L’Encombrette, c’est l’autre voie d’accès à Allos. Moins courue car plus longue et plus sportive, elle n’en offre pas moins un itinéraire d’une exceptionnelle variété pour se rendre au plus célèbre des lacs d’altitude des Alpes du Sud. Une confidentialité apaisante qui réserve en chemin un passage diablement excitant : le Pas de l’Échelle ! En plus de la découverte des lacs et du petit cirque qui lui fait suite, je vous propose de pousser l’exploration jusqu’au sommet de la Grande Tour. Une extension un poil aventureuse qui permet de prendre pied sur un belvédère peu couru ouvrant sur le lac d’Allos et le Mont Pelat. La journée sera longue mais hautement gratifiante. Un must du Haut-Verdon qu’on se le dise !
Difficulté : assez difficile | Distance : 18,5 km | Dénivelé : 1325 mètres | Durée : 7h25
Carte : IGN TOP 25 1/25000è 3540OT Barcelonnette, Pra-Loup, Le Sauze, Allos, PN du Mercantour
INTRODUCTION
Invariablement, le Haut-Verdon me donne, à chacun de mes passages, l’impression d’un retour aux sources. Non que je sois originaire de cette vallée qui sert de liaison entre l’Ubaye et le Mercantour : c’est plutôt Carnets de Rando qui y est né un été 2011. Le Verdon y prend sa source en même temps que cette aventure partagée avec le public depuis maintenant près de dix ans. L’Encombrette a compté parmi les spots parcourus par ces premiers pas. C’était, en effet, l’un des points de passage de la troisième étape du Grand Trek du Verdon que j’avais alors imaginé, entre le Lac d’Allos et Colmars-les-Alpes. J’y suis de retour neuf ans plus tard, en sens inverse, avec en tête de faire découvrir ce lieu enchanteur à Raphaèle tout en nous offrant un petit bonus peu répété par les marcheur/ses : le sommet de la Grande Tour (ci-dessous). Un objectif enthousiasmant et rempli de la promesse de vues inédites sur le lac d’Allos et le Mont Pelat.
ACCÈS À LA RANDONNÉE
À moins de venir depuis l’Ubaye et le col d’Allos, il faut prendre le Verdon à contre-courant pour atteindre notre point de départ, peu après Colmars-les-Alpes. Et à moins, encore, d’habiter les Alpes-Maritimes, la plupart, comme moi, arriveront donc depuis Saint-André-les-Alpes. Le plus direct – pas forcément le plus court kilométriquement – étant de rejoindre Saint-André-les-Alpes depuis Digne-les-Bains par la N202 (1h15). Digne, elle, s’atteint en effet bien depuis l’A51 entre Aix et Gap.
Mais, mine de rien, ça fait un peu de route depuis la Provence. Colmars-les-Alpes n’est pas vraiment la porte à côté quand on habite Aix (2h15 de route). Mais Colmars n’est pas non plus le point de départ de la randonnée, même s’il en est proche. Non, pour viser l’Encombrette, il faut encore le dépasser pour s’échapper de la vallée par la petite route en lacets s’achevant à l’entrée du tout petit hameau de Clignon-haut. Un bout du monde posé aux pieds du Mercantour nord, où l’ancien laissé à l’abandon côtoie la rénovation soignée.
CLIGNON : DERNIÈRE FRONTIÈRE
De Clignon à l’intersection des Costes : 0,9km – 70m – 20mn
Façades de pierres bigarrées et jointées à la chaux, toits de tôles tirant parfois sur le rouillé, étages et huisseries en panneaux de bois foncés par l’âge : Clignon sera le premier et dernier lien avec la civilisation de la journée. La vie s’y barricade derrière des volets souvent fermés ou s’y trahit par quelques coups de marteaux donnés sur un chantier abrité. Clignon se traverse rapidement et laisse très vite la place à un petit couloir végétal taillé entre deux parcelles destinées au futur fourrage, fenêtres encore bien fleuries ouvrant sur le versant nord-est largement forestier de la Montagne de Noncière. Un départ bucolique qui mène, en moins d’un kilomètre, à la flèche signalétique des Costes (1).
UN DÉPART TOUT EN DOUCEUR
Des Costes à Lamberet : 2,65km – 255m – 50mn
C’est le coup d’envoi de l’effort d’ascension. Encore modéré. Le paysage se transforme déjà, laissant derrière lui l’habitat maîtrisé des hommes pour l’émancipation plus sauvage de l’étage montagnard. Direction la Portette et sa belle ligne tracée à flanc de paroi rocheuse, toute proportion gardée cependant. Ce n’est pas non plus le Chemin de la Mature mais ça annonce déjà du beau ! Plus en avant le sentier replonge dans des clairières fleuries de renoncules pour finalement être avalé par le mélezin, l’essence de lumière des Alpes du Sud.
Lamberet est un endroit paisible, un paradis fleuri de la pâture, déposé sous la protection du sommet des Graus, que fend en deux le ravin des Combes.
Nouvelle trouée à flanc de roche, arrondissant une bonne cinquantaine de mètres au-dessus du torrent de Rio dont l’écho des cavalcades parvient jusqu’au sentier. Un puits de soleil nous cueille à la sortie d’un repli du terrain : voici venir les grandes prairies de Lamberet (2), lieu d’estive à l’herbe généreuse et aux couleurs du printemps, bordé par le Rio serpentant à l’ombre des mélèzes. Loin encore, au-delà d’une ligne de résineux et très au-dessus d’un haut mur rocheux, le Pas de l’Encombrette – donné à 2h à partir de là – s’imagine dans le prolongement de la crête descendant depuis le sommet en forme de pyramide de la Petite Tour, très facilement identifiable.
LE PAS DE L’ÉCHELLE
De Lamberet au Pas de l’Échelle : 2,5 km – 375m – 1h10
Le sentier joue avec les méandres du torrent, quittant peu à peu les mélèzes pour gagner en altitude et s’enfoncer vers le fond du vallon. C’est au moment où on parierait sur l’impasse qu’il s’éclipse en lacets plus serrés et disposés sur un versant nu. Le décor se fait plus minéral, dominé par des plis verticaux aux allures de crocs et des ravins stratifiées brillant d’une lueur orangée. La montagne fait obstacle au sentier qui doit encore improviser des épingles pour se hisser au-dessus de ces murs infranchissables. L’ambiance gagne ici en intensité. La randonnée passe au cran supérieur alors qu’approche le passage clé de ce segment balisé jusqu’au col de l’Encombrette : le Pas de l’Échelle (3).
Le Pas de l’Échelle c’est la première très bonne surprise de cet itinéraire. Un passage à la serpe dans un repli minéral qu’on aurait juré infranchissable de loin
Vu d’en-dessous, pas facile de prédire par où le sentier va se frayer un passage dans ce qui apparaît n’être qu’une muraille rocheuse sans faille. C’est en s’élevant patiemment qu’on commence à distinguer une ligne, encore discrète, qui s’aventure le long de la paroi pour dépasser ce qui paraissait encore indépassable quelques minutes plus tôt. Le Pas de l’Échelle, passé son prologue sinueux, est un bel encorbellement à flanc qui permet le franchissement d’un verrou rocheux massif libérant la voie vers le Cirque de l’Encombrette. Un moment très attendu de l’itinéraire dont le cheminement et le décor ne risquent pas de décevoir quiconque !
À propos du Pas de l’Échelle : le Pas de l’Échelle est bien tracé, pas ultra large mais propre. Il côtoie néanmoins ce que d’aucun appelle du « vide ». Il n’y a cependant pas de piège sur le sentier qui pourrait faire craindre un faux pas. Le risque d’accident y est donc assez limité mais il pourra impressionner certain(e)s d’entre vous néanmoins. Prudence requise avec les plus jeunes enfants en revanche qu’on ne devra pas laisser sans surveillance sur ce passage. Inutile de dire que l’endroit sera à éviter en cas de mauvais temps ou de neige.
LE CIRQUE DE L’ENCOMBRETTE
Du Pas de l’Échelle au Col de l’Encombrette : 2km – 335m – 55mn
Autant vous dire qu’on aurait aimé avoir plus de temps pour profiter de cette partie de l’Encombrette. Pour dire la vérité, ni Raphaèle ni moi ne nous attendions à ce que l’endroit soit aussi beau. Bien dissimulé derrière ses murs de roche, ce petit cirque se dévoile au dernier moment. Un havre de paix qui invite à la pause. Ou mieux encore au bivouac. La présence d’une petite cabane ouverte aux visiteurs n’y est pas étrangère. Et puis il y a ce lac, pas exceptionnellement grand mais suffisamment intimiste pour séduire et inciter au tête-à-tête avec celle de l’Encombrette qui se pare à sa surface comme dans un miroir de poche.
Quelle forte impression ce rez-de-chaussée de la planète Encombrette nous a fait lors de notre passage. Des mois plus tard, Raphaèle et moi en parlons encore avec nostalgie.
Les dernières traces de l’hiver fondent lentement sur de longues coulées grises dévalant depuis les sommets. Le vert printanier a réinvesti le paysage avec, dans ses valises, une indicible joie et une sérénité enthousiasmante. On aurait juste envie de rester planté là, d’oublier le lendemain et ses obligations, de se fondre dans ce décor pour y savourer les lumières changeantes de chaque heure écoulée. Après le Pas de l’Échelle, c’est le deuxième temps fort de la journée. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises !
C’est au nord de ce vaste espace ouvert que ça se passe maintenant. Moins de 200 mètres de dénivelé nous séparent du col et le cheminement se poursuit dans un versant de barres rocheuses délitées et de versants herbeux où il n’est pas rare de croiser des bouquetins comme ce vieux mâle solitaire qui perdait des lambeaux entiers de sa toison d’hiver et qu’on a sorti de sa sieste au beau milieu du chemin. La placidité de ce bestiaux me surprendra toujours en comparaison de l’hyper-réactivité du chamois ! On laisse l’animal dans son salon de pierres brisées et on finit la partie balisée de cette patiente ascension en surgissant enfin, à un peu moins de midi, au col de l’Encombrette (4).
>> jonction avec l’itinéraire du GR® de Pays Tour du Haut Verdon : voir l’article Grand Trek du Verdon, 1ère partie
Le col de l’Encombrette donne le coup d’envoi de la partie non balisée de l’itinéraire. Préparez-vous ici à sortir des sentiers battus du coin !
De l’autre côté, c’est un terrain connu : celui du lac d’Allos, le plus célèbre des lacs des Alpes-de-Haute-Provence avec ses 400 à 600 visiteurs/jour en pleine saison. Une usine à gaz. Mais tellement belle en marge de cette contamination au tourisme de masse. Une vraie porte d’entrée pour les néophytes ès-montagne. À toute saison, le lac d’Allos porte la certitude d’offrir au public le souvenir indélébile d’une rencontre marquante. Là n’est toutefois pas notre route. Il est temps de tourner nos regards et nos pas vers cette ligne de crête s’ouvrant plein est en direction du sommet de la Petite Tour. Un nouveau chapitre placé sous le signe d’une excitante chevauchée sauvage.
LE CHEMIN DES TOURS
Du col de l’Encombrette au sommet de la Grande Tour : 1,25km – 290m – 1h10
Une trace plutôt bien marquée servira d’approche vers cette construction rocheuse au socle massif et bien dessiné dont on ne gagnera pas tout à fait le sommet (5). Le véritable objectif ne sera visible qu’une fois la Petite Tour dépassée. Invisible jusqu’alors, le vaste entonnoir dégringolant sous la face sud de la Grande Tour se révèle finalement une fois sa petite sœur dépassée. Une succession de grandes pentes assez raides, s’intercalant entre des séries de courtes barres rocheuses, sur lesquelles le vent souffle l’ombre des nuages. Un toboggan géant dont il ne faudra fréquenter que la partie supérieure pour trouver le passage libérant l’accès au sommet.
La variété des paysages traversés depuis le départ nous étonne, continuant de faire marquer des points à cette randonnée qui dépasse les attentes qu’on avait initialement placées en elle.
Pour passer sur ce versant, il faut déjà basculer de la Petite Tour vers la base de sa sœur aînée. Rien d’insurmontable toutefois. Un agréable terrain à chamois dans le décor assez incroyable de ces tours aux étagements bien marqués et délavés de noirs sombres. Quelques petites barres sans difficulté doivent être franchies avant de poser pied sur la ligne permettant la jonction entre les deux Tours. L’ascension reprend pour venir nous appuyer contre la première ligne de barre rocheuse coiffant la base du sommet. Pas de chemin mais un axe dégagé et clair pour éviter les écarts de conduite et partir dans de bonnes conditions à la recherche du couloir autorisant l’accès à l’étage sommital. L’entreprise la plus délicate de la journée.
LE COULOIR DE LA GRANDE TOUR : LE PASSAGE CLÉ
Il n’y a pas de repère bien clair pour signaler le couloir qui va se chercher assez loin (cf. image ci-dessus). Pas mal de patience et un sens nécessaire de l’observation permettra de l’identifier et de conclure que c’est par là que ça se passe et pas ailleurs. Le passage reste raide mais clairement plus adapté à une progression que nulle part ailleurs auparavant. On y met les mains, on y crache peut-être un peu ses poumons selon son état de fatigue, mais ça passe ! À la sortie, plus rien au-dessus de nos têtes. Rien qu’un horizon révélé et infini de sommets se déployant dans toutes les directions. Le sommet de la Grande Tour est atteint ! (6)
La Grande Tour est un trône sur lequel vient se poser le randonneur conquérant et les dents encore serrées par son dernier effort. Magistrale récompense offrant un point de vue inédit sur Allos et ses environs immédiats.
Des panaches nuageux en provenance du nord nous privent d’une chaleur espérée mais renforcent la nature sauvage du lieu. Résistant à l’ombre qui s’est abattue sur le sommet du Mont Pelat, fraîchement ré-enneigé, le lac d’Allos luit d’un éclat platine parfait. Une pointe de bleu dans un écrin de verdure encore timide à cette époque. Partout ailleurs le minéral s’impose, souvent encore retenu sous des filaments de neige. Les Tours du Lac, quant à elles, se poursuivent au-delà de la Grande vers le Sabot, puis la Tour Noire (ou Tour Carrée) et, enfin, la Tour Orientale (ou Tour Plate). Un parcours autrement plus engagé et technique dont j’ignore la faisabilité et que nous n’avons pas le temps de tenter de défricher aujourd’hui.
Note de Sécurité : cet itinéraire reste réservé à des randonneur/ses aguerri(e)s à la progression hors-sentier en terrain rocheux et accidenté. Une bonne lecture de paysage permet un cheminement facilité et sécurisé par les passages les plus faciles. Le repérage et le franchissement du couloir est le « crux » de ce parcours. C’est un endroit raide – pas loin des 45° – qu’il faudra aussi être apte à descendre. Les personnes peu familières de ce type d’itinéraire pourront se contenter de l’ascension de la Petite Tour.
LA DESCENTE
Temps de descente à prévoir : environ 3h
Pour le retour, rien de neuf sous le soleil car on a suivi le même itinéraire. À cela près que j’ai tenté de passer plus bas sous la Petite Tour histoire de pas avoir à remonter là-haut. L’expérience s’est révélée peu probante. Non que ça ne passe pas mais ça ne fait pas gagner franchement plus de temps puisque ça oblige malgré tout à finalement remonter – assez sèchement même – pour rattraper le pied de l’arête ouest du petit sommet.
Même si ça glisse un peu, il doit y avoir moyen, depuis la jonction entre Petite et Grande Tour, de dévaler vers le fond pour atterrir directement dans le cirque de l’Encombrette et, ainsi, revenir par les lacs et la cabane. La descente avait l’air un peu raidasse mais pas infaisable. Ensuite pas d’autre alternative pour revenir à son point de départ que de rentrer par l’itinéraire de montée. Pas de quoi se plaindre, dans l’autre sens c’est toujours aussi sympa !
LA CARTE & LE TRACÉ DE L’ITINÉRAIRE
Les chiffres font référence à la légende ci-dessous et sont également indiqués dans le texte de l’article.
(1) Intersection des Costes
(2) Lamberet
(3) Pas de l’Échelle
(4) Col de l’Encombrette
(5) Petite Tour
(6) Grande Tour
GRANDE TOUR & CHEMIN DE L’ENCOMBRETTE : L’ESSENTIEL
Gros, gros coup de cœur pour cette randonnée sur laquelle j’avais placé de forts espoirs à partir de la seule carto. La réalité vaut bien mieux que la spéculation. C’est un vrai et beau parcours de montagne qui transite par des étages différents aptes à renouveler l’intérêt paysager de l’itinéraire régulièrement. Le Pas de l’Échelle et le cheminement jusqu’à la Grande Tour assurent le côté rocher et aventure de l’ensemble. Les moins téméraires pourront se contenter du col – voire de la Petite Tour – et surtout profiter pleinement des lacs et de la cabane de l’Encombrette. J’ajoute un panorama éblouissant qu’on ne voit pas franchement souvent sur le lac d’Allos et la face sud du Mont Pelat. Le cocktail est magique et fait même oublier que ce parcours n’est même pas une boucle. Un must du Haut-Verdon !
Note : les informations données dans ce topo engagent uniquement la responsabilité de l’utilisateur/rice sur le terrain qui saura les adapter à son niveau et à son expérience. Carnets de Rando ne saurait être tenu responsable de tout accident survenant suite à un mauvais usage de ce topo ou à une mauvaise appréciation du niveau du/de la pratiquant(e) par rapport à celui requis. Je ne suis par ailleurs pas en possession de la trace GPX de cet itinéraire : merci de ne pas me la demander !
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