute un tronçon de marche de 8 kilomètres pour qui, parti de La Bastide-Puylaurent, doit d’abord rallier Saint-Laurent-les-Bains. En arrivant de Loubaresse, on entre quasiment tout de suite dans le vif du sujet.
« Pourquoi ce sentier n’est-il pas davantage connu ? » est la question que je me suis posée face à ce petit chef-d’oeuvre de Nature
Je veux redire ici tout le bien que je pense de cette section de sentier qui démarre après le petit hameau de Tressols. Un an plus tard, en écrivant ces nouvelles lignes, je garde encore le souvenir intact de l’émotion paysagère ressentie face au vallon de la Borne. Une image d’une précision rare qui me remet en mémoire la sensation éprouvée ce jour-là de pure satisfaction.

Qu’on parle ici du cadre enthousiasmant de la Borne au niveau de la passerelle du Péril, des landes à bruyère tapissant les poussées de schiste de la crête descendant du Serre de Chabanis ou des allées de châtaigniers conduisant vers Laval-d’Aurelle, tout est prétexte à mettre des étoiles dans les yeux des marcheurs-ses.
Remonter vers les hauteurs de Montselgues exige un peu d’endurance mais on n’a rien sans rien. Ce don de soi de l’Ardèche mérite bien un peu de courbatures et quelques gouttes de sueur.
Et pas uniquement par l’entremise du paysage mais aussi par l’authenticité du cheminement qui raconte l’Ardèche d’hier, celle des murs de pierre sèche, des chemins muletiers et des villages forgés dans le schiste. Une Ardèche profonde et qui se livre dans l’intimité de ses souvenirs, très à l’écart des GR® bruyants ouverts à quelques vallées de là. Sacrément beau.

Où dormir à Montselgues ?
Pour moi, Montselgues, c’est La Fage et rien d’autre. J’ai encore eu l’occasion de m’y arrêter lors de ma parenthèse « Des Cévennes au Tanargue ». Le temps d’un pique-nique et d’un café sur les tables dressées devant l’entrée du gîte. Un authentique lieu de vie où j’ai mes habitudes quand je viens ici. Je ne saurai vous recommander autre chose pour faire étape. Tarif : demi-pension à partir de 50 euros. Possibilité de gestion libre. Infos et réservation : 06 29 26 69 03 ou contact@gite-lafage.com
De Montselgues à Loubaresse
Difficulté : moyen | Distance : 12,5 km | Durée : 3h45 | Dénivelé : +455m/-295m
Cette variante du Cévenol a permis d’éteindre les braises d’une frustration éprouvée sur l’itinéraire officiel. En s’engageant, en effet, en direction de Thines, le Cévenol tournait le dos au décor singulier et caractéristique de ce haut plateau où le genêt s’épanouit parmi des champs de pois rocheux connus ici sous le nom de « chaos » de Montselgues.
Sur le papier, le Chaos de Montselgues m’apparaît naturellement comme un lieu excitant et vers lequel on est facilement attiré. Une espèce d’aimant à randonneur-se si vous voyez ce que je veux dire ?
Se contenter de l’apercevoir de loin pour finalement lui tourner le dos, c’était un peu un os agité sous le nez d’un chien et qu’on retire brusquement. Une tragique déception. C’est donc avec un entrain non feint que je quitte cette fois Montselgues, direction Petit Paris, par ces larges collines porteuses de promesses faites un an plus tôt, vainement.

Le décor entre ciel et terre se montre à la hauteur de l’attente. Sa profondeur étourdit. Un chapelet d’arrondis sur les sommets desquels une main leste a saupoudré de la potion de genêts . Un glaçage doré, comme une enluminure. La fleur, souveraine, relève l’étoffe verte de ces espaces d’altitude que la lumière du soleil, fendant des amas de nuages, éclaire comme celle d’un phare.
C’est immense mais pas désolé, harmonieux mais non dénudé. Un Petit Paris à mille lieues du Grand qui renvoie une image autrement différente de ce qu’on nomme habituellement un chaos.
Un tableau de maître dont chaque détail renforce l’impact visuel : le dessin d’une clôture, un peu bancale, qui émerge d’un ruban touffu de genêts, la dispersion équilibrée de ces drôles de boules de granit qui semblent avoir roulé dans les pentes, un bosquet de feuillus qui crée un peu de verticalité dans cette horizon de vagues aux mille nuances de vert. Et, parfois, des maisons dont la réunion sommaire ne suffit pourtant pas pour parler de village.

C’est un chemin au paradis. Je suis l’acteur principal de ces images de magazine dont la puissance évocatrice inspire des envies de marcher. Ce segment qui descend vers Petit Paris est incontestablement une merveille. J’y ralentis à l’extrême avec l’envie d’y faire durer ce plaisir rare. Une couleuvre vipérine, étirée de tout son long en travers du chemin, me sert de prétexte pour que passent les minutes sans que je ne progresse d’un iota supplémentaire.
Je prends racine avec les genêts, renvoyant la densification nuageuse au rang de préoccupation mineure. Une attitude désinvolte que je regretterai amèrement un peu plus tard. Mais là, maintenant, j’ai des envies de chaos et qu’importe les signes d’une météo fragile. Les pictogrammes de la carte IGN, pareil à d’étranges constellations alignées sur les courbes de niveau comme des notes de musique sur une partition, me font de l’oeil depuis trop longtemps.

Je passe au préalable par le Petit Paris. Pas de Tour Eiffel ou de Champs-Élysées pour rappeler d’une quelconque manière la frénétique grande ville française. La référence va encore une fois chercher du côté des muletiers, dont la généalogie ici imposait le respect et qu’on tenait en si haute estime qu’on les surnommait les « parisiens ».
Si Petit Paris fut une capitale c’est essentiellement en local, au point que le bourg compta un temps plus d’habitants que Montselgues.
C’est en tout cas la porte d’entrée du Chaos de Montselgues, labellisé Géosite, autrement dit un site géologique remarquable, lui-même intégré au Geopark des Monts d’Ardèche. Un mobilier très clair comblera les lacunes des visiteurs-ses en matière de fracturation du granite, de tectonique et de désagrégation des micas et feldspaths, pour comprendre l’origine de ces petits pois abandonnés comme des cochonnets sur un terrain de boules.

Le GR®4 n’y passe toutefois pas franchement. Il flirte avec le granit mais ce n’est ni le cirque de Mourèze, ni les Mourres de Forcalquier : nos petites boules sont parquées pour l’essentiel à l’écart du chemin ou dans des propriétés forcément privées, rapidement hors de portée. La concentration de pois aperçue sur l’IGN se révèle inaccessible.
Je me contente de toucher avec les yeux pour ceux que je peux apercevoir depuis le sentier. Je m’attendais à un musée à ciel ouvert, à une partie de cache-cache chaotique mais ma visite est expédiée plus vite que je ne l’aurais souhaité tandis que le chemin, fuyant plein nord vers la ferme des Rancs, s’écarte ostensiblement du coeur vibrant du chaos.

Ces quelques derniers kilomètres sur le plateau constituent en définitive un satisfaisant lot de consolation. La magie du genêt et des lignes d’horizon fuyantes opère à nouveau à plein régime. Certains ont même été jusqu’à la tailler en forme de coeur pour déclarer leur flamme à la fabacée reine qui donne ici sa couleur jaune à l’Ardèche.
Au-dessus de moi, en revanche, le ton est soudain monté d’un cran. L’espoir d’un accord à l’amiable entre les nuages et le soleil s’évanouit au premier coup de tonnerre. La lumière se carapate sans demander son reste, réfugiée sous le granit en ne laissant derrière elle que de l’ombre. C’est du sérieux qui s’annonce et qui s’avance, à l’image du rideau de pluie en progression rapide depuis le Tanargue.

Je traverse la départementale sans m’attarder. Le bitume agit comme une frontière qui referme derrière moi la porte du plateau ardéchois. Devant vient la forêt de Prataubérat, immense, comme un paravent tiré sur le reste du monde.
Sous la pluie maintenant nourrie et par un sas d’ornières et de cailloux peu esthétique, mes premiers pas en sous-bois n’ont rien d’exceptionnels. J’en tombe presque à genoux lorsque je raccorde la Route Forestière des Crêtes au passage de la Croix de la Femme Morte. Quel nom ! Même la toponymie a décidé d’être plus lugubre…

Après tant de belles choses, ce retour à l’ombre des arbres vers Loubaresse perd en intensité. Poussé dehors par le mauvais temps, je le vis comme une transition nécessaire, un passage obligé pas désagréable mais sans véritable charme non plus.
La bascule vers le Pont de Bournet offre des moments de marche plus confidentiels grâce à des sentiers qui me font oublier la neutralité de la piste. J’y retrouve des sous-bois, certes suintants d’humidité, mais à taille humaine.
Et aussi de la pente. Moi qui croyait uniquement descendre jusqu’à Loubaresse, j’ai la surprise de devoir demander aux muscles des mollets de se réactiver. S’ils avaient pu alors grogner, probablement l’auraient-ils fait. La machine souffre cependant en silence alors que le retour s’éternise un peu.

J’imaginais Loubaresse plus proche. Cette forêt de Prataubérat est décidément un pays à elle toute seule. Survient une trouée dans laquelle s’engouffre le chemin. C’est l’aplomb du col de Loubaresse qui annonce l’arrivée imminente. L’orage continue ses roulements de tambours loin derrière moi, cognant aux portes des Cévennes.
Je refais mon entrée à Loubaresse, sans fanfare ni trompette. Le temps des fêtes et des comités d’accueil s’est achevé en même temps que celui des « traoutchos boutos » : revoir le gîte d’étape suffira seul à mon bonheur de marcheur du 21ème siècle après ces dernières heures à patauger sous la pluie !
Des Cévennes au Tanargue : Guide Pratique
Accès
Si j’ai fait partir mon descriptif de Loubaresse, il est tout à fait possible de partir également de Saint-Laurent-les-Bains ou de Montselgues. Aucun n’est facilement joignable en transports en commun. La voiture est le meilleur moyen de venir sur place. Parking sous le village de Loubaresse.
Pour info, vous avez aussi la possibilité d’ajouter une demie étape qui part de la Bastide-Puylaurent, en Lozère, où on peut arriver (et repartir) en train. Comptez ensuite 8 kilomètres et 2h15 jusqu’à Saint-Laurent-les-Bains.

Topo, Carto & Trace GPX
Ni topo, ni carte officielle pour marcher sur cet itinéraire Des Cévennes au Tanargue. En revanche il est identifié sur la nouvelle TopoCarte qui couvre le Cévenol et le Tour du Tanargue. Elle est en vente à 12,90 euros sur le site de l’Office de Tourisme des Cévennes d’Ardèche.
L’itinéraire peut autrement être visualisé sur le site Rando Cévennes d’Ardèche. Enfin, si besoin, j’ai les traces GPX des trois étapes donc vous pouvez me les demander en m’écrivant à l’adresse contact@carnetsderando.net
Difficulté
C’est surtout l’étape Saint-Laurent-les-Bains – Montselgues qui fait monter la difficulté avec sa distance et son dénivelé plus importants. Les deux autres sont déjà nettement plus coulantes. Le terrain n’est pas technique, les sentiers toujours bien dessinés. Pas de piège ou de danger objectif.
Les plus costaud(e)s auront peut-être envie de cumuler l’étape 1 et 3 pour faire tenir l’itinéraire en deux journées. C’est sport mais c’est faisable. À condition, dans ce cas, de ne pas partir de Loubaresse.

Balisage
Le balisage est très inégal sur l’ensemble du circuit Des Cévennes au Tanargue. Lors de mon passage, l’étape Loubaresse – Saint-Laurent-les-Bains aurait mérité un bon rafraichissement par exemple. Le marquage y est ancien, parfois peu visible ou même absent. Il y a deux, trois endroits où avoir la trace s’avérera utile. C’est beaucoup mieux sur l’étape 2 et quasi impeccable sur l’étape 3, tracé GR® oblige.
Bivouac
En dépit de l’immense espace disponible, je ne vous recommande pas particulièrement le bivouac sur ce tracé. Beaucoup de parcelles sont privées comme en témoignent les linéaires de clôtures bien visibles. Et puis, surtout, l’offre hébergement existe avec des tarifs plus que compétitifs.
Ça me paraît important aussi de faire vivre les hébergements dans ces endroits isolés au regard de l’énergie dépensée pour les maintenir ouverts et accueillants. Pensez-y au moment de préparer votre périple. C’est aussi une forme de solidarité pour pouvoir continuer à profiter d’aussi beaux sentiers.

Bonjour,
merci pour ce super descriptif, ça donne envie. Je pense qu’on va faire ce minitrek avec nos enfants. On a des gourdes filtrantes, est-ce qu’on trouve facilement de l’eau sur le trajet en été, ou est-ce qu’il y a un risque que ça soit à sec ?
Je vous remercie par avance,
Julia