La trilogie des Trois Becs en hiver (2ème partie)

Du sommet du Veyou, le chemin est encore long pour boucler un itinéraire sur les deux derniers becs et ensuite revenir au Pas de Siara. La randonnée, déjà sportive l’été, peut s’avérer diablement physique l’hiver avec la présence de la neige. Si le Veyou reste spasmodiquement fréquenté entre décembre et avril, le Signal et Roche Courbe redeviennent, la plupart du temps, des espaces de montagne silencieux et vierge de présence humaine. Je m’y suis aventuré pour en prendre le pouls.

En quelques mètres, la consistance de la neige a radicalement changé. D’une mélasse peu épaisse et glissante en versant méridional, je pénètre une couche dure et profonde une fois basculé en face nord. Sous une croûte durcie en surface, une neige dense mais pas vraiment poudreuse retient chacun des pas que je fais pour tenter de progresser. Cette résistance me surprend d’abord, jusqu’à finir par m’épuiser rapidement. Même la raquette y trouve ses limites. Seuls les skis réussiraient à tirer leur épingle du jeu sur ce terrain inattendu.

Traîtreux paysage qui, sous ses airs de blancheur immaculée, dissimule en réalité un vrai parcours du combattant !

Les Trois Becs, c’est un peu la randonnée montagnes russes ! On monte, on redescend de 150 mètres, on en remonte 100 autres, et ainsi de suite ! Le tout dans la neige ! Dans le creux de chaque bec, il y a cependant toujours une sortie de secours à improviser à travers la forêt en direction du GR9 en cas de souci. Pour moi, le GR, ce sera tout à l’heure. Pour le moment, j’ajuste mon masque sur la tête, lève les yeux vers le sommet du Signal et me mets en route. Face sud retrouvée, progression facilitée ! En une poignée de dizaines de minutes, me voici près du cairn sommital. La position centrale du Signal offre une vue incroyable sur les falaises du Veyou. Devant moi, au-delà du petit promontoire rocheux prolongeant le sommet, la croupe d’un chamois disparaît dans le vide.

CdR81_Veyou Signal Trois Becs

Je réalise soudain que je pénètre le territoire de la faune sauvage. L’hiver, tout est beaucoup plus dur pour les animaux. Chaque déplacement à un prix. Les chamois restent prudents et prennent le soleil dans les barres rocheuses où aucun être humain sensé ne viendra les déranger. J’en repère un autre dans le secteur raviné du Pas de Picourère. Observation mutuelle et muette.

Je suis un intrus qui doit se faire tout petit.

L’ongulé jauge la menace potentielle de cet étranger en train de le filmer puis disparaît acrobatiquement au-delà du pied des falaises. De la grâce, de l’audace et un sacré sens de l’équilibre. Tout l’inverse de moi ! Ma démarche pataude et ma trace dans la neige grossière aurait de quoi alimenter les plaisanteries de chamois en soirée jusqu’à la fin de l’hiver…

CdR81_chamois

Rochecourbe est au-dessus de moi. De ce côté, ce n’est pas le plus impressionnant des Trois Becs. Il en va tout autrement du côté du col des Auberts. L’énorme bastion rocheux propulsé dans une verticalité parfaite impressionne. A sa vue, je ne peux que recommander de toujours bien resté prudemment à une distance respectable du bord des falaises lorsque vous progressez sur les Trois Becs. Avec la neige, la moindre chute sur ces pentes sans protection naturelle peut avoir une issue fatale pour un peu que la curiosité de voir l’abime de près l’ait emporté sur la prudence.

Les Trois Becs sont les seigneurs locaux. S’ils n’ont pas la médaille du plus haut sommet drômois, ils ont assurément celle du plus prestigieux.

En tournant le dos aux falaises, on pénètre maintenant les frontières de l’univers forestier du massif : des étendues de magnifiques hêtres ponctuées de grandes clairières enneigées coulent en pente douce jusqu’à la jonction avec le GR9. Venu de Saillans, le GR9 traverse la partie haute du synclinal avant de le quitter par le Pas du Barry en direction de Bourdeaux. C’est une longue partie de celui-ci qu’il faut désormais suivre qui serpente gentiment à travers les arbres à la faveur d’une piste bien tracée. Une certaine torpeur s’installe après l’intensité des sommets. Restez cependant vigilants : il ne s’agirait pas de manquer l’intersection du Virage du Pré de l’Ane qui ramène au Pas de Siara et à la fin de cette randonnée!

CDR81_Roche Courbe

INFOS PRATIQUES

Difficulté : difficile | Longueur : 10 km | Durée : 4h30 | Dénivelé : 965m
Carte : IGN 1/25000 TOP25 3138OT Dieulefit, Saint-Nazaire-le-Désert, Forêt de Saou
Accès : Autoroute A7, sortie 17, « Montelimar Nord ». Après le péage, au rond-point, suivre à gauche la N7, direction Montélimar. Au niveau de La Coucourde, tourner à gauche par la D74, direction Sauzet, Condillac et Marsanne. Juste après être passé sous l’autoroute, tourner à gauche par D107, direction Condillac et Marsanne. Rejoindre Marsanne et, dans le centre du village, tourner à droite en suivant la direction Cléon-d’Andran. Rejoindre Cléon et contourner le centre par la gauche. Au stop, au petit rond-point, tourner à gauche et continuer par D6, direction Puy-Saint-Martin. Rejoindre et traverser Puy-Saint-Martin, direction Crest. La route s’élève après la sortie de Puy-Saint-Martin. Dans un large lacet à gauche, la quitter à droite par la D136, direction Soyans, Saou. Rejoindre Saou et, au rond-point avant le village, tourner à droite direction Bourdeaux. A l’intersection suivante, toujours suivre la direction Bourdeaux à droite, via la D538. Juste avant d’arriver à Bourdeaux, tourner à gauche par la D156 direction Saillans, les 3 Becs. Une petite route de montagne s’envole vers le col de Gourdon. Passer le col, redescendre 150m et se stationner sur le parking affecté au départ vers le Pas de Siara. Attention, si le parking est enneigé, se stationner plutôt au col de Gourdon et rejoindre le départ du sentier à pied, par la route.
Topo : du sommet du Veyou, on repart au nord en sens inverse, en infléchissant prudemment à gauche pour éviter les falaises d’abord, puis peu à peu à droite pour rejoindre le large col formé entre le Veyou et le Signal. La trace est ensuite directe sur l’épaule sud du Signal. Une fois la pente raide franchie, gagner le sommet du Signal en quelques mètres. Pour la descente, s’éloigner du sommet largement avant d’obliquer vers le Passage de Picourère. Pour rejoindre Roche Courbe l’hiver, idem : suivez le balisage qui vous éloigne des ravins, c’est plus prudent. Pour la descente vers le col des Auberts, le mieux est de descendre à vue plein ouest par les belles pentes neigeuses peu raides et d’éviter ainsi la zone sommitale plus au nord qui donne sur les à-pics. Effectuer un crochet plus bas pour rejoindre la lisière du bois de hêtres, s’engager dedans et descendre tout en bas, dans le creux formé par le col des Auberts. Suivre le fond bien marqué de cette combe à gauche (ouest) à travers de beaux espaces ouverts jusqu’à croiser les balises du GR9. Le suivre en descendant, plein sud, à travers la forêt. Suivez toujours bien les balises du GR surtout ! Ne tentez pas l’aventure sur des chemins non balisés qui vous fourvoieraient en pleine forêt ensuite ! Vers le point côté 1188, le GR rejoint un large chemin forestier venant du refuge des Girards. S’engager à gauche (sud) pour suivre les reliefs formés par les « racines » des Trois Becs jusqu’au Virage du Pré de l’Ane qui permet de rejoindre le Pas de Siara. Retour par le même itinéraire qu’à l’aller à partir de ce point.

CdR80_map
Notes : la boucle des Trois Becs est plus difficile en hiver qu’en été. La quantité de neige présente peut rendre la progression difficile, voire dangereuse. Il vous sera demandé de savoir apprécier le niveau potentiel de danger et de l’adapter à votre équipement et à votre expérience. Il s’agit d’un parcours de montagne où la recherche d’itinéraire est fréquente. Savoir rester à l’écart du bord des falaises est indispensable. Une fois de plus, votre appréciation et expertise seront déterminantes. On est loin de la randonnée raquette peinarde… Ce n’est pas un objectif pour des randonneurs qui sont encore au stade de l’initiation raquettes. Renseignez-vous sur les conditions en montagne auparavant et notamment sur le risque d’avalanches. En cas de neige (très) dure, une paire de crampons sera indispensable pour atteindre le sommet. Vous m’aurez compris : cet itinéraire est le plus alpin présenté sur Carnets de Rando cet hiver. Il s’adresse à des randonneurs expérimentés ou accompagnés.
Bibliographie : La Drôme… à pied | C’est le topo-guide officiel édité par la Fédération Française de Randonnée Pédestre. 50 suggestions d’itinéraires homologués Promenade & Randonnée y sont recensées pour approfondir votre découverte de la Drôme, accompagnés de leurs cartes et de leurs explications. Prix indicatif : 15 € | Ref.D026

EN BREF

Suite et fin de ce grand parcours hivernal aux Trois Becs ! Du magistral avec un grand M, qui efface la longueur d’un retour moins enthousiasmant après tant d’intensité ! Soyez cependant en forme : la boucle est extraordinaire mais gourmande en énergie ! On rappelle enfin que cet itinéraire montagne s’adresse à des randonneurs expérimentés et habitués à l’usage des raquettes !

by-nc-ndCe reportage Carnets de Rando, sous licence Creative Commons, est la propriété exclusive de Carnets de Rando. Son usage à des fins non commerciales est autorisé à condition de mentionner son appartenance au site www.carnetsderando.net. Pour toute autre utilisation, merci de me contacter.

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