Érigé comme barrière sanitaire pour empêcher l’épidémie de franchir les frontières du Comtat Venaissin en 1721, le Mur de la Peste, Monument Historique de la Provence, peut encore être observé et suivi quatre siècles plus tard. Au départ de Lagnes, à la naissance des Monts de Vaucluse, une randonnée plutôt courte et sans grosse difficulté permet d’en longer l’une des sections parmi les mieux conservées de Provence. Un vrai voyage dans le temps pour explorer un chapitre éminemment tragique de la région.
Difficulté : moyen | Distance : 8,5 km | Durée : 3h | Dénivelé : +296m
1 – Lagnes de Départ
En comparaison des prestigieux voisins des Monts de Vaucluse attirant à eux les foules comme des aimants à touristes, Lagnes joue les discrets. Sans toutefois manquer de charme. À l’exubérance de Gordes, Lagnes préfère l’humilité et la réserve.
Du Moyen-Âge troublé subsistent encore deux tours, une poignée de remparts et un château (privé) passablement usé par les siècles. Pour s’approprier Lagnes, il faudra donc s’armer de curiosité et se laisser mener au fil de rues étroites et d’escaliers dérobés. Un tour peu chronophage, au regard de la compacité du petit village, mais totalement gratifiant.

Tournant le dos au château, je place en ligne de mire les pentes boisées de la Tête du Soldat, relief local escaladé par une DFCI et qui dépasse d’une tête la colline du Pieï sur le flanc de laquelle a été imaginé le théâtre de plein air de la commune. Là dessous, au 19ème siècle, des hommes se sont affairés comme des fourmis à extraire le minerai de fer de la grotte-mine ouverte dans le calcaire tendre du sous-sol.
L’essentiel du dénivelé va s’effectuer maintenant, tandis que l’altitude modestement acquise fait apparaître les toits de L’Isle-sur-la-Sorgue au nord-ouest. Plus haut encore, l’axe du chemin révèle dans le rétroviseur Cavaillon, sa colline Saint-Jacques et la ligne des Alpilles. Un bain de Provence au pays du Pin d’Alep et du Chêne Kermès.

À 281m, c’est l’appel de la forêt. Une trace, plus intime, prend la tangente dans les résineux. Parmi eux se débusquent quelques grands Cèdres, héritiers d’une campagne de plantation de 1860 et dont le bois, fin et aromatique, est apprécié des ébénistes.
Le sentier finit par atteindre le rebord des falaises des Esparacons où quelques spits solidement ancrés trahissent la présence de voies d’escalade. Sans aucun doute le point le plus panoramique de l’itinéraire. Petit frisson de vertige en approchant prudemment du vide concluant le plat rassurant d’une belle terrasse rocheuse.

Plus loin au nord, les massives falaises dominant le Vallon de la Fontaine de l’Oule renseignent sur la présence, invisible, de Fontaine-de-Vaucluse et des sources de la Sorgue. C’est dans cette rivière que les Lagnois allaient courageusement puiser leur eau à pied jusqu’au début du 19ème siècle.
La construction de la fontaine en 1812- celle aux armoiries de la ville, visible peu après le départ de la randonnée – améliore la situation. L’accès à l’eau n’en resta pas moins compliqué jusqu’en 1890, énième chapitre d’une histoire contrariée avec la précieuse ressource en Provence et qui semble déterminée à vouloir écrire une suite en ce siècle.

Le sentier se fait ensuite balcon, suspendu au-dessus du Vallon des Esperacons vers lequel il finit par plonger avec brusquerie. Une descente soudaine et sèvère, où la roche affleure parmi les racines, jusqu’à rejoindre, soixante mètres plus bas, le GR®6 et le GR® de Pays Monts du Vaucluse. Une série de cris plaintifs me fait alors lever la tête vers les hauteurs du Menudel.
Pas de doute possible sur leur origine : ils proviennent bien de trois Circaètes Jean-le-Blanc en vol plané au-dessus du sommet boisé. Avec son mètre soixante-dix d’envergure et ses ailes blanches, cet amateur de reptiles ne passe pas inaperçu en vol. Leur ballet aérien nous accompagne le temps de derniers mètres d’ascension jusqu’au carrefour avec la Piste de la Pouraque.

2 – Droit dans le Mur
La boucle se poursuit de l’autre côté, à la rencontre du célèbre Mur de la Peste, descendu du nord depuis les Trois Luisants et dont on peut apprécier ici l’une des sections les plus longues et les mieux conservées. Répandue depuis Marseille au mois de mai 1720, le fléau de la peste s’abat sur la Provence comme l’huile sur le feu.
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Pour protéger Avignon et le Comtat Venaissin, 500 ouvriers montèrent en urgence un mur de pierres sèches de un à deux mètres de haut entre Monieux et les Taillades. En tout près de vingt kilomètres gardés jour et nuit par presque un millier d’hommes abrités dans des tours de guet et des postes de garde encore visibles aujourd’hui.

Abandonné après 1723 – à l’issue de la seconde épidémie – le Mur de la Peste se voit par endroits démantelé. Sa valeur patrimoniale lui permet une inscription aux Monuments Historiques et il fait régulièrement l’objet de campagnes de restauration. Notamment sous l’impulsion de l’association « Pierre Sèche en Vaucluse ».
On ne peut qu’être saisi par une émotion particulière en longeant cette construction dont le franchissement était à l’époque interdit sans autorisation, sous peine de mort. J’imagine une Provence bien moins arborée qu’aujourd’hui, permettant aux gardes postés dans leurs guérites une anticipation lointaine des éventuels fraudeurs. C’est quoiqu’il en soit le point d’orgue de cette boucle de randonnée et un beau voyage dans l’histoire de la région.

À l’intersection suivante, les gourdes sont vides et je me sens dans la peau d’un Lagnois du 18ème siècle. Cabrières-d’Avignon, indiqué à 1km par la signalétique, m’apparaît comme une oasis potentielle. Les fontaines n’y coulent toutefois pas, conséquence probable d’une décision municipale qui replace le risque de pénurie d’eau dans une réalité contemporaine.
Les rues, par ailleurs, sont désertes en ce dimanche après-midi, me poussant à visiter le cimetière, recours ultime quand tous les autres plans tombent à l’eau. Lagnes n’est peut-être plus très loin mais il demeure inconfortable de randonner sans eau sous la chaleur encore prégnante du mois de septembre. De quoi ravir ces jeunes Figuiers de Barbarie, croisés en culture après le carrefour de Bourbourin, adeptes du plein soleil et des sols drainés.

Le sentier commence à perdre doucement de l’altitude en progressant au fil de la colline de Chante-Perdrix. Vignes et Oliviers s’y épanouissent de part et d’autre d’un chemin étroit et ombragé, parfois relevé d’un discret muret de pierre sèche.
Puis vient la bascule vers le bassin de rétention, destiné à l’agriculture et alimenté par des conduites sous pression depuis le canal de Carpentras. Entrée et baignade strictement interdites ! Un dernier segment de chemin nous ramène sur Lagnes et son hôtel de ville où la voiture nous attend sagement. Une boucle dominicale par excellence !

MUR DE LA PESTE : GUIDE PRATIQUE
Accès
En voiture, Lagnes s’atteint depuis l’A7 et la sortie 25 « Cavaillon » en suivant la direction de L’Isle-sur-la-Sorgue, d’abord, et surtout de Apt pour pouvoir embrancher la D900 une fois terminé le contournement de Cavaillon. Puis il faudra, à Petit Palais et à l’indication, prendre à gauche la D24 direction Lagnes qui est interdite au plus de 3,5t. La suivre tout droit jusqu’à prendre à droite direction Lagnes par la D100. Stationnement sur le parking de l’Hôtel de Ville une fois entré dans Lagnes.
Mobilité douce
Pas le choix le plus évident pour venir à Lagnes. À moins d’avoir un peu de temps devant soi. Il faut d’abord rejoindre Avignon en train (ou TGV). Ensuite il faut prendre la ligne 906 qui va à L’Isle-sur-la-Sorgue. De là, moyennant une correspondance à la durée variable, il faut attraper le bus 914 qui va à Maubec en passant par Lagnes.

Topo et trace GPX
Le descriptif de cet itinéraire, ainsi que les traces au format GPX et KML, sont disponibles sur le site Chemin des Parcs.
Balisage
Excepté dans Lagnes – où j’ai trouvé le balisage peu visible et le départ pas évident à trouver sans l’aide du GPX – tout le reste de l’itinéraire est parfaitement balisé. En jaune, du départ jusqu’au poteau Vallon des Esperacons ; en blanc et rouge ensuite jusqu’au poteau Chante Perdrix ; en jaune et rouge enfin jusqu’à Lagnes.

Difficulté
Cette randonnée présente peu de difficulté. Un peu de vigilance pourra être éventuellement requise dans la descente un peu brusque entre le poteau signalétique Les Esperacons et celui de Vallon des Esperacons.
Recommandations Particulières
Partez avec suffisamment d’eau car vous n’en trouverez pas sur le parcours. Un minimum d’1,5L par personne est conseillé.
Prudence si vous vous approchez du rebord des falaises des Esperacons, notamment si vous marchez avec des enfants.
Cette boucle est située sur un secteur soumis à la prévention du risque incendie entre le 15 juin et le 15 septembre. Il convient donc de s’informer d’une éventuelle restriction d’accès en consultant la carte actualisée quotidiennement par la Préfecture du Vaucluse.

Saisonnalité
Cette randonnée a été effectué début septembre 2025. Si l’emprise de l’été se ressentait encore assez fortement sur la Provence, l’arrière-saison estivale est, comme le printemps, la période la plus recommandée pour randonner dans les Monts de Vaucluse.
Informations utiles
Pour découvrir Lagnes, son histoire et les incontournables d’une visite, ça se passe sur le site de Destination Luberon qui vous donnera au passage un aperçu de la partie située entre Cavaillon, à l’ouest, Gordes, au nord et Lourmarin, au sud.
Pour davantage d’idées de randonnées dans les Monts de Vaucluse, rendez-vous sur le site des Chemins des Parcs.

Où dormir
Pas d’hôtel directement sur Lagnes. L’hébergement le plus proche se situe à moins de 2km du centre du village. Il s’agit de l’Hôtel des Grès, un bel ensemble, très provençal, jouxté par son restaurant à l’ombre de platanes bicentenaires. La chambre classique est à partir de 119 euros. Infos et réservation : 04 90 20 32 85 ou formulaire de contact sur site
Pas très loin de cet hôtel et à deux pas du canal de Carpentras, il y a également La Folie, une aire naturelle de camping à la ferme avec 25 emplacements et sanitaires. Réservation uniquement par téléphone auprès de Dominique Florent au 06 84 24 26 14
Où manger
L’Auberge de Lagnes : juste au-dessus du parking de l’Hôtel de Ville. Une carte qui nous a bien fait de l’oeil. Formule Menu du Marché à partir de 23 euros. Infos et réservation : 04 90 20 38 30 ou mail alexiscaltotpro@outlook.fr

Où boire un coup
Au Café de la Fontaine, visible à droite de la route, sur la place éponyme et en face de la rue Venteuse, dans le centre du village.
Où se ravitailler
En face de la place de la Fontaine, le Dépôt de Lou est une petite boulangerie pour acheter du pain et/ou quelques mets sucrés ou salés pour le pique-nique. Ouvert uniquement le matin de 8h à 12h et fermé les mardi et mercredi.

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