La Sente aux Moines : comment j’ai plongé dans Brotonne

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Brotonne. L’une des forêts les plus emblématiques de Seine-Maritime, lovée contre l’avant-dernier méandre de la Seine. Un terreau fertile de légendes, chargé d’Histoire et indissociablement lié à  l’Abbaye de Jumièges qui la contemple, de l’autre côté du fleuve. Parmi elles, celle de la Sente aux Moines, évocatrice d’un passé médiéval dont le temps qui passe et la frénésie du monde moderne ne parvient pas à effacer le souvenir. Un itinéraire de randonnée lui rend honneur et en profite, au passage, pour plonger dans l’intimité de la forêt, à la découverte de quelques arbres remarquables qui en font la gloire. En bonus, une échappée en bac sur la Seine et la visite, riche en émotions, de la plus belle ruine de France. Ascètes de la marche du 21ème siècle et amoureux/ses des promenades en forêt, ce reportage est pour vous !

Difficulté : assez difficile | Distance : 19 km| Dénivelé : 170 m| Durée : 4h45 | Carte : IGN TOP 25 1/25000è 1911OT Brotonne

De la Seine, j’ai en mémoire les boucles langoureuses qui baignent le pied des falaises crayeuses de l’Eure et, plus particulièrement, aux Andelys. C’est un fleuve majeur de notre belle France, que je connais finalement bien peu. J’en ai, certes, vu les premiers émois en Côte-d’Or, à Châtillon-sur-Seine, et contemplé également l’assurance tranquille en plein Paris. Au final juste une poignée de kilomètres sur les presque huit cent qu’elle totalise.

Randonner au fil de la Seine. Une aventure en soi pour découvrir des territoires méconnus. Je mesure l’étendue de mon ignorance à son sujet alors que je boucle mes affaires pour la Seine-Maritime

Qu’advient-il d’elle au-delà de Giverny et jusqu’au Havre, où elle rejoint la Manche, je n’en savais rien. Aussi, l’occasion d’ajouter une pièce en Seine-Maritime à ce puzzle incomplet m’a-t-elle réjoui. Et d’autant plus lorsque l’itinéraire visé, baptisé la Sente aux Moines, s’enorgueillit de compter parmi les plus belles randonnées de la Vallée de la Seine. Le ton était donné.

J’ai donné rendez-vous à Clément et Hortense au bac d’Heurteauville. Dans le secteur, figurez-vous qu’il n’y a ni pont, ni route pour traverser la Seine. Près de 65 kilomètres de fleuve sans le moindre équipement routier s’écoulent entre Rouen et le Pont de Brotonne, en aval de Caudebec-en-Caux. Pour passer d’une rive à l’autre, piétons et automobilistes empruntent de petits ferrys. Un moyen insolite et très local qui n’est pas dénué de charme. On l’emploiera d’ailleurs en fin d’après-midi pour rallier Jumièges, ses commerces et hébergements et, évidemment, sa superbe abbaye dont la visite, après la randonnée, ne saurait être évitée.

Première surprise : la traversée en bac de la Seine pour rejoindre le départ de la randonnée. Ce n’est pas tous les jours qu’on vit ça !

On fait connaissance avec le mobilier signalétique du territoire : des bornes en bois larges et aisément identifiables, coiffées d’un chapeau vert, qui reprennent le nom de la randonnée, son numéro, sa durée, sa longueur, sa couleur et son tracé. La chasse aux ronds roses est ouverte ! Leur piste nous fait rapidement quitter les quelques maisons regroupées en bord de Seine et autour du quai pour pénétrer un couloir végétal qui nous conduit, par un raidillon vite expédié,  aux portes de la forêt.

Sente aux Moines

Sur un replat, un large panneau d’information dédié à la Sente aux Moines invite à la lecture et à reprendre son souffle. Petit flashback : nous sommes en 1202 et Robert, deuxième du nom, ignore qu’il va bientôt perdre son comté de Meulan – actuellement dans les Yvelines – pour avoir pris le parti du Roi d’Angleterre. Deux ans avant l’évanouissement de ce petit comté de 200 ans d’âge, Robert II de Meulan cède donc, en grand prince, tous ses biens à l’Abbaye de Jumièges. Pourquoi Jumièges vous demanderez-vous  ? Car Robert possédait le Manoir du Torp, en cœur de forêt de Brotonne et avait une petite idée en tête. Il pose une exigence pour sceller cette donation : que deux moines s’établissent de façon permanente dans la chapelle du Torp afin de prier pour lui et sa famille.

800 ans : c’est l’âge de cette Sente aux Moines qui a vu des générations de moines et de fidèles s’y succéder pour honorer le vœu d’un comte.

Le geste en dit long sur l’état d’esprit de l’époque. Le désir de miséricorde et le devoir d’être dans les bonnes grâces du Seigneur prévalent sur la charité. Et, au final, voilà toujours un bien qui ne tombera pas dans l’escarcelle de Philippe Auguste plus tard ! Savant calcul ! Afin de respecter le vœu de Robert, les moines se relaient ainsi chaque semaine entre Jumièges et Le Torp et développent le site. Une voie de communication finit ainsi par être créée, par commodité, pour faciliter cette relève hebdomadaire : la Sente aux Moines était née.  La pratique va perdurer jusqu’en 1727, soit près d’un demi-siècle plus tard. Un beau témoignage d’abnégation. La lassitude des fidèles – et des curés – à traverser la Seine pour assister aux offices aura mis un terme au contrat de Robert, depuis longtemps mort et enterré.

Sente aux Moines

Sur une distance d’environ 2 kilomètres, la Sente aux Moines tire une droite approximative depuis le flanc oriental de Brotonne jusqu’à une large fenêtre ouverte dans la forêt. En chemin, elle est brutalement coupée en deux par la bruyante départementale 913, route à la circulation dense qu’il faudra traverser avec mille précautions avant de laisser à l’opacité forestière le soin de la faire s’évanouir : la brutale irruption de la civilisation moderne dans notre pèlerinage médiéval et végétal.

C’est à nous, randonneur/ses,  qu’il revient de perpétrer aujourd’hui la mémoire de ce chemin séculaire desservant le manoir et le prieuré du Torp

Emmanuel Chanclou, agent forestier à l’Office National des Forêts, a rejoint notre trio pour lui apporter l’éclairage nécessaire à la compréhension et à la lecture de cet univers particulier. Emmanuel, c’est quasiment un enfant de la forêt. Brotonne c’est un peu sa maison. À son sujet, il est intarissable et, dans sa voix, l’accent de la passion se mêle au flot d’un savoir infini.

Au son de son récit, je plonge autant dans les profondeurs du temps que dans celles de la forêt. L’histoire du Prieuré du Torp, notre prochaine étape, est aussi dense que la futaie qui nous entoure. À l’image de la forêt, elle est enracinée dans une longue histoire démarrée au 9ème siècle quand les pirates normands écumaient encore la Seine. Torp est d’ailleurs une importation nordique, des siècles avant Ikea ; une adaptation du danois torpum, qui signifie ferme. Depuis, le site a vu passer les moines, a connu l’abandon, la Révolution et son bois a été vendu, coupé puis replanté.

Derrière le masque de quiétude aujourd’hui tombé sur le Torp, on a du mal à imaginer les origines et le passé tumultueux de ce lieu chargé de croyances et jadis foisonnant d’activité

Il faudra attendre le 19ème siècle et la curiosité des archéologues pour exhumer un passé où les faits historiques s’entrelacent aux légendes. Il y est question de pierre druidique, de souterrain secrets, de trésor caché et d’apparitions spectrales. De quoi nourrir l’imaginaire collectif jusqu’à l’année 1975 et la proposition de classement du site par la Commission des Antiquités. Trois ans plus tard, le site est restauré, vendu aux biens nationaux, transformé en propriété privée et est aujourd’hui assimilé à des fermes plus récentes dans le silence de vastes prairies agricoles. La magie et le folklore s’y sont désormais tus.

Il faut ensuite revenir sur nos pas pour pénétrer à nouveau sous le couvert des arbres et y suivre la route forestière de la Falque du Torps en direction du sud. J’interroge Emmanuel sur Brotonne car j’ai besoin de m’en faire une idée plus précise. « La superficie totale de la forêt approche les 7200 hectares« , nous dit notre guide qui ajoute, face à notre expression insatisfaite : « ça représente environ 70000 terrains de foot !« . Rien que ça ! Plus habitué aux forêts et aux essences de Provence et de montagne, j’essaie de recenser les espèces majoritaires : des chênes sessiles, bien sûr, aux proportions plus impressionnantes que par chez moi, mais aussi des pins sylvestres et, à ma grande surprise, des hêtres !

La forêt de Brotonne est reconnue pour sa production de bois de qualité. Sa gestion, réalisée dans le respect de la protection des milieux et des paysages, est assurée par des agents comme Emmanuel.

« Brotonne participe de façon importante à l’alimentation de la filière bois en Haute-Normandie« , continue Emmanuel. « Sa gestion équilibrée et respectueuse est une part importante de notre métier. Identifier les arbres à fort potentiel, favoriser leur croissance, savoir où et quand couper, renouveler sciemment les peuplements, protéger la biodiveristé tout en restant à l’écoute des besoins de la filière bois sont autant de facettes de l’action de l’ONF et de ses agents à Brotonne. » Ne confondez donc surtout pas Emmanuel avec un garde forestier ! Ça n’a rien à voir et ça pourrait même le contrarier férocement !

Peu avant le croisement avec la Route au Chien, les balises nous envoient à gauche, en direction de la Route de Hauville. Comme toute forêt digne de ce nom, Brotonne est un labyrinthe. Un entrelacs de sentes et de longs chemins aux noms évocateurs : Route du Gros Houx, de la Mare aux Bœufs, Route au Faon… Propriété des ducs de Normandie jusqu’au 12ème siècle, la forêt de Brotonne devient propriété royale lorsque la Normandie est rattachée à la France. Elle acquiert le titre de « bien national » à la Révolution. Elle est aujourd’hui domaniale et gérée par l’ONF.

De Brotonne j’apprécie le potentiel immersif qui sait éviter les allées interminables et fait profiter de ses sous-bois au marcheur.

L’une de ses richesses, en strict terme de randonnée, c’est qu’elle évite aussi souvent que possible les longues allées rectilignes caractéristiques de la marche en forêt. Les balises empruntent fréquemment des sentiers taillés au format du marcheur, en sous-bois et immersifs. Un atout véritable pour celles et ceux que l’infinie rectitude des couloirs forestiers décourage à juste titre. Ces voies existent, bien sûr,  à Brotonne mais le parcours de la Sente aux Moines s’emploie à les éviter la plupart du temps.

Sente aux Moines

On quitte l’Allée au Chevreuil pour une traverse anonyme qui nous rapproche du secteur des Arbres Remarquables. Le premier à se présenter, un peu à l’écart du sentier et indiqué par une signalétique spécifique, est le Hêtre Voûte. Une insolite formation végétale à deux troncs et en forme d’arche sous laquelle il est aisément facile de passer. Une mise en bouche avant d’arriver, un peu plus loin, à la véritable star de Brotonne : le fameux Chêne Cuve. Classé parmi les Arbres Remarquables de France, ce respectable chêne de près de 350 ans lançait, à l’origine, cinq énormes troncs soudés en un seul vers la lumière du ciel.

On vient aussi à Brotonne pour ses arbres remarquables. Sur le parcours de la Sente aux Moines, deux sont au programme et, parmi eux, le Chêne Cuve, roi incontesté de la forêt.

Mutilé en 1826 – probablement sur la base d’une animosité entre braconniers et gardes forestiers – il ne lui en reste aujourd’hui plus que quatre. Mais cependant quel spécimen encore ! Quant à la cuve en question, elle fait référence à la base creuse de son tronc qui recueillait l’eau que les légendes humaines ont, forcément, qualifiée de miraculeuse. Elle a depuis été bouchée pour empêcher le chêne de pourrir et le site a été très agréablement aménagé pour mettre en valeur cet honorable et historique spécimen.

Sente aux Moines

Sur le chemin qui nous mène vers la sortie de la forêt, je reconnais, dans le chatoiement lumineux qui disperse les ombres des sous-bois, les balises rouges et blanches du GR®23 qui, communes avec la Sente aux Moines, nous accompagneront désormais jusqu’au bac. De La Bouille à Tancarville, ce GR® de 74 kilomètres longe la vallée de la Seine en traversant, notamment, la Forêt de Brotonne. 

L’itinérance en Seine-Maritime ne se limite pas au GR®21, quand bien même celui-ci occupe le devant de la vitrine depuis son élection au titre de GR® Préféré des Randonneurs en 2020 !

Un bruit de klaxon me tire de ma rêverie forestière : la départementale 913 est proche, qu’il va falloir prudemment traverser à nouveau. À l’issue, le balisage nous entraîne vers un espace dégagé où une généreuse trouée dans les arbres nous gratifie d’un panorama inattendu et assez exceptionnel sur la Seine et Jumièges. Nous voici parvenus à l’aire de La Mailleraye-sur-Seine.

Sente aux Moines

La Seine y occupe forcément tout le devant de… la scène ! Elle déroule sous nos yeux son avant-dernier méandre avant d’amorcer son long contournement de Brotonne par le nord qui la mènera ensuite jusqu’à son embouchure, au Havre. Une péniche y progresse au ralenti, cernée d’un côté par la pente boisée des Côtes, sous Brotonne, et de l’autre par le patchwork de prairies agricoles entourant Jumièges. Frappée par un rayon de soleil, l’Abbaye révèle son prestige au-dessus de la ligne des toits de la commune.

La Mailleraye-sur-Seine offre un paysage de carte postale où se révèle l’identité du Parc Naturel Régional des Boucles de la Seine Normande dont Brotonne est partie intégrante.

Plus au sud, l’éclat de la surface de l’étang de Jumièges fait de l’œil au regard du visiteur. Un contraste marqué où l’horizon se libère enfin après avoir été longtemps retenu captif par la forêt. Une table d’orientation vient répondre aux questions que peut se poser le promeneur sur le paysage. Ce jour-là, notre contemplation s’accompagne de la musique d’Ennio Morricone dont on a appris la regrettable disparition. La symphonie du maestro se marie à la perfection à l’émotion du moment.

Le GR® nous fait ensuite dégringoler de près de 120 mètres jusqu’à la Seine. On embarque à bord du bac, petite embarcation rouge et blanche pouvant emporter 4 à 5 véhicules au maximum. La traversée est rapide. Après tout il n’y que 200 mètres d’une rive à l’autre. Mais elle offre une parenthèse insolite dans la randonnée. Arrimé au bastingage, on se laisse fouetter doucement le visage par l’air normand en regardant s’éloigner Brotonne et ses secrets. Un instant fugace mais enivrant, qui révèle le plaisir du déplacement à pied. Bye bye la Sente aux Moines.

Passage du bac. Un moment bref qui me laisse de bien meilleurs souvenirs que celui du lycée, 25 ans plus tôt !

On débarque sur la rive opposée, laissant notre petit bac poursuivre sa navette incessante. Il faudra, pour notre part, nous acquitter encore d’un kilomètre et demi de marche pour atteindre Jumièges et l’entrée de l’abbaye. J’y entre avec curiosité. J’en ressortirai plus tard sincèrement ému. Jumièges est à part de tout ce que j’ai pu découvrir par le passé. Le site est en effet… en ruine ! En ruine, oui, mais, comme il se murmure ici, la plus belle ruine de France !

De l’abbaye d’origine, plus ancien et plus important des centres bénédictins de Normandie fondé en 654 par Saint Philibert, il ne demeure plus aujourd’hui que les tours et murs extérieurs. Une gloire démembrée pierre par pierre par la Révolution mais qui conserve cependant une âme et un prestige auquel les romantiques du siècle passé ont été hautement sensibles. Alors ne nous méprenons pas sur ce que sont les romantiques : moi j’imaginais des amoureux un peu fleur bleue cultivant leur amour dans les souvenirs éteints de ces hauts piliers majestueux. Je n’y étais pas du tout !

Jumièges, c’est le nec plus ultra du romantisme. Version siècle dernier. Les romantiques d’hier pourraient être un peu les gothiques d’aujourd’hui. Une forme de sublimation dans le dépouillement que le site excelle à dégager. Majeur.

Le romantisme en question lorgne plutôt vers la dépression et les turpitudes de l’âme. La gloire déchue de l’endroit, qui nimbe chaque façade, chaque colonne, chaque vitrail disparu, a transcendé ces esthètes qui ont fait des déceptions de l’existence une source d’inspiration pour leurs œuvres. Ce qu’on venait chercher ici, c’était la beauté dans l’amertume, l’exaltation dans la tristesse. Et quand on navigue par soi-même dans ce squelette encore lumineux, on ressent à son tour ce sentiment confus, à la fois poignant et merveilleux.

brotonne

On ne peut demeurer insensible en levant la tête vers le sommet de ces tours au blanc lumineux de près de 50 mètres de haut. On y imagine Guillaume le Conquérant inaugurant le site – reconstruit après les raids vikings des siècles précédents – en 1067 ou encore Agnès Sorel, la première maîtresse royale de l’Histoire de France, retrouvant son roi-amant Charles VII. Puis le déclin, passée la Révolution, et la transformation en carrière de pierre jusqu’en 1824.

Jumièges est le décor d’un film démarré en des époques reculées et y dérouler la bobine de l’Histoire vous aidera à mieux vous imprégner de la magie du lieu.

Il faut prendre le temps d’imaginer ces événements et ces personnages qui nous ont précédés, pris dans les fils de leurs vies et nourrissant les lieux de leurs souvenirs des centaines d’années avant nous. Restaurer intégralement le site serait synonyme de lui ôter ce passé et cette âme. Il a donc été décidé de le laisser en l’état afin d’en conserver la profonde et unique identité.  Je le quitte impressionné par la performance architecturale autant que par son atmosphère, vivante derrière ces ruines. Dans  notre dos, le soleil bascule au-delà de Brotonne, baissant le rideau sur cette longue et dense journée de randonnée sur la Sente aux Moines.

VENIR EN SEINE-MARITIME

Quand, comme moi, vous habitez la Provence, la Normandie ça fait loin. On n’y vient forcément pas pour la journée . Il faut prévoir un séjour plus long, histoire d’amortir la longueur du trajet. Mais celui-ci ne devrait pas décourager les sudistes d’oser l’aventure. Le point de passage obligé sera Rouen, à 2h de Paris mais à près de 9h de Marseille ! Moi  je suis venu en train, en transitant par Paris et j’ai loué une voiture sur place. La solution la plus confort à mes yeux et plutôt étonnamment économique.

ACCÈS À JUMIÈGES

Même s’il est possible d’accéder à Brotonne et à la Sente aux Moines depuis le sud ou depuis Tancarville, je vous recommande un départ depuis Jumièges, agréable village adossé contre la Seine et confortablement pourvu en hébergements et en commerces. Vous serez ainsi à pied-d’oeuvre pour visiter l’abbaye et pourrez également profiter du plaisir d’emprunter le bac, à l’aller et au retour.

Pour venir à Jumièges, il faudra, depuis Rouen, suivre d’abord la direction générale du Havre et de Dieppe. Juste avant l’entrée de l’autoroute, il faudra toutefois s’échapper à droite, par le D982, direction Duclair, Canteleu-centre et Maromme. Continuer jusqu’à Duclair et, environ 4 km après la sortie du village, quitter la D982 en tournant à gauche, par la D143, direction Jumièges. Dans Jumièges, longer l’enceinte de l’abbaye et se stationner sur un parking, à droite, là où la direction d’Heurteauville par voie marine est indiquée.

SPÉCIAL MOBILITÉ DOUCE

Pour celles et ceux qui veulent privilégier la mobilité douce, une solution existe. Ce n’est pas la plus simple mais elle a le mérite d’exister, à condition de s’adapter aux horaires. La première étape c’est d’attraper la ligne de bus 30 qui fait Rouen-Gare Routière à Caudebec-en-Caux et de descendre à Yainville-centre. De là, deux possibilités : soit vous avez réservé un transport à la demande Fil’Or (sur réservation) soit vous enchaînez avec le bus 206 – qui est un scolaire à la base – qui quitte Yainville du lundi au vendredi à 16h20 et 17h20. Il faudra alors descendre à l’arrêt Guillaume Le Conquérant, à Jumièges, qui est le plus proche de l’abbaye.

Sente aux Moines

LA SENTE AUX MOINES : LE TOPO

Généralement, je rédige moi-même le topo lorsqu’il n’existe pas. Ce qui n’est pas le cas ici. La fiche-topo de la Sente aux Moines, éditée grâce à la collaboration de tout un tas de gens admirables, se trouve très facilement auprès de l’Office de Tourisme Caux Vallée de Seine, mais aussi sur le web, en PDF. Je vous mets copie du lien d’ailleurs ici. Vous y retrouverez la carto, l’itinéraire pas-à-pas et des informations contextuelles sur trois des lieux visités.

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Vous avez remarqué ? J’ai qualifié cette randonnée sur la Sente aux Moines d’assez difficile dans le chapeau de l’article. Cela pourra en surprendre certain(e)s d’entre vous, habitué(e)s à la montagne et qui doivent se demander comment diantre une marche en forêt peut être qualifiée de « difficile » ?! Voici quelques éléments de réponses pour contextualiser ce choix.

– D’abord je me suis calé sur le degré de difficulté indiqué sur la fiche topo qui lui est de 3/3, donc le maximum de cette collection normande. Question d’harmonisation.

– Ensuite je précise que l’échelle de difficulté se rapporte au territoire concerné et non à la France entière. Il faut comparer ce qui est comparable. L’un des critères de difficulté dans des régions où le dénivelé est peu marqué est donc la distance. Avec pas loin de 20 kilomètres au compteur, cet itinéraire compte donc parmi les « très longs » proposés par le département.

Ensuite j’ai tendance à dire « méfiez-vous de l’eau qui dort » ! L’habitude de la montagne a tendance à nous faire arriver dans des régions comme la Normandie en terrain un peu conquis. Erreur grossière ! Marcher à plat et en forêt peu se révéler extrêmement usant en fin de journée. Vous pourriez être surpris de sentir la fatigue là où vous ne l’attendiez pas. Comme partout ailleurs, restez humble !

Deux autres précautions à prendre avant de vous lancer tête baissée dans Brotonne :

– En plein été, méfiez-vous du soleil. Vous avez peut-être l’image de la Normandie sous la pluie mais c’est un cliché. Le soleil brille également généreusement et, en plein été, il peut même faire très chaud, notamment sous la végétation. On ne le sent pas vraiment venir mais le coup de soleil, le coup de chaud ou, pire encore, l’insolation peuvent vous attendre au détour d’un chêne. N’oubliez donc ni le chapeau, ni la crème solaire !

– Et puisqu’on en est à parler de protection, n’oubliez pas non plus dans votre sac la pince à tique. On est en forêt et c’est le pays des tiques, c’est ainsi. On prend donc ses précautions en la matière : on évite les jambes nues, si possible (pas comme moi donc), on prévoit un spray répulsif (toujours pas comme moi) et on s’inspecte minutieusement dès la fin de la rando pour se débarrasser des éventuelles intruses qui seraient passées entre les mailles du filet. Ici elles sont assez petites donc soyez vigilant(e)s pour ne pas en manquer une. Pour ma part, faute de précautions et parce que, vous le savez, je marche en sandales, j’en ai récupéré 7 en fin de journée… Prenez donc l’avertissement au sérieux.

Sente aux Moines

QUELQUES LIENS UTILES

Ce court article ne saurait faire honneur à l’immense réservoir d’anecdotes historiques liées à Jumièges, à Brotonne et à leurs environs. En quelques mots, j’ai tenté d’esquisser quelques images dans l’esprit du lecteur. Ce sera toujours insuffisant. Si cette introduction vous a rendu plus curieux/ses encore sur ce petit bout de Seine-Maritime et que vous êtes un(e) féru(e) d’Histoire, je vous invite à visiter ce site consacré à Jumièges qui m’a énormément servi pour construire ce reportage, en complément de la randonnée effectuée sur place. Merci à Laurent Quevilly pour ses recherches et ses comptes-rendus si riches qui ont su ressusciter le passé oublié et passionnant des lieux.

Si, également, cette proposition d’itinéraire en Pays de Caux en appelle d’autres et que vous avez besoin d’inspiration, voici le lien vers la base de données des randonnées en Seine-Maritime avec pas moins de 204 suggestions à travers le département. Ça laisse de quoi voir, non ?

Si une visite à l’Abbaye de Jumièges peut s’improviser sur place, elle peut aussi être préparée à l’avance. Je vous joins donc le lien vers le site officiel de l’Abbaye qui, au-delà de la présentation du monument, explore les possibilités de visites guidées, évoque les expositions et les ateliers qui s’y déroulent et propose une découverte en 3D de l’endroit virtuellement reconstitué. [Au moment de la rédaction de cet article, l’Abbaye est fermée au public pour les raisons sanitaires liées au Covid-19, snif]

Sente aux Moines

LA SENTE AUX MOINES : AVIS PERSO

La Sente aux Moines marquait le début de notre séjour en Seine-Maritime. Autant dire que j’y ai débarqué avec un insatiable appétit de découverte et d’envie de marcher. En dix ans de blog, et quand bien même la montagne demeure incontestablement mon terrain de jeu favori, j’ai appris à développer une enthousiasmante curiosité envers l’ensemble des territoires français. Chaque occasion de connaître un peu mieux mon propre pays, sa nature, ses gens, son patrimoine, me motive au plus haut point. Cartographier la France sous l’angle de la randonnée m’offre cette fabuleuse opportunité. Voici donc mes temps forts/faibles sur cette randonnée.

Une forêt taillée pour le randonneur

Brotonne était, à mes yeux, un élément-clé de la connaissance à avoir de la Seine-Maritime. La boucle de la Sente aux Moines, en soi, n’est qu’un tout petit extrait de cette immense forêt. Mais elle m’en a donné les bases et m’en a dévoilé la nature. J’aborde toujours un reportage en forêt avec une pointe de réticence car je crains – j’en ai parlé dans l’article – les allées forestières interminables. De ce côté-là, Brotonne est une bonne surprise. En tant que marcheur, j’ai envie que les sentiers s’adaptent à ma hauteur et non l’inverse. Et c’est très souvent le cas. Quitte à être à pied, autant plonger au cœur du site, là où ni véhicule ou cheval ne pourrait aller. En forêt, la notion d’immersion m’importe énormément. Et, pour ça, la forêt de Brotonne a largement marqué des points.

Marcher seul, c’est bien. Marcher accompagné, c’est mieux.

Alors on a eu aussi la chance d’avoir Emmanuel avec nous. Il était nos yeux et nos oreilles pour nous donner les clés de Brotonne. Cela m’a inspiré la conclusion qu’une randonnée en forêt sans connaissance du milieu, sans explication, sans aide à la lecture et à la captation des repères n’est, au final, qu’une agréable promenade en aveugle sous les arbres. J’ai demandé à Emmanuel s’il encadrait des sorties ou si l’ONF en proposait. La réponse est malheureusement négative. En revanche, il arrive à l’Office de Tourisme de Caux Vallée de Seine de le faire. N’hésitez pas à bénéficier d’un encadrement sur ce genre de sortie : cela ouvre réellement une autre dimension de perception du territoire. La forêt a ses secrets que seul les spécialistes savent percer !

Sentes aux Moines

Des spots à fort potentiel… et d’autres un peu moins

En ces temps de reconnexion à la Nature, la forêt a les faveurs du public. Elle reste un milieu apaisant. Et si vous êtes sensible aux énergies, celles de la forêt de Brotonne devraient vous faire de l’effet. Je ne suis pas un fan des câlins aux arbres mais j’apprécie de simplement y apposer une ou deux mains, de fermer les yeux et d’établir une connexion humble avec le vivant. Le Chêne Cuve aura ainsi été un partenaire de choix. L’aménagement du lieu et l’arbre en lui-même dégagent quelque chose de fort. Davantage que le Prieuré du Torp, par exemple, dont la privatisation a, à mon sens, rompu le lien émotionnel possible avec le visiteur. Une petite déception, au regard de l’incroyable histoire du lieu. Bon point, en revanche, au belvédère sur la Seine qui permet d’embrasser d’un seul coup d’œil le pays de Jumièges. Un temps fort de cet itinéraire pour céder à une pause contemplative.

Ne surtout pas passer à côté de la visite de l’Abbaye

Temps fort aussi sur le bac qui traverse la Seine. Un vrai kif ! Et le final à l’Abbaye de Jumièges qui m’a définitivement fait forte impression. Comment pareil dénuement peut encore dégager autant de force est assez dingue. Et définitivement inattendu. L’aménagement, l’harmonie et la propreté du lieu n’y sont sans doute pas étrangers. Tous ces éléments mis bout à bout pour dire que l’appréciation de cet itinéraire ne peut se borner à une attitude passive consistant simplement à marcher. Il faut s’impliquer et considérer la Sente aux Moines comme l’épicentre d’une histoire globale dont chaque page se lit avec curiosité. Superposer le passé au présent, affûter son regard, se mettre à l’écoute de la forêt ou encore prendre le temps sont autant de facteurs qui contribueront à la réussite pleine et entière de votre randonnée à Brotonne.

HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

Camping La Forêt

Sur les recommandations de Seine-Maritime Attractivité, l’équipe a dormi à ce camping situé à Jumièges, à quelques minutes à pied du centre et de l’abbaye. On y a testé les derniers aménagements prévus pour les randonneurs : mobil-home confortables pour les uns, tentes Canada Trek pour les autres. Selon votre budget et/ou votre profil (baroudeur ou tout confort), l’une ou l’autre option est parfaitement adaptée. Le camping est du genre familial et on sent la présence des habitués quand on y débarque ! Le bâtiment d’accueil fait également dépôt de pain et on peut y commander du petit snack à emporter (hors période Covid…) ou des viennoiseries. L’accueil normand y est chaleureux et convivial. C’était parfait pour démarrer notre séjour !

Nota : et si vous voulez manger sur Jumièges – le jour où les restos pourront rouvrir et on leur souhaite de tout notre coeur – on vous recommande les burgers de la Taverne des Moines, face à l’Abbaye. On y a pris notre premier dîner, en mode affamés, et c’était grave bon !

AUTRES ITINÉRAIRES DANS LES ENVIRONS DE JUMIÈGES

Les Terres de l’Abbaye
De Yainville à Jumièges
La Forêt de Jumièges

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6 Comments

  1. Yves VINCENT Répondre

    Bonjour,

    Félicitation pour votre reportage. Cette randonnée existe depuis 1989, grâce à notre association Association des Baronnies de Jumièges et Duclair. Voici le dépliant que nous tenons à la disposition des randonneurs : La Sente aux Moines (dépliant)

    Emmanuel Chanclou est en effet un partenaire indispensable, il fait entretenir ce chemin et sait le valoriser (vous pouvez en témoigner)
    Ce dépliant est disponible en mairie , à l’office de tourisme, en ligne sur notre site http://www.baronniesjumieges.org
    Nous avons créé les panneaux que vous avez pu découvrir et guidé les randonneurs dans la découverte du patrimoine.
    Pour l’association le secrétaire Yves VINCENT
    Cordialement

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Bonjour Yves,

      Merci pour votre message et bravo pour ce beau travail réalisé sur la Sente aux Moines. J’ai passé un excellent moment de reportage en compagnie d’Emmanuel. Merci également pour le lien qui intéressera sans aucun doute les lecteurs/trices du blog qui souhaitent en savoir davantage. Au plaisir de revenir dans votre belle forêt.

      Cordialement,

      David Genestal

  2. Yves VINCENT Répondre

    (A ne pas publier)
    Merci
    Je me permets de vous demander si vous avez la main, sinon je peux réécrire le commentaire, de corriger le « nous avons crééS » par  » nous avons créé » et donnant donnant je vous signale que la Seine se jette au Havre dans la Manche et pas dans l’Océan Atlantique.
    D’autre part les liens ne fonctionnent pas, je vous les redonne
    https://mail.google.com/mail/u/0?ui=2&ik=8878d063e0&attid=0.1&permmsgid=msg-a:r4045948758992273627&th=1774e4b0f02756d1&view=att&disp=safe&realattid=16c289a08f64b17f6671
    https://mail.google.com/mail/u/0?ui=2&ik=8878d063e0&attid=0.2&permmsgid=msg-a:r4045948758992273627&th=1774e4b0f02756d1&view=att&disp=safe&realattid=16c289a08f7b8339ab52
    Merci

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Bonsoir Yves,

      Merci d’avoir repéré cette coquille énorme concernant l’embouchure de la Seine ! Je l’ai corrigée de ce pas ! De même que la petite faute d’orthographe dans le commentaire, ainsi que la redirection des liens qui fonctionnent normalement. Bonne soirée et bon week-end à vous. Cordialement !

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