Entaillées par des gorges parfois profondes – notamment celles de Regalon – les Craux du Luberon, intégrées au sein d’une vaste Réserve Biologique, racontent au visiteur l’histoire de l’agropastoralisme dans le massif. La Crau des Mayorques, si elle n’est pas la plus grande, est en tout cas la plus représentative et également la seule traversée par un sentier de randonnée homologué et ouvert au public. Ici volent l’Aigle de Bonelli et le Vautour Percnoptère qu’on apercevra peut-être disparaissant dans le trou d’une falaise du Vallon de la Roque Rousse, l’autre surprise de cette randonnée. Un condensé de Petit Luberon à s’offrir en moins de 9km.
Difficulté : moyen | Distance : 8,9 km | Durée : 2h45 | Dénivelé : +340m
1 – Un Massif qui Sait Montrer les Craus
Des deux Luberon, tenus main dans la main par la Combe de Lourmarin, le Petit a toujours eu ma préférence. Truffé de sentes et de vallons surmontés de falaises, étagé entre iscles de la Durance et crêtes de la Forêt des Cèdres, il accueille quelques-uns de mes itinéraires fétiches : je pense notamment aux Rochers des Baudes, qui en flanquent le versant le plus occidental
Lire sur le blog : Rochers de Baude, Coup de Foudre Instantané au Petit Luberon
Impossible, par ailleurs, de ne pas évoquer non plus les incontournables Gorges de Regalon, définitivement associées à la nostalgie de mes premiers Carnets de Rando, quand on parle du Petit Luberon. Un lieu fragile qu’un récent éboulement, suite à de fortes pluies, a malheureusement contraint à la fermeture par arrêté municipal.

Peut-être est-ce alors l’occasion pour la Crau des Mayorques, ce plateau d’altitude modeste tenant lieu de frontière au versant occidental des Gorges, de voler un peu de la lumière des feux de la rampe que ces stars du Petit Luberon accaparent naturellement.
À l’instar de celle de la Camargue, les Craux du Luberon sont des espaces naturellement aplanis, pareilles à de grandes terrasses que la géologie a négligé de transformer en vallons ou en falaises
Les Craux apparaissent comme des lieux propices au pastoralisme, dont le passage a fini par façonner les sentiers et le paysage au fil du temps. Le nom de celle où je me rends aujourd’hui évoque les Baléares mais c’est pourtant bien l’identité d’une montagne de Provence qui m’attend au-delà du sentier étonnamment alpin qui y conduit.

Ce matin-là je suis venu en voiture depuis l’aval de la Durance, remontant par Pertuis, puis Cadenet, associé au souvenir d’une randonnée printanière passée – voir l’article Luberon : un Voyage au Pays des Châteaux, de Cadenet à Lourmarin – avant de dépasser Mérindol et d’atteindre le tout petit hameau de la Roquette, appuyé à l’abri d’une tenaille boisée qui laisse à peine passer la route.
De ces cascades de pins et de chênes émergent des feuilles de calcaires déchiquetées rappelant les Dentelles de Montmirail. Les ruines d’un château déchu s’y aperçoivent, murmures inaudibles d’une ancienne présence templière ici. L’Ordre n’est plus, remplacé par les Aigles de Bonelli et les Vautours Percnoptères, qu’une Zone de Protection Spéciale permet, aux côtés de trente autres espèces patrimoniales, d’assurer la conservation.

2 – Crau Beau pour Être Vrai
Je progresse en douceur sur un large chemin forestier ouvert parmi les pins d’Alep. Le mur de la Crau émerge au-dessus de leurs frondaisons, annonciateur d’un effort à venir. Rien d’insurmontable cependant, malgré de brefs ressauts plus abrupts. Une ouverture sur un promontoire rocheux à gauche invite à délaisser le sentier le temps d’une pause panoramique.
Une fenêtre ouverte sur les coulées de pins qui dévalent jusqu’à la basse vallée de la Durance, délimitée au loin par la ligne sombre des Alpilles. Il y a plus de 20 millions d’années, au Miocène, la rivière occupait alors tout cet espace pour se précipiter dans la Méditerranée par un delta aujourd’hui disparu, remplacé par l’actuelle plaine de la Crau.

Je reprends l’ascension vers la Crau des Mayorques. Ascension : le mot n’est pas trop fort pour qualifier autrement cette sente rocheuse étroite et soutenue qui s’enroule en lacets brefs dans la section plus ouverte d’un environnement de petites falaises. Je surgis alors, le souffle un peu plus court et les mollets durcis par l’effort, parmi l’espace soudainement libéré de la Crau. Le pin recule, remplacé par les cistes, les genévriers et les buis.
La poursuite d’une activité pastorale en ce lieu, notamment en pâturage extensif, contraint le paysage et s’efforce d’assurer le maintien d’un habitat favorable au développement d’espèces végétales et animales propres à la Crau et, plus généralement, aux milieux ouverts méditerranéens. Malgré ces efforts, le Traquet oreillard et le Bruant Ortolan, deux espèces d’oiseaux encore présentes au début des années 2000, n’ont plus été aperçues depuis quelques années.

Témoin de cette histoire et de cette lutte, la ferme des Mayorques accueille plus loin les randonneurs le temps d’une pause sous son préau abrité. Des générations de paysans ont longtemps trouvé refuge ici, habitant la Crau à l’année pour y cultiver sa terre aride. Le dernier d’entre eux nous a quittés l’an dernier. Il s’appelait Roger Jouve et avait grandi à la ferme des Mayorques.
Les visiteurs ont longtemps eu le loisir de croiser son visage souriant et généreux accompagnant son troupeau de brebis à travers ces prairies garnies de romarin. Roger Jouve incarnait la somme de ces âmes besogneuses et enracinées dans la Nature dont la terre et le mistral gardent le souvenir ému.
Si la ferme est désormais abandonnée, les terres alentours font, elles, l’objet d’une convention de pâturage saisonnier signée avec le Parc Naturel Régional et intégrée à un plan de gestion décennal visant autant à préserver la fonctionnalité des écosystèmes que le bon état du bâti.

3 – Le Vallon de la Roque Rousse
L’itinéraire déroule sa suite au-delà des murs de la ferme, ondulant au gré de vagues plus marquées en direction des falaises du Petit Luberon, qui semblent d’ici bandées comme des muscles. Un étage de transition, rendu aux Pins d’Alep et aux pistes DFCI, qui tient lieu de vestibule avant l’offensive rocheuse qui défend l’accès à la crête sommitale du massif.
Un spectacle visuellement de toute beauté duquel émergent, remarquables, la Tête des Buisses et le Mourre de la Saume. Ici tout se convulse : reliefs, vallons et même sentiers, contraints de suivre l’agitation soudaine du terrain. Celui que je suis préfère tourner le dos à ces sections intimidantes, pour mieux se réfugier dans l’ombre rassurante des sous-bois.

Il se délie ainsi en direction de l’ancienne ferme de Petrossi et de son vénérable tilleul. En contrebas de la Crau des Mayorques, les ruines de cette bastide racontent au promeneur, entre les lignes de restanques abimées et d’un puits asséché, un temps d’autarcie, de vergers, de ruchers et de potagers qui s’est brutalement effondré sur le seuil du 20ème siècle.
Peu après, une citerne enfouie sert de repère pour annoncer la bifurcation vers le Vallon de la Roque Rousse. Après les espaces ouverts et lumineux de la Crau des Mayorques, le Vallon de la Roque Rousse ressemble à s’y méprendre à une descente dans la cave du Petit Luberon.

Moins marqué et moins spectaculaire que les Gorges de Régalon, il offre néanmoins un contraste paysager bienvenu à cette randonnée, doublé d’un voyage agréable et étonnant dans les contorsions géologiques du massif.
Ouvert entre la Crau des Mayorques et la Plaine du Trou du Rat, le Vallon de Roque Rousse se déroule selon un axe nord-sud parallèle à Regalon, deux kilomètres plus à l’est. Cheminer dans ses circonvolutions peu profondes évoquent davantage certaines combes des Monts du Vaucluse – celle de Lioux notamment – que le canyon étroit de son illustre voisin.

Alternance de corridors végétalisés ombreux et de coursives plus hautes qu’encadrent des murs de rocheux, le Vallon de Roque Rousse et ses environs de parois calcaires sert également de lieu de nidification pour les grands rapaces du Luberon. Ils y trouvent le gîte et le couvert à l’étage supérieur, en débouchant sur la Crau des Mayorques.
Ces conditions favorables à ces espèces fragiles ont conduit à la mise en place d’un arrêté préfectoral de protection de biotope en 1990 afin de limiter au maximum les pressions humaines sur le milieu. Une mesure en renfort de la création de la Réserve Biologique du Petit Luberon en 1986 qui a mis sous cloche pas loin de 1800 hectares gérés par l’Office National des Forêts.

Le randonneur est donc invité à évoluer ici comme dans un sanctuaire. Et c’est enveloppé d’un silence respectueux que je jaillis finalement à la lumière du jour, au débouché d’une sorte de clue. Un immense portail de roc relâchant la fourmi que je suis entre les mains de la forêt, au niveau de la Libaude.
Une dernière étroiture entre de grosses paumes rocheuses et c’est le Gour, un espace forestier assagi que parcourent les chemins larges et commodes montant depuis la Roquette. Le décor familier du départ se réinstalle et il ne reste plus alors qu’à marcher dans les pas de l’aller pour regagner ma voiture, laissée sur le parking de la petite chapelle du hameau.

CRAU DES MAYORQUES : GUIDE PRATIQUE
Accès
On vient en voiture dans cette partie du Luberon soit depuis la vallée du Rhône, soit depuis Pertuis. Dans le premier cas, utiliser la sortie 25 « Cavaillon » et suivre la direction « Pertuis » et « Cheval Blanc » par la D973. On peut également, en venant depuis plus au sud, utiliser la sortie 26 « Sénas » direction Aix d’abord, puis au niveau de Mallemort, changer de cap pour passer sur la rive opposée de la Durance en suivant « Pertuis » et « Merindol ». On rejoint ainsi la D973 au niveau d’un rond-point qu’on prend à gauche direction « Cavaillon ». Qu’on vienne alors de Cavaillon ou de Pertuis, quitter la D973 à l’indication « La Roquette » et passer au-dessus du Canal de Carpentras. Continuer tout droit puis se garer à droite sur le parking aménagé sous les arbres en bordure de la petite chapelle de La Roquette.
Mobilité Douce
Un arrêt « La Roquette » est situé sur la D973, juste avant de franchir le canal de Carpentras. Il est desservi par la ligne de bus Zou! 908 qui relie Cavaillon à Cucuron, via Pertuis. Cavaillon et Pertuis disposent chacune d’une gare SNCF. La ligne circule uniquement du lundi au samedi avec 11 allers quotidiens en période scolaire.

Topo et Trace GPX
Le descriptif de cet itinéraire sous forme de fiche rando téléchargeable, ainsi que les traces au format GPX et KML, sont disponibles sur le site de Destination Luberon.
Balisage
Excepté dans le Vallon de la Roque Rousse, cet itinéraire est intégralement balisé en jaune avec des flèches signalétiques aux principaux carrefours. Le balisage est donc globalement excellent et lisible.

Difficulté
Cette boucle est qualifiée de « sportive » par le territoire malgré une longueur inférieure à 10km. Une explication due au fait qu’elle est proposée, dans sa version officielle, dans le sens inverse de celui décrit dans ce reportage. Or le passage dit du « Croupatas » – la « rampe » soutenue que j’évoque dans l’article pour atteindre le plateau de la Crau depuis Barrié – me paraît plus facile à gérer à la montée qu’à la descente. Et je trouve aussi que reléguer le passage du Vallon de la Roque Rousse en fin de randonnée permet de garder le meilleur pour la fin. Dans mon sens, donc, je dégraderai le niveau de difficulté de cette randonnée à « intermédiaire ».
Recommandations particulières
Il faudra prévoir suffisamment d’eau pour randonner sur le Crau des Mayorques car il n’y en a pas sur l’itinéraire. Un minimum d’1,5L par personne est requis, en particulier en été.
Cette boucle est située sur un secteur soumis à la prévention du risque incendie entre le 15 juin et le 15 septembre. Il convient donc de s’informer d’une éventuelle restriction d’accès en consultant la carte actualisée quotidiennement par la Préfecture du Vaucluse.
L’itinéraire traverse des zones sensibles soumises à une règlementation spécifique visant à préserver la tranquillité des rapaces en falaises. Il est essentiel de s’y conforter.

Saisonnalité
Cette randonnée a été effectuée en octobre, pendant la Toussaint. Les journées sont plus fraîches et plus courtes mais peuvent encore être très agréables. Il y a également moins de chances de croiser les troupeaux et les chiens de protection sur la Crau des Mayorques. Malgré la saison, les couleurs varient peu sur les hauteurs, du fait de la présence d’essences à feuillages persistants. L’automne est davantage marqué en plaine et dans la vallée de la Durance.
Le printemps est une saison fabuleuse pour marcher dans le Luberon : la température gagne en douceur et les prairies de la Crau des Mayorques sont inondées des couleurs des cistes, des amandiers et des iris nains des garrigues. L’été, en revanche, peut être très – trop – chaud. Il est alors recommandé de partir plus tôt le matin ou plus tard, après 16h.

Informations Utiles
Pour découvrir plus en profondeur les opportunités offertes par le Petit Luberon, rendez-vous sur le site de Destination Luberon qui vous donnera en même temps des informations élargies sur la zone s’étendant de Cavaillon, à l’ouest, à Gordes, au nord et à Lourmarin, au sud.
Pour davantage d’idées de randonnées dans le Petit Luberon, rendez-vous à la rubrique randonnée du site de l’Office de Tourisme du territoire.
Où dormir ?
Pour celles/ceux qui souhaitent passer la nuit avant ou après la randonnée sur place – ou les deux, soyons fous ! – direction Merindol, à quelques minutes en voiture de La Roquette. Vous y trouverez la Bastide dou Pastre, une chambre d’hôte éco-friendly à l’ambiance bohème et minimaliste tenue par Aurélien et Emma, deux amoureux de la Provence. Aux beaux jours une piscine chauffée est accessible au sein d’un jardin garni d’essences méditerranéennes. 5 chambres disponibles ainsi qu’un restaurant, La Bastide du Grand Tilleul. Chambre double à partir de 95 euros. Infos et réservation : 06 18 70 32 72 ou mail bastidedoupastre@gmail.com








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