Rochevine : rando au pays du Saint-Jo

Ancrées dans une tradition séculaire, les vendanges appartiennent totalement à l’automne et la randonnée s’autorise de plus en plus souvent à franchir les frontières des vignobles pour aller à la rencontre de cet univers passionnant et convivial qu’est le vin. Aussi, lorsqu’il m’a été proposé de venir découvrir le sentier oenologique de Rochevine, je n’ai pas hésité une seconde. Loin des treks sportifs ou des randonnées spectaculaires, cette petite boucle au coeur des cépages ardéchois symbolisait exactement ce visage de la randonnée automnale que j’affectionne, au coeur des terroirs français et à la rencontre des hommes et des activités qui en façonnent l’identité.

Difficulté : facile | Distance : 8 km | Durée : 2h30 | Dénivelé : 255m

sentier oenologique

A l’assaut du sentier oenologique de Rochevine, au moyen d’un circuit découverte de 1,4 km

[dropcap]A[/dropcap]u nord de Valence, le visiteur fait son entrée dans l’Ardèche des vins. Sur les coteaux et collines qui émergent au-dessus de la platitude entourant le lit du Rhône ne s’aperçoivent que des rangées de vignes à la régularité parfaite. Enracinés dans les fissures schisteuses des collines surplombant le Rhône, des milliers de plans de vigne façonnent le paysage de ce territoire viticole situé au nord de l’Ardèche. Des lignes et des courbes, sinuant en vagues parallèles à la surface de reliefs nus, raides et terrassés. Du feuillage aux racines, tout arbre a été banni du paysage pour céder la place à ce qui fait la fierté des habitants du cru : les vins des Côtes-du-Rhône dits septentrionaux et, notamment, le Saint-Joseph. Les vignobles accaparent le terrain sur près de cent mètres de hauteur, s’élevant sur les flancs raides de la colline grâce à un astucieux système de terrasses soutenues par des murets de pierres solides. Un travail titanesque, dicté par la nécessité de coloniser ce terrain de schiste et de gneiss idéal pour le vin. Avec abnégation, ces artisans du vin, loin d’avoir soumis la Nature, ont ici tenté de trouver le point d’équilibre avec elle afin d’en tirer le meilleur. Un bel exemple d’osmose réussie à l’heure du débat sur les activités agricoles industrielles et intensives.

La vigne imprègne le paysage tout entier. Une conquérante de ces reliefs modestes, mais néanmoins abrupts, et dont chaque grain de raison contribue au prestige et au rayonnement du territoire. L’oenologie est une science presque secrète, où la maîtrise doit épouser l’instinct pour parvenir à élever le vin au rang de millésime historique. Travailler dans le vin est un don de soi. Un sacrifice à une passion et un savoir-faire qui font la fierté de tout un territoire.

Le sentier oenologique s’échappe au-dessus d’un théâtre de verdure, à la découverte de l’histoire et de la pratique de cette activité élevée an rang d’art parmi les professions agricoles. Le vent y fait danser le vignoble entier. J’observe la chorégraphie des raisins, regroupés en grappes épaisses derrière d’épaisses feuilles en forme de coeur. Des milliers de petits danseurs qui s’agitent en rang serrés sur cette immense colline qui fait face au Rhône. Par temps clair, on y embrasse un paysage immense se poursuivant, au-delà de la ligne du fleuve et de l’immense couloir ouvrant vers la Bièvre Iséroise, jusqu’aux sommets du Vercors et des Alpes. Plus proches, les reliefs de la Drôme des Collines, convulsent par-delà la petite commune de Saint-Romain-d’Albon. Une dernière sente, tracée clandestinement entre deux rangées de vigne, ramène rapidement au point de départ. Fin de la rando dans la rando. La voie de chemin de terre est retrouvée, interrompue plus loin par un tunnel fermé par une massive porte de bois. Derrière celle-ci, une vaste salle de dégustation et de réception, propriété privée de la cave de Saint-Désirat pour des manifestations et des accueils clients réservés. Les balises la contournent par la droite pour récupérer, plus loin, le tracé momentanément perdu.

Carré_Rochevine

[dropcap]U[/dropcap]n coup d’oeil autour de soi permet de constater, à ce point de l’itinéraire, que le décor immédiat a radicalement changé. Jusqu’à Serrières, plus au nord, la rive droite du Rhône est envahie par des côtes restées vierges de toute exploitation humaine. Au-delà de l’image de fouillis végétal qu’elles renvoient au marcheur, c’est celle d’un paysage tel qu’il était avant l’intervention de l’homme auquel il faut penser. Un pan entier de nature qui se contemple comme une relique. La randonnée de Rochevine permet d’explorer ces deux facettes. Le sentier en lacets caillouteux qui quitte l’ancienne voie ferrée propulse ainsi le marcheur dans la matrice de cette Ardèche originelle. J’apprécie ce moment. Pas uniquement pour le changement de rythme qu’il induit, mais également pour le profil de ce petit chemin s’entortillant sous le couvert des arbres jusqu’à déboucher au grand jour, au milieu des grandes parcelles en jachère d’un lieu qu’on nomme ici les Terres Blanches. On y retrouve plus loin les carrés bien ordonnées des vignes qui prennent l’air de l’altitude, plantées à 360 mètres d’altitude.

Saint-Désirat réapparaît. La vigne souveraine emplit à nouveau l’horizon en me rappelant qu’elle demeure au coeur de cet itinéraire venu lui rendre hommage. Au-delà de ces vignobles rigoureusement soignés et entretenus, c’est le visage originel des coteaux qui se révèle au randonneur, tels qu’ils étaient avant que la viticulture ne vienne les réquisitionner

Il faudra ensuite se diriger vers Brunieux, carrefour de nombreuses voies qui abrite une jolie fontaine restaurée où la pause s’invite d’elle-même dans la randonnée. La marche reprend au-delà des dernières maisons, par un beau chemin de verdure tracé entre deux clôtures qui, à son tour, rejoint le périmètre d’une zone pavillonnaire récente. On bascule rapidement vers le sud sur un sentier constellé de bris de tuiles rougeâtres jusqu’à atteindre une petite plate-forme herbeuse dominant Saint-Désirat. Un Christ suspendu à une croix contemple la vallée du Rhône, à nouveau visible. En-dessous, le sentier dégringole sèchement à travers les vignes retrouvées. Une centaine de mètres plus bas encore, je distingue le tracé de l’ancien chemin de fer que le balisage vient à nouveau croiser, annonçant la fin imminente de la randonnée. Mais, avant de rentrer, il faudra faire une halte à la cave de Saint-Désirat. Impossible de quitter le pays du Saint-Joseph sans ramener avec soi une petite bouteille ! Le souvenir d’une randonnée agréable et facile, riche d’informations, qu’il conviendra de savoir faire vieillir pour en apprécier la juste saveur !

rochevine randonnée

Moment de détente et de dégustation avec les techniciens de la cave de Saint-Désirat

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– INFOS PRATIQUES –

Carte : IGN TOP25 1/25000è 3034O Serrières
Accès : en voiture, en venant du nord rejoindre l’A7 via Lyon ou, en venant du sud (Marseille ou Toulouse), via Orange et prendre la sortie 12 « Chanas, Annonay, Peaugres ». Après le péage, prendre au rond-point la 2ème sortie, direction Annonay. Traverser le Rhône et arriver à Serrières. Au rond-point juste après le pont de Serrières, tourner à gauche, direction Peyraud et Tournon. Rouler environ 7 kilomètres sur la D86. Après Champagne, repérer à droite la petite D291 qui part en direction de Saint-Désirat. Traverser le village et, dans un coude à droite de la route, se stationner face au cimetière, sur la place du Marché. Présence d’un panneau Point Info Rando. En bus : Saint-Désirat est desservi par la ligne de bus 3, en venant de Valence et par la ligne 4, en venant d’Annonay. Horaires disponibles sur le site du réseau Le Sept.
Topo : partir à pied vers le centre du village et le dépasser. Au niveau d’un oratoire (1), tourner à gauche par une petite rue goudronnée. Plus haut, au croisement, tourner d’abord à gauche puis à droite, par une voie goudronnée plus raide. Après une dernière maison, elle se transforme un chemin. Au bout de celui-ci, prendre pied sur l’ancienne voie de chemin de fer (2) qu’on suit ensuite à droite, jusqu’au théâtre de verdure (3). Repérer à l’entrée de celui-ci, à gauche, le sentier oenologique qui s’élève dans le vignoble. Possibilité de réaliser une boucle de 1,4 km avant de revenir ici. Contourner ensuite le tunnel à droite pour retrouver l’ancienne voie ferrée derrière. La suivre jusqu’au poteau « Voie ferrée » (4) et tourner à droite direction « Champagne ». Quelques mètres plus loin, laisser le chemin qui descend à Champagne à droite et continuer par la gauche. On passe au-dessus de l’ancienne voie ferrée et on s’élève par un sentier en lacets au fil du coteau, en traversant la forêt. On atteint des espaces plus ouverts qui traversent tantôt des parcelles envahies de végétation en désordre, tantôt de nouvelles parcelles de vignes. Au poteau « Terres Blanches » (5), tourner à gauche pour rejoindre Brunieux (6). A la sortie du village, virer à droite, derrière la dernière maison. On s’engage, plus loin, sur un petit sentier en légère descente, tracé entre deux clôtures. Il rejoint plus bas une zone résidentielle qu’il contourne à droite pour ensuite filer par un chemin jusqu’à une terrasse herbeuse surmontée d’une croix (7). Passer en dessous de la terrasse et s’engager à gauche, par une descente raide, à travers les vignes. On rejoint ainsi l’ancienne voie ferrée qu’on emprunte à gauche. Au poteau « Rochevine », retrouver l’itinéraire de l’aller qu’on suit en sens inverse jusqu’au parking, à Saint-Désirat. Itinéraire également disponible sous forme de Fiche-Rando dans le Topo-Guide « Annonay-Serrières » : voir plus bas, rubrique Liens Utiles.

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Recommandations spéciales : le sentier oenologique n’est pas toujours d’une extrême fraîcheur au niveau du balisage et des panneaux d’interprétation. Il faudra y aller un peu à l’instinct et avoir visualisé auparavant l’esprit de la boucle pour ne pas s’égarer dans le vignoble ! Au niveau du tunnel, il y a également moyen de quitter l’itinéraire balisé par la droite pour basculer à pied, par une piste assez chaotique, jusqu’à la cave de Saint-Désirat. Enfin, dernière chose, rester vigilant par rapport aux balises une fois l’ascension de la Côte Panel achevée. Arriver à Brunieux par le bon chemin n’est pas aussi évident qu’il y paraît !
Les hébergements : envie de prolonger un peu votre séjour à Saint-Désirat ? Ne serait-ce que pour le coupler à une session dégustation à la cave ou à la visite du Musée de l’Alambic ? Il n’y qu’un seul hôtel possible sur le village : la Désirade, un Logis de France qui propose des chambres doubles à 72 euros ou des formules étapes pour 2 personnes à 172 euros.
Liens utiles : pour découvrir l’AOC Saint-Joseph ou se renseigner pour une dégustation, le site de la Cave de Saint-Désirat est l’incontournable. Pour mieux connaître le territoire, ses activités, son calendrier mais aussi ses autres possibilités d’hébergement, ou encore pour vous procurer le topo-guide des promenades et randonnées dont je vous parlais dans le reportage, une seule adresse : celle du site de l’Office de Tourisme de l’Ardèche Grand Air.
Bibliographie : L’Ardèche… à pied | C’est la 5ème édition du topo-guide officiel édité par la Fédération Française de Randonnée Pédestre. 46 itinéraires de Promenade & Randonnée y sont recensés pour approfondir votre découverte de l’Ardèche, accompagnés de leurs cartes et de leurs explications. 7 itinéraires sont notamment consacrés à l’Ardèche Verte. Prix indicatif : 15,20 € | Ref.D007

EN BREF

Amateurs de randonnées sportives et spectaculaires, passez votre chemin ! Ici on vient musarder à travers la vigne et se frotter au raisin ! Sans précipitation et sans prétention. A la faveur d’une petite boucle facile et modeste qui occupera parfaitement un dimanche après-midi avant une indispensable session dégustation. Une démarche qu’apprécieront autant les randonneurs amateurs de vin que les palais plus fins, à la recherche d’une promenade pour accompagner leur séjour oeno-touristique.

 

by-nc-ndCe reportage Carnets de Rando, sous licence Creative Commons, est la propriété exclusive de Carnets de Rando. Son usage à des fins non commerciales est autorisé à condition de mentionner son appartenance au site www.carnetsderando.net. Pour toute autre utilisation, merci de me contacter.

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