Univers de bocage, de forêts et de vallées secrètes, le Pays d’Ouche s’étend autour de Conches. C’est ici, que des pèlerins se sont aussi lancés jadis dans l’aventure de Compostelle. Au départ de ce village qui justifie à lui tout seul une visite, Carnets de Rando est parti à la découverte de cette nouvelle facette paysagère de l’Eure et de la Normandie. Un territoire dont la nature généreuse a permis aux hommes de s’implanter et de développer un grand nombre d’activités. Avec ce nouvel épisode, je vous invite à une randonnée dans l’Eure d’hier et d’aujourd’hui.
La pluie. Je l’entends tomber sur la route avant même d’avoir ouvert les volets de ma chambre ce matin-là. Pour un gars du sud comme moi, on imagine tout de suite que c’est le quotidien de la Normandie, que ces deux précédents jours ensoleillés tenaient en fait du miracle. Mais c’est faux.
L’idée reçue qu’il pleut tout le temps en Normandie tient du mythe, de la plus stricte affabulation. Un fantasme de méridional sans aucun fondement.
La pluie normande est différente. Plus légère, passagère. Elle transite, incertaine, en averses – nourries parfois, timide d’autres -avant de laisser sa place au soleil. La pluie est une invitée qui n’inonde pas mais qui fait fait verdir. Elle ne dure jamais longtemps. Enfin sauf aujourd’hui peut-être…
J’ai rejoint Conches-en-Ouche, l’une des villes majeures du Pays d’Ouche, un territoire à cheval sur une partie de l’Orne et de l’Eure. Discrète, Conches revendique pourtant fièrement son identité normande avec un patrimoine intra-muros étonnant. C’est ici que l’art de la verrerie s’est surpassé comme en témoignent un musée dédiée à cette spécialité locale ainsi que les incroyables vitraux de l’église Sainte-Foy. Rien d’étonnant à ce que Conches soit la patrie de deux maîtres verriers historiques : le fameux François Décorchemont mais aussi Antoine Leperlier, spécialiste des pâtes de verre, un procédé innovant et unique qu’il réalise toujours aujourd’hui dans son atelier.
Surprenant village que Conches-en-Ouche qui déploie autant de secrets à partager à la surface du sol qu’en-dessous !
Sous le village, invisible, un dédale de souterrains et de galeries s’étend dans toutes les directions. Ce réseau de tunnels ancestraux n’est pas accessible au public mais un projet de réhabilitation de certains secteurs devraient prochainement permettre aux curieux de l’emprunter. J’ai eu la chance de pouvoir m’y aventurer le temps d’une brève escapade. Autant le dire : je sors frustré de ne pas pouvoir les explorer davantage ! A la lueur d’un éclairage orangée, j’ai eu la sensation de plonger dans un monde de secrets dissimulés dans l’obscurité. L’appel du labyrinthe s’y est fait insistant et l’opportunité de m’abriter quelques instants de la pluie appréciable !
Je prends la direction du parc de l’arboretum. A son entrée, une colossale bâtisse traditionnelle accueille le musée du Pays de Conches. J’y fais un saut dans le passé, à la découverte du quotidien et des savoir-faire d’hier.
Je passe en revue avec admiration et respect ces reliques d’une époque où la notion de loisir n’avait pas la même valeur qu’aujourd’hui.
Une succession de salles richement pourvues d’outils et d’accessoires du siècle passé me font m’extasier sur l’ingéniosité et le courage de nos aïeux. La force et l’adresse seules des hommes et des bêtes étaient en mesure d’actionner et de manipuler chacune de ces pièces. La productivité était indissociablement liée au labeur de chacun.
Le parc de l’arboretum est désert lorsque je le traverse. Un lieu bucolique et agréable, entretenu à la perfection, au milieu duquel s’enjambe le Rouloir par de charmants petits ponts. A son extrémité, les pommiers en fleurs attendent leur heure de gloire. A l’automne prochain, près de 30 000 visiteurs viendront fêter la pomme sur la pelouse de l’arboretum. C’est l’un des temps forts de la vie de Conches. Pour l’heure c’est le calme plat et la pluie battante : le seul à croiser ma route sera un écureuil roux qui partira s’abriter rapidement dans les branchages !
Je me faufile comme un voleur par de petits sentiers qui contournent astucieusement les quartiers résidentiels, enveloppé sous le couvert protecteur des feuillages
Je viens subitement buter sur l’interdiction d’accès à la passerelle enjambant la D840. Problématique. Le détour par la route apparaît inévitable pour rejoindre le Pré Bourbeux de l’autre côté. Dans ce joli espace forestier, le quadrillage des sentiers est inversement proportionnel à la régularité du balisage et je finis par me retrouver dans la mauvaise direction. Les couleurs se multiplient mais l’absence de poteaux directionnels me précipite beaucoup trop à l’ouest ! L’azimut sanglier se profile ! Je repars à l’instinct sur des traces non balisées afin de corriger mon erreur.
La pluie a transformé mon maigre extrait de carte en un papier fragile et délavé. Parvenu à l’orée du bois, je réussis à reprendre des repères pour constater que je me suis beaucoup trop éloigné du tracé initial de cette randonnée. Je n’ai pas d’autre choix que d’utiliser le réseau routier pour récupérer celui-ci plusieurs kilomètres plus loin, au niveau du hameau de Croisille. Un bel endroit où les habitations rivalisent de beauté au concours de la plus belle maison normande. A la sortie, une massive grange dimière rappelle ce passé lointain où les seigneurs collectaient l’impôt pour le compte de l’Eglise. A la charge des paysans de porter 1/10ème de leur récolte au point de collecte.
Je retrouve le Rouloir au niveau de Basse Croisille. Je vais désormais suivre cette vallée jusqu’à Conches. La grisaille capricieuse du temps n’enlève rien au charme de l’endroit ni à la luxuriance de la végétation. L’itinéraire est ponctué d’anciens moulins évoquant l’histoire de la tannerie.
Le vert explose dans le paysage, insensible à l’absence de lumière de ce jour.
Aujourd’hui les voix de ces industries oubliées se sont éteintes et le Rouloir déploie ses méandres sans accueillir aucune autre activité que celles des randonneurs le long de ses rives accueillantes. Au-delà du centre équestre de l’Aunay, la forêt m’enveloppe à nouveau. Une belle ambiance avant de retrouver le goudron d’une petite route annonçant la proximité de Conches.
Avant de rentrer, je fais une halte chez Marianne Guais, dont les jardins et la belle demeure cotoient le Rouloir. Marianne a une spécialité : elle cuisine son jardin ! Un jardin éclatant et parfaitement entretenu au sein duquel s’épanouissent des plantes usuelles comme un peu plus sauvages. Une halte gourmande que pourront bientôt faire les randonneurs pour découvrir avec elle le monde incroyable des plantes et comment le transformer en recettes originales. Marianne me fait goûter quelques-unes de ses délicieuses préparations. De quoi me redonner des forces pour une ultime et raide montée jusqu’aux remparts de Conches. La pluie, elle, continue de tomber !
INFOS PRATIQUES
Difficulté : difficile | Longueur : 14 km | Durée : 3h30 | Dénivelé : 150m
Carte : IGN 1/25000 TOP25 1913E Conches-en-Ouche
Accès : en voiture, depuis Paris, suivre l’A13 (accès par la Porte de Saint-Cloud) et prendre la sortie 15 en direction d’Evreux via la N13. Suivre ensuite la direction de Caen en contournant Evreux. Après le rond-point desservant le centre commercial Cora, serrer à gauche pour suivre la D830 jusqu’à Conches. Depuis Rouen, rejoindre Evreux par la N154. Dans Conches, se stationner au niveau de la Maison du Tourisme, place Aristide Briand.
Topo : le descriptif de cette randonnée, ainsi que sa fiche en téléchargement gratuit sont disponibles sur le site des balades et randonnées dans l’Eure : voir le site web.
Notes : l’entrée des souterrains n’est pas accessible au public. Pour plus d’infos sur ce sujet, se renseigner auprès de la Maison du Tourisme (cf. plus bas « Liens Utiles »). Au moment de mon passage, la passerelle au-dessus de la départementale 840 était fermée pour travaux. Dans l’attente de sa réouverture, il est recommandé de poursuivre « à vue » jusqu’au rond-point et de ne pas essayer de traverser l’axe routier très fréquenté avant celui-ci. Dans le secteur du Pré Bourbeux, bien rester vigilant pour ne pas rater l’embranchement à droite ramenant vers la Suisse Conchoise ! La grange dimière est située dans le domaine de monsieur Spillebout : veillez à respecter la propriété privée !
Où dormir : j’ai dormi à la Grand’Mare lors de ma venue, un établissement très sympa, où on mange particulièrement bien et idéalement placé dans le centre de Conches. Chambre à partir de 57 euros, menus de 22 à 42 euros.
Liens utiles : vous pouvez consulter le site de la mairie de Conches-en-Ouche ou écrire à la Maison du Tourisme, située juste à côté. Pour contacter monsieur Spillebout et, pourquoi pas, déjeuner à sa ferme, rendez-vous sur le site de la Ferme du Bourg. Pour en savoir plus sur l’association et les ateliers cuisine de Marianne Guais, rendez-vous sur le site de Je Cuisine mon Jardin. Pour en savoir plus sur les possibilités de randonnées dans le département de l’Eure, rendez-vous sur le site du Comité Départemental du Tourisme.
Bibliographie : L’Eure… à pied | C’est la 4ème édition du topo-guide officiel édité par la Fédération Française de Randonnée Pédestre. 41 itinéraires de Promenade & Randonnée y sont recensés, dont plusieurs en Pays d’Ouche, pour approfondir votre découverte de l’Eure, accompagnés de leurs cartes et de leurs explications. Prix indicatif : 14,50 € | Ref.D027
EN BREF
Qu’on se le dise : la pluie ne gache rien à une découverte du Pays d’Ouche ! La journée aurait même tendance à se faire dense au regard des nombreux sites que Conches offre à la visite. La découverte ensuite de la vallée du Rouloir offre un agréable bain de nature, au fil d’un cours d’eau accueillant et préservé. Si vous gardez un oeil ouvert sur le balisage, cette longue randonnée vous gratifiera de belles surprises !
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