À une vingtaine de kilomètres seulement au sud-ouest de Gap, le Pic de Crigne ne passe pas inaperçu pour qui emprunte l’autoroute vers ou depuis Aix-en-Provence. Sa silhouette relevée et ses falaises aguicheuses semblent annoncer l’arrivée royale et imminente dans les Alpes du Sud. Lancée au-dessus des cultures de pommiers et du sillon de la Durance, la Crigne envoie un appel sourd aux randonneurs/ses trop pressé(e)s d’atteindre ces sommets qu’ils aperçoivent à l’horizon pour prendre le temps de s’y arrêter. Une erreur, sachez-le ! Le Pic de Crigne cache bien son jeu et seul(e) le/la randonneur/se curieux sera autorisé à découvrir ses étonnants passages secrets et ses crêtes panoramiques. Soyez de ceux/celles-ci : vous ne le regretterez pas !
Difficulté : difficile | Distance : 12 km | Dénivelé : 900 m | Durée : 5h35 | Carte : IGN TOP25 1/25000è 3338ET Gap, Montagne de Céüse
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INTRODUCTION : LE PIC DE CRIGNE, UNE VIEILLE HISTOIRE D’OCCASIONS MANQUÉES
Il en aura fallu du temps avant que je décide de cesser de me contenter d’admirer ce Pic de Crigne sans me résoudre à le gravir. Quelques années, à vrai dire, et pas mal d’allers-retours entre Aix et Gap, entre la maison et ces montagnes forcément plus attirantes qui dominent la grande ville des Hautes-Alpes et dont le chant de sirène m’attirait irrésistiblement en me condamnant à ignorer ces reliefs plus mineurs qui semblaient ne pas leur arriver au sommet.
Impossible, pourtant, de manquer ce sommet immédiatement remarquable depuis l’autoroute. Dans le sens nord-sud, elle a même droit à un panneau nominatif la désignant aux conducteurs/trices qui s’interrogeraient sur l’identité de cette montagne aux formes guerrières qui oblitère leur soleil.
J’ai toujours considéré la Crigne comme une sentinelle silencieuse, une sorte d’Argonath gapençais au-delà de laquelle s’ouvrait le royaume des hauts sommets
J’ai toujours eu quelque chose de mieux à faire que de m’arrêter pour grimper voir ce qui se tramait là-haut, derrière le rempart impressionnant de ces falaises. Aujourd’hui je regrette presque ce temps perdu à me dissimuler derrière de mauvaises excuses.
Le Pic de Crigne, en effet, à l’instar d’autres sommets satellisant pas loin de Gap, offre de quoi combler les attentes de randonneurs/ses exigeant(e)s et à la recherche d’itinéraires originaux, panoramiques et savoureusement aventureux. Un profil dans lequel je me reconnais parfaitement. Et vous ?
PREMIÈRE PARTIE : UNE BARRE PEUT EN CACHER UNE AUTRE
Du parking au sommet via la vire diagonale
3 km, 2h, +600m
La vallée de la Durance, entre Gap et Sisteron, c’est le pays de la pomme. Ailleurs c’est la vigne, ici c’est la pomme. Et pas n’importe laquelle : la pomme des Alpes de Haute-Durance, assortie d’une IGP, cultivée sur 19 cantons, dont 13 dans les Hautes-Alpes. Une institution ici.
On en a un premier aperçu en grimpant jusqu’au petit parking aménagé à l’ombre des chênes, au-delà de la propriété de Petite Queylane, au pied du versant sud-est de la Crigne. On en prendra la réelle mesure que plus tard.
Il y a déjà des signes annonciateurs d’envergure dans ce prologue qui ne laisse aucune place à l’échauffement. Côté ambiance, la Crigne, pour le moment, ne déçoit pas.
Pour l’heure l’appel du chemin se fait sentir. En l’occurence celui qui disparaît dans le sous-bois, depuis l’aire de stationnement, avant de rejaillir dans ce décor de far-west fait de marnes grisonnantes servant de socle à la montagne.
Les premiers pas sont minéraux. Réduit ici à une trace de rocailles aux formes cassantes, le sentier ne perd pas de temps et fend une marée de genêts pour s’élever en direction de l’immense barre rocheuse qui ferme le vallon au-dessus de nous. Le torrent de la Pisse y fait le grand saut pour poursuivre sa course échevelée vers la Durance.
Un passage de chèvre plus tard, à l’aplomb des surplombs impressionnants du Rocher de Chantelle, et nous voici passés. La barre est sous nos pieds et c’est un sentier plus posé qui évolue désormais bien au-dessus, dans une sorte de synclinal délimité, à gauche, par le versant nord boisé des falaises de Ventavon et, à droite, par la ligne d’arête ondulante reliant le Pic de Crigne au col des Selles.
Un agréable sous-bois de chênes mène sans effort à la clairière de la cabane de Basse Crigne. À cette époque de l’année (en mars, NdR), le lieu est encore inoccupé. À la belle saison on y trouve des chevaux plutôt que des brebis. Au-delà de ses murs clairs de chaux et de pierre, le versant de végétation pelée supportant les falaises de l’arête occidentale de la Crigne remplit l’espace.
On y aperçoit très nettement le passage en diagonale qui force la main aux parois pour libérer un accès sans (trop d’) escalade à qui vise le sommet. Je prends quelques secondes pour imprimer cette configuration dans ma tête et me permettre, d’ici peu de temps, de garder le cap pour le rejoindre.
Car, aussi étrange cela puisse-t-il paraître, il n’y a aucun sentier officiel pour cette ascension. Le balisage en place l’évite même avec une application insolente. Pour atteindre la Crigne et ses 1263m, il faudra commencer par jouer les débroussailleurs dans une pente de petits gradins envahie de végétation. Un exercice que l’aptitude à deviner la trace à la fois la plus directe et la moins compliquée rendra, selon chacun(e), plus ou moins fastidieux.
On n’y a trouvé aucun cairn jusqu’à dépasser la dernière ligne de genêts et d’approcher la coulée de terrasses conduisant au pied des parois. Peint sur la roche au-dessus d’une flèche, un symbole « attention » noir nous confirme qu’on est au bon endroit.
Le passage de la vire semble prometteur et autrement plus réjouissant que l’épisode d’azimut sanglier rébarbatif laissé derrière nous. Et, à dire vrai, il le sera totalement. Voilà le genre de pas qui justifie le déplacement. Un bref moment de plaisir qui donne l’impression d’avoir craqué le code de la montagne, d’en avoir percé un secret dissimulé au plus grand nombre.
Et puis il y a l’ambiance rocher. Juste ce qu’il faut de (léger) gaz et de (bonnes) prises pour se donner l’illusion de vivre une grande aventure. On y joue les Alex Honnold du bac à sable. On met sur le tapis trois fois rien d’engagement. À peine assez pour s’amuser et maîtriser un risque que le terrain, habile et astucieux, contient pour sa plus grande partie dès le départ.
Il n’y a certes pas d’équipement pour sécuriser le passage mais celui-ci nous inspire confiance et offre une progression cohérente et jamais réellement dangereuse quoique parfois timidement exposée. L’endroit évoque quelque chose des Cantilènes, dans la Sainte-Victoire. Je suis presque déçu quand je constate qu’il tire déjà à sa fin au débouché d’un gros thuya mordant sur le passage.
Il ne reste plus, après ça, qu’à remonter la large et grande rampe desservant la zone du sommet. Rien de très difficile tandis que la brise forcit à l’approche de l’arête. Les falaises, observées de loin puis approchées, sont maintenant à portée de main.
Ce n’est pas sans surprise qu’on réalise que leur ligne rocheuse sommitale est en réalité un fil accidenté et flanqué de à-pics impressionnants qui interdisent toute progression. Du moins sans corde. Ce ne sera visiblement pas par-là qu’il faudra espérer rejoindre les crêtes à l’ouest.
Je reporte la résolution de ce problème à plus tard, le temps d’un aller-retour jusqu’au sommet du Pic de Crigne qu’il est dès lors possible de rejoindre facilement par une esquisse de sentier serpentant au fil d’une ultime bosse d’herbe et de roc.
La pente se couche, l’air frais de l’altitude se précipite à notre rencontre en même temps que les espaces immenses de la Haute-Durance. Depuis les accueillantes terrasses du sommet, nos corps soulagés d’avoir facilement mis derrière eux la plus grosse partie du dénivelé de cette boucle passent le relais à l’émotion de la contemplation. Car, côté panorama, le Pic de Crigne se pose là.
INTERLUDE : PETIT TOUR D’HORIZON DEPUIS LE SOMMET
Les chutes de neige abondantes du mois de mars ont tapissé de blanc le large horizon de sommets déployés au-delà de l’immense couloir de la Haute-Durance. Parmi eux, ceux des Écrins retiennent plus particulièrement l’attention : plus costauds, plus alpins, plus prestigieux.
En particulier le triptyque Ailefroide, Pic Sans Nom et Pelvoux, dont le profil me paraît encore plus impressionnant que d’habitude, juste derrière le Sirac. Dans le prolongement de la Cime du Vallon, en arrière-plan du Vieux Chaillol, l’Olan ne paye pas de mine non plus.
On est surpris de reconnaître depuis ici la Pointe de la Diablée, gravie la saison dernière – voir Pointe de la Diablée : Incursion dans des Écrins Diablement Insolites – qui jouxte la pyramide évasée et caractéristique du Mourre Froid.
Plus à l’est, les barons du Parpaillon et de l’Ubaye prennent le relais de ce concours de biceps : le Pouzenc, par exemple, a d’ici des airs de 3000 retors ; le gang des Séolane jouent, quant à elles, à imiter les Annapurnas, la Petite semblant encore plus féroce que la Grande.
Fermant cet arc de cercle au niveau des Préalpes de Digne, les Monges ne sont pas en reste et rappellent à qui l’aurait oublié qu’elles sont un micro-massif sur lequel on peut compter – voir l’article : Petite Cloche de Barles : une Ascension avec un Bon Son de Cloche
Plus distant, le Queyras peine à participer à cet étalage de testostérone minérale malgré la présence discrète de la Font Sancte et de la Pointe de la Saume.
Le tour d’horizon serait incomplet sans citer, bien évidemment, l’aperçu des montagnes du Dévoluy visible derrière la ceinture de Céüse. Pas de Pic de Bure mais plutôt un trait de flèche sur lequel s’alignent la Tête de Garnesier – voir l’article Garnesier : un Sommet à qui Faire la Tête – puis le Grand Ferrand.
2ÈME PARTIE : BALADE EN CRÊTES ET SORTIE PAR LA PORTE
Du sommet du Pic de Crigne à la Porte
4 km, 1h40, +195m, -330m
Le regard et l’estomac rassasiés par cette profitable pause au sommet, on tourne le dos à la Durance pour se diriger vers la fameuse échine rocheuse impraticable en contrebas. Elle barricade tout le flanc ouest du Pic de Crigne et je compte bien y débusquer la suite de la boucle.
Ce sera chose faite après une première tentative infructueuse, si ce n’est hasardeuse, et quelques hésitations supplémentaires. Le passage existe bel et bien, tracé dans le versant nord, et permet de contourner la difficulté pour rejoindre à nouveau la crête, au soleil, là où elle accepte de redevenir praticable.
On ne tarde pas à y recouper un chemin balisé – en jaune forcément – qui monte depuis Plan de Vitrolles. C’est le coup d’envoi d’un agréable parcours de crête en forme de montagnes russes. Une alternance équilibrée entre forêt de résineux ombragée, brefs segments de corniches rocheuses charmantes et pelouses que le printemps n’a pas encore reverdies.
Le plus insolite restant la sensation de déconnexion et d’isolement procurée par le cheminement et l’environnement alors que l’autoroute est à moins de trois kilomètres ! Jusqu’au col des Selles, c’est une section apaisante mais pas forcément reposante qui est ainsi proposée aux marcheurs.
Malgré l’identité plus forestière du paysage qui pourrait faire croire à une perte sèche d’altitude, on est pourtant maintenant plus haut qu’au sommet du Pic de Crigne précédemment ! Un signe qui ne trompe pas sur le fait que du dénivelé restait à faire et que ce tronçon exigeait donc davantage d’effort que la carte, trop rapidement lue, pourrait le faire croire.
On n’ira pas, aujourd’hui, plus loin que ce carrefour de pistes forestières. Au-delà on se mettrait en route pour la Montagne d’Aujour et les portes du Buëch. À la place je fais la bascule dans la direction du Pas de Roche Courbe.
C’est un objectif lointain et qui le restera : la piste n’est qu’une transition, un emprunt provisoire avant de retrouver le confort apprécié d’un étroit single forestier qui déroule ses agréables petits lacets sous le couvert retrouvé des arbres.
Ici le pas déroule et le rythme s’accélère dans un tamis feutré de lumière. Le type même de sentier joueur avec lequel on noue une complicité aussi éphémère qu’amusée. Plus bas l’écho amplifié d’un cours d’eau semble m’indiquer la proximité d’une gorge ou d’un canyon.
Des murs de roche sombres transpercent alors le rideau des résineux en paraissant vouloir me donner raison. Un dernier coude entre deux troncs et nous déboulons dans le lit de pierres et de galets du torrent de la Combe Richonne, au lieu bien justement nommé la Porte.
3ÈME PARTIE : LES INCROYABLES FALAISES DE VENTAVON
De la Porte à la sortie de la cheminée
1,5 km, 40mn, +105m
La Porte en question est une entaille étroite mais marquée entre deux sections de falaises qui surplombent, au nord-ouest, la vallée du Beynon, entre le col de Faye et Ventavon. Un passage taillé à coups de serpe et l’un des rares à fendre la muraille de roche de ce côté-là du petit groupe auquel appartient le Pic de Crigne.
Le plaisir ne s’arrête pas au franchissement de cette Porte : il faut ensuite continuer dans les pas des grimpeurs en s’appuyant contre le pied des falaises de Ventavon où ont été ouvertes et équipées des dizaines de voies. J’ignorais totalement que l’endroit était un spot d’escalade sportive.
Exposé plein sud, il apparaît comme un choix judicieux pour celles/ceux qui souhaitent s’adonner à ce sport pendant les mois plus frais d’hiver. L’abri est tel que, ce jour-là, la chaleur accumulée fait déjà l’effet d’un four en préchauffage. Au point que des grimpeurs, rencontrés un peu plus loin, nous confient capituler face à cette hausse inattendue de la température.
Nous poursuivons notre chemin, attentifs pour réussir à débusquer l’échappatoire attendu qui nous permettra de repasser de l’autre côté des falaises. « En espérant qu’il existe », me dis-je secrètement. Autrement le demi-tour et/ou la descente par la vallée du Beynon resteraient les seules options pour retourner au point de départ ; avec, à la clé, un bonus d’heures de marche supplémentaires pas forcément motivant…
L’inquiétude n’a cependant pas encore sa place à ce moment-là. L’instant est davantage propice à laisser insuffler le plaisir procuré par ce cheminement inattendu. À l’ombre de ces parois géantes, les couleurs chaudes de la roche appellent déjà le printemps en montagne.
Jamais dangereux, l’itinéraire surprend au contraire par la nature rassurante de son terrain et l’ampleur de son environnement de falaises. Un pur plaisir de randonneur sur fond de ciel d’hiver azur. Je savoure le moment, ne tarissant pas d’éloge sur cette Crigne trop longtemps ignorée dont je découvre enfin les trésors cachés.
La magie s’essouffle finalement au sortir du dernier secteur d’escalade équipé. Au-delà la trace, jusqu’alors bien ouverte, se perd dans les méandres d’une végétation redevenue brouillonne et les falaises, encore récemment lisses et immaculées, s’empilent désormais plus grossièrement.
J’entraîne Raphaèle à ma suite, feignant la confiance pour dissimuler ma crainte d’échouer à trouver une sortie. Il y a bien quelques couloirs mal dégrossis qui apparaissent plus régulièrement et à l’intérieur desquels pourrait se trouver l’échappatoire souhaité…
Cela ne reste cependant qu’une vague hypothèse qui ne résout en rien la question de la prise de risque minimum requise pour escalader – aussi faisable cela semble-t-il être – une série de pas rocheux dont je ne peux que me contenter d’estimer la difficulté.
Et puis après ? Ma vision demeure incomplète. Et si, après ces premiers pas, la cotation montait d’un ou plusieurs crans, interdisant toute suite ? Et si on restait coincé ? Les zones d’ombre restent trop nombreuses. Je m’interdis une prise de décision en aveugle, sur la seule base d’un pari que ça passe.
On poursuit donc plus loin, dans des gradins grossiers où la sente, déjà approximative, semble vouloir définitivement se perdre. J’ai presque abandonné tout espoir quand j’accroche du regard l’un de ces petits triangles de peinture bleus laissés par les grimpeurs pour baliser leurs accès aux voies. La partie n’est pas jouée !
Je pars en éclaireur pour nous épargner de faux espoirs, synonymes de marche arrière possiblement pénible. La piste des triangles se prolonge pourtant à travers ce versant de plus en plus foutraque. Elle semble néanmoins mener dans une impasse, droit contre un pan de rocher au-delà duquel imaginer une suite n’a rien d’excitant.
Je pousse néanmoins jusque là. Pour être sûr. Grand bien m’en a pris : la suite est bel et bien là, invisible plus en aval ! Elle prend la forme d’une courte cheminée bien dissimulée dans un repli de roche – ce qui rend son exposition presque inexistante – et dans le creux de laquelle pend, rassurante, une corde solidement arrimée à une lunule plus haut.
Je pousse un cri de victoire et crie à Raphaèle de me rejoindre : on va non seulement pouvoir sortir mais, avec ça, profiter d’un énième passage haut en couleur et diablement bien sécurisé. Merci les grimpeurs, évidemment à l’origine de ce cadeau !
Raf passe en première, définitivement rassurée. Elle s’aide de la corde et du petit arbre qui s’est ancré à la terre dans cette cheminée. Les prises sont bonnes, le rocher met en confiance. On s’extirpe tous les deux du passage pour surgir dans le bas d’un entonnoir assez large qui s’évase pour remonter ensuite vers la crête.
DERNIÈRE PARTIE : L’ART DU RACCOURCI EN FORÊT
De la sortie de la cheminée au parking
3,5 km, 1h15, -570mm
Quelques cairns s’aperçoivent parmi la rocaille et la végétation pour guider les marcheurs dans la bonne direction. On se laisse aller à naviguer quelques instants sur cette hauteur avant de basculer côté nord et d’y retrouver le visage quelconque d’une des pistes forestières tirées depuis le col des Selles.
Je n’ai guère envie de m’y attarder et, malgré l’absence de chemin, je nous fais disparaître dans les sous-bois pour aller chercher, à vue, le thalweg censé se trouver une soixantaine de mètres plus bas. Le pari s’avère réussi et la forêt, plus clairsemée au niveau du thalweg en question, dévoile un reste de sentier et de balisage qui nous orientent dans la bonne direction.
Un cairn immanquable et une flèche jaune récente restituent sous nos pieds la trace bien dessinée d’un chemin balisé qui, filant à travers des plants denses de genêts et au-dessus du ravin du torrent de la Pisse, nous remet rapidement en vue du paysage familier du début de la randonnée.
Nous revoici au pied du Pic de Crigne, caressé par le soleil de la fin d’après-midi, et de la cabane depuis laquelle avait commencé la partie plus « sauvage » de notre boucle, quelques heures plus tôt. Dans la douceur de la fin de journée, le lieu me souffle des envies de bivouac.
On était bien sur les chemins de la Crigne et c’est avec une pointe de déception que je me résous à les quitter pour retrouver nos traces de l’aller. Déjà le ronronnement de l’autoroute me rappelle que c’est en bas que je vis, parmi mes semblables.
C’est toujours difficile de devoir mettre un terme à une journée comme celle-ci. La Crigne, finalement gravie, s’inscrit déjà parmi mes souvenirs enthousiastes de randonneur. Ceux qui me reviendront à l’esprit désormais chaque fois que je lui jetterai un oeil, depuis la vallée, en cheminant entre Aix et Gap.
PIC DE CRIGNE : GUIDE PRATIQUE
Localisation et accès
Le Pic de Crigne est situé environ 20km au sud-ouest de Gap entre Barcillonette, au nord, et Ventavon, au sud. Il culmine à 1263m d’altitude au-dessus de la vallée de la Durance.
Par la route, en venant du sud, il faudra prendre l’A51 et sortir à Sisteron-nord (sortie 23) pour suivre la direction de Gap par la D4085. Au rond-point, à l’extrémité de la zone commerciale, continuer tout droit direction Gap par la D1085. Atteindre Monêtier-Allemont et, peu après sa sortie, repérer à gauche une route qui rejoint un pont franchissant l’autoroute : la suivre, passer au-dessus du canal de la Durance et poursuivre en face. Monter et dépasser une propriété à droite. Continuer jusqu’à une fourche : monter à gauche et atteindre le petit parking.
Depuis Gap rejoindre le rond-point du péage de La Saulce et prendre la direction Sisteron par la D1085. Peu avant Monêtier-Allemont, prendre à droite la petite route décrite ci-dessus.
Topo et trace GPX
Nouveau ! Pour cet itinéraire, j’ai réalisé une fiche-topo complète de 5 pages qui s’emploie à détailler avec la grande précision possible cette randonnée vers et autour du Pic de Crigne. L’idéal pour celles/ceux qui veulent se lancer dans l’aventure en toute sécurité avec un maximum d’informations. Vous pouvez me demander de vous l’envoyer librement accompagnée de la trace GPX associée en m’écrivant à l’adresse contact_at_carnetsderando.net
Note : la trace GPX annonce 160m de dénivelé de plus par rapport aux informations données ici sur le blog. Je pense que c’est dû au nettoyage des points que j’ai réalisé a posteriori.
Pic de Crigne : Recommandations particulières et difficulté
À toi lecteur/trice qui te demande peut-être si tu as le niveau requis pour pouvoir profiter de ce sympathique itinéraire vers et autour du Pic de Crigne, je vais essayer de répondre à quelques interrogations que la lecture de ce récit pourraient susciter.
Est-ce que l’itinéraire emprunté est facile à trouver ?
Tant qu’il y a un chemin et des balises, la réponse est évidemment oui. Tant qu’il y a, ensuite, des repères précis sur lesquels s’appuyer, la réponse est plutôt « assez, oui ». Quand il n’y a plus rien de tout ça, la réponse devient « oui, à condition d’avoir l’habitude et de disposer de l’oeil suffisant pour lire le terrain et y trouver les indices requis ». Utiliser le pas-à-pas de la fiche-topo et/ou la trace GPX pourra donc passer, selon votre expérience et votre aisance dans cet exercice, de utile à carrément indispensable.
Est-ce que la vire en diagonale dont tu parles est vertigineuse ?
Alors, avant toute chose, je rappelle que le passage n’est absolument pas équipé, ni sécurisé. Un panneau d’avertissement le rappelle d’ailleurs à son entrée. S’il y a eu des cordes un jour, elles n’y sont plus (mars 2024, NdR).
Les premiers mètres passent plutôt bien, sur un rocher adhérent et rassurant, en appui contre la paroi et avec une sensation de « vide » peu marquée, voire absente. La suite se rétrécit un poil sans que l’exposition s’emballe vraiment, bien qu’un tout petit peu plus marquée cependant.
Quelques petits arbres, derrière lesquels on peut passer, viennent parfois protéger la progression. Il y a un court passage, à peu près au milieu du segment, qui nécessite un peu plus d’attention, rompant avec l’aspect « traversée » pour imposer deux-trois pas d’escalade vers le haut. C’est le crux.
Les prises – mains et pieds – sont toutefois bonnes et évidentes. On est dans du II sup, pas davantage. L’exposition est la plus marquée à cet endroit-là, sans toutefois être vertigineuse.
Je déconseille cependant aux personnes n’ayant aucune expérience de ce genre de passage de décider d’y faire leur initiation. Commencez plutôt par des itinéraires disposant d’éléments sécurisés (cordes, chaines) pour vous familiariser avec l’ambiance et apprendre à choisir vos appuis.
Est-ce que la sortie dans les falaises de Ventavon est difficile ?
Ainsi que vous l’avez normalement lu dans le récit où j’ai essayé de faire une description objective de la cheminée, ce passage reste faisable par une grande majorité de personnes. Le plus dur c’est surtout de le trouver – relire la première question relative à la recherche de l’itinéraire.
La configuration du lieu ne le rend pas spécialement exposé. À mes yeux c’est surtout un peu de force qui sera utile pour pousser sur les jambes et tirer sur la corde pour pouvoir franchir le passage (cotation escalade III).
Si vous êtes un tant soit peu dégourdi(e) et que le rocher ne vous fait pas peur, ça ne devrait donc pas poser de problème. Si, malgré ma réponse à la question, vous hésitez encore, faites-vous accompagner par quelqu’un ayant un peu plus l’expérience de ce type de terrain et qui pourra alors vous rassurer et vous guider pour passer cette difficulté.
Est-ce qu’il y a de l’eau ?
Mince c’est en posant cette question au moment où j’écris l’article que je me dis que j’aurais du aller vérifier au niveau de la cabane s’il y avait une source… Bon, quoiqu’il en soit, j’ai croisé deux petits torrents sur l’itinéraire : celui de la Pisse et celui de Combe Richonne.
Le second me paraissait être le plus recommandable pour prendre de l’eau car il coule dans un endroit protégé, peu fréquenté et d’où sont absents les troupeaux, contrairement au premier. À condition d’avoir avec vous une gourde filtrante cependant. Une précaution supplémentaire.
Comme il peut faire assez chaud dans le secteur, je vous recommande de prévoir 2L/personne sur cette boucle pour être tranquille.
Quelle est la meilleure période pour monter au Pic de Crigne ?
On a réalisé cette randonnée en mars. Malgré les grosses chutes de neige de la fin d’hiver, l’ensemble de la Crigne était totalement sec. Il n’est en effet pas du tout recommandé d’effectuer ce parcours si la neige est présente sur l’itinéraire.
Certes, comme la plupart du temps, le printemps sera la période idéale pour récupérer davantage de couleurs, notamment pour les chênes encore un peu tristounets en mars. Et l’automne ne devrait pas être en reste.
Attention cependant à privilégier les jours où le terrain est aussi sec que possible : on évitera les journées venant après de grosses pluies ou orages. Autrement vous risquez de trouver du rocher mouillé et un terrain gras : pas terrible pour passer la vire et basculer en versant nord de la Crigne.
Je proscris totalement l’été pour faire cette randonnée : la chaleur pourra vite devenir accablante dans l’ascension, ainsi que sous les falaises de Ventavon.
Où dormir ?
En farfouillant un peu, j’ai découvert qu’un gîte avait été ouvert à Ventavon, tout près donc du départ de l’itinéraire vers le Pic de Crigne. Si l’accent est mis sur l’accueil équestre et la pension pour chevaux, le Relais ouvre également les portes de ses chalets aux randonneurs comme aux cyclistes ou aux simples touristes. Il faudra apporter votre repas et votre sac de couchage pour profiter du site articulé autour d’un chalet couchage – avec 4 chambres indépendantes de 2/3 personnes – et d’un chalet séjour où faire la cuisine et prendre vos repas. Le tarif donné en 2024 est de 20 euros la nuit. Plus d’infos et réservation : 06 70 52 19 59 ou contact@lerelaisduterrail.com
Bonjour David
Merci pour ce topo !
Pour info , nous avons fait cette rando en partant du Parking site escalade de Ventavon afin de réduire ‘un peu’ le dénivelé et surtout d’attaquer la « cheminée » en début de rando au cas ou…
Trés belle rando variée !! Nous avons été récompensé par la vue de 2 chamois dés la sortie de la courte cheminée, dans le couloir de sortie…
Merci encore pour ces propositions.
@ +
Christophe
Salut Christophe,
Merci pour ton retour ! C’est cool d’avoir des expériences partagées sur des itinéraires issus du blog. Bien vu pour le départ différé depuis le site d’escalade, ça permet de proposer une option de démarrage qui a du sens. J’espère que cela convaincra de futur(e)s marcheur/ses de partir à la découverte de ce spot super chouette (même si là, c’est l’été et les chaleurs qui commencent et c’est pas forcément la meilleure période !). Au plaisir de te lire prochainement !
Amicalement,
David
Bonjour,
Je reviens du pic de Crigne (24/08/24). La vire de la barre rocheuse avant le sommet n’est toujours pas sécurisée alors qu’elle l’était il y a quelques années (anciennes vidéos YouTube). Le ruisseau coule toujours avant la Bergerie (filtre recommandé). Par contre, il y a une ancienne source emménagée à la bergerie qui ne coule plus.
Au niveau de la falaise de Ventavon, le passage pour passer au dessus de la falaise n’est plus assuré par des cordes. J’ai tenté deux ou trois fois d’escalader, mais je me suis ravisé. Sans corde et ne pratiquant pas l’escalade, je n’ai pas voulu tenter le diable même si je voyais que ça pouvait passer quelques mètres plus haut. C’est surtout le départ qui est difficile. ne voulant pas faire demi tour et me taper toute la montée de l’autre coté, je suis descendu par la vallée du Beynon en rallongeant considérablement mon parcours. Le bon coté, j’ai pu manger des pommes ! LOL
A bientôt
Bruno
Salut Bruno,
Merci pour ce retour et ces informations récentes concernant la falaise de Ventavon. Tu confirmes bien qu’il s’agit du même passage que celui que j’évoque dans le reportage du blog ? Celui avec le petit arbre au milieu balisé de pastilles bleues et pas celui dont parle Pascal Sombardier sur son site et qu’on trouve bien avant celui avec le petit arbre ? (le Pas de Sombardier m’avait d’ailleurs fait le même effet que toi et j’avais préféré ne pas m’y engager sans corde) Auquel cas j’en ferai mention dans l’article.
Je viens de revoir mon traçé et effectivement, c’est le passage décrit dans le récit de Pascal Bombardier. Je me suis arrêté là ne voyant plus trop de chemin après.
D’ailleurs, en bas du rocher, quelqu’un a écrit en blanc « poisson d’avril ».
J’aurai du tenter de continuer un peu pour trouver ton passage qui doit être quelques mètres plus loin.
Il va falloir que j’y retourne LOL. J’ai filmé et je dois faire mon montage, je te donnerai le lien pour que tu puisses voir par toi même.
À bientôt
Bruno
« Poisson d’avril » ? Lol, excellent ! Je comprends mieux ton hésitation maintenant. J’ai eu la même en me retrouvant devant l’obstacle. Ce qui me gênait à ce moment-là c’était surtout qu’on avait zéro visibilité sur la suite de l’escalade une fois engagés depuis le départ du passage. Si je me sentais de tenter les premiers pas, je me sentais pas en revanche de les désescalader en cas de blocage au-dessus. Comme nous on se sentait pas de redescendre et de faire le grand tour (on était un peu court en terme d’horaire…) j’ai farfouillé en me disant qu’il y avait forcément autre chose. Alors, oui, c’est un peu plus loin que ce « pas de Sombardier » et c’est pas hyper indiqué. Mais ça passe, et bien, sans le moindre risque. Même si la corde fixe venait à être désinstallée ça passerait quand même. Au plaisir de voir ta vidéo 🙂
Amicalement,
David