Chartreuse d’Hiver : Deux pas d’Aventure au Sommet de la Grande Sure

La Grande Sure, c’est cette immense sentinelle qui veille sur l’entrée de la Chartreuse, face aux Chambarans, à la vallée de l’Isère et à la plaine du Lyonnais. Elle toise le Vercors, juste de l’autre côté de la rivière. On ne voit qu’elle en arrivant à Grenoble par l’autoroute de Valence. Plusieurs routes existent pour en gagner le sommet et ce n’est pas la plus facile que j’ai choisie de vous présenter dans ce nouvel épisode. Fidèle à mon goût pour les passages aventureux, j’ai imaginé cette boucle hivernale sportive empruntant deux « pas » superbes de cette partie du massif.

Difficulté : difficile | Longueur : 16 km | Durée : 8h | Dénivelé : 1500m

Aller se frotter à la Grande Sure en hiver, de surcroît en démarrant des hauteurs du col de la Placette, est synonyme d’une journée dense, sportive et, selon les conditions, technique, voire engagée. Heureusement – ou malheureusement pour certains – l’hiver 2017 ne brille pas par sa férocité. A vrai dire, le mois de février ressemble plutôt à un mois d’avril. La neige a reculé en montagne jusqu’à des altitudes bien trop élevées pour l’époque, autorisant le randonneur à s’aventurer prématurément sur des itinéraires qui, en temps normal, n’auraient pas été libérés avant le printemps. C’est ce qui m’a décidé à tenter ma chance par le Pas de l’Aronde, un itinéraire un peu sauvage qui se taille un passage entre vires et ravins, sur le versant occidental dégringolant sous la Prairie de Charminelle. Seul un passage est encore défendu par un névé tenace, en neige dure, glacée et compacte. L’usage du piolet s’est révélé indispensable pour sécuriser la progression sur cette section particulièrement exposée. Le reste de la déambulation se fait sans autre difficulté que l’effort nécessaire à l’ascension. La neige fait son apparition aux alentours de 1300 mètres, peu avant de surgir sur les espaces ouverts de Charminelle.

Le Pas de l’Aronde, c’est l’un de ces itinéraires clandestins et aventureux dont les massifs des Pré-Alpes, comme la Chartreuse, ont le secret. Un pur plaisir de randonneur, à condition que la neige en soit absente

C’est là que s’effectue la véritable rencontre avec la Chartreuse. Les pieds dans la neige et la muraille des Rochers de Lorzier face à soi. En été, un passage permet de se hisser jusque là, moyennant une aventure dans un couloir étroit, raide et peu hospitalier. L’hiver, s’y engager tient plus de l’alpinisme que de la randonnée et, faute d’équipement adéquat, nous préférons tirer à travers la forêt pour retrouver, plus tard, la jonction de la Combe des Veaux. Pistes forestières et sentiers balisés ayant disparu sous la neige, l’orientation se fait à vue et à l’aide de la carte, afin de ne pas trop perdre d’altitude jusqu’à la dite Combe. Une liberté prodiguée par les conditions hivernales et à laquelle on ne souscrira qu’à condition de savoir progresser en sécurité en-dehors de tout itinéraire balisé. Le pied de la Combe des Veaux atteint, il reste un bel effort à fournir pour se hisser jusqu’à l’alpage de Velouse. Deux cent mètres de dénivelé à parcourir en seulement 700 mètres de distance. Des mollets d’acier seront requis pour franchir cet obstacle que des amas de neige chaotiques ont transformé en champ de bataille. Velouse marque l’entrée dans le magnifique univers du vallon d’Hurtières, lieu d’espace et d’agréable solitude pour randonneurs-naufragés en quête d’immensité alpine.

Carré Sure 1

La montée à Velouse a laissé des traces. Le souffle se fait plus court et les cuisses plus lourdes lorsque démarre la suite de l’ascension vers le col de la Sure. Le grand versant oriental de la Grande Sure nous domine à gauche, rappelant à qui l’aurait étourdiment oublié que le sommet est encore loin d’être atteint. Le col est désert lors de notre passage et la neige peu abondante. La vue s’est ouverte sur cette Chartreuse moins connue qui domine Entre-Deux-Guiers et Saint-Laurent-du-Pont. Une Chartreuse moins spectaculaire, délaissée au profit de la partie orientale du massif et de ses grands sommets : Chamechaude, Dent de Crolles, Grand Som et Granier. 245 mètres de dénivelé séparent le col de ce sommet qui semble reculer au fur et à mesure qu’on l’approche. Une école de patience et un bon exercice pour le mental. Il est plus de 16h lorsque nous l’atteignons, un horaire plutôt tardif en plein hiver. La raison devrait nous le faire quitter immédiatement mais l’amplitude exceptionnelle du panorama nous fige en nous invitant à la contemplation. Vercors, Trièves, Dévoluy, Taillefer, Belledonne, Ecrins, Bauges et Aravis : les Alpes du Nord se dévoilent presque intégralement, surmontées par leur seigneur absolu : le Mont-Blanc.

Il n’y a décidément qu’en montagne qu’on peut être saisi par ces perspectives vertigineuses qui libèrent l’horizon sur des centaines de kilomètres. Saisir les Monts d’Ardèche, le Dévoluy et le Mont-Blanc dans le même champ de vision est sensiblement incroyable et complètement dément

Sous nos pieds, à l’ouest, la plaine lyonnaise succède aux derniers soubresauts du reliefs. Notre point de départ est là, quelques mille mètres plus bas. Il ne faut plus tarder maintenant. On s’active. La neige devrait nous faciliter la descente. L’altitude se perd rapidement et le pied de la Combe des Veaux est retrouvé en moins d’une heure. La neige s’évanouit à son tour à l’intersection marquant le départ vers le Pas de Miséricorde, passage vertigineux offrant des perspectives spectaculaires sur le cirque de l’Infernet et ticket pour un retour rapide aux Trois Fontaines. Le sentier vaut le détour. Surtout lorsqu’on rejoint le belvédère placé sur le parcours au moment où le soleil se couche. Un baroud d’honneur inattendu qui, en passant sous le front nuageux, embrase la Chartreuse tout entière. Des dégradés de rouge et orange enflammés colorent les falaises et illuminent les nuages. Un bouquet final octroyé par la Nature dans le lieu le plus approprié pour sublimer le spectacle. Un beau cadeau, rapidement drapé dans l’obscurité naissante. Nous dévalons les derniers lacets d’un pas vigoureux, fermement décidés à ne pas allumer les frontales. La voiture est rejointe à la nuit. C’est ce qu’on appelle une sacrément belle journée en montagne !

Carré Sure 2

– INFOS PRATIQUES –

Carte : IGN TOP25 1/25000è 3334OT Massif de la Chartreuse sud
Accès : en voiture, A48, en venant de Chambéry, Lyon ou Grenoble, ou A49 en venant de Valence, sortie 12, péage de Voreppe. Prendre ensuite la direction de Voreppe, puis Voreppe-centre. A partir de là, suivre la direction Saint-Laurent-du-Pont et s’élever par la D520a vers le col de la Placette. Juste avant le col, tourner à droite par la route des Trois Fontaines et suivre la direction de celles-ci. Après le dernier hameau de Chantabot, tourner à la première route à gauche. Elle se transforme rapidement en piste et conduit au parking des Trois Fontaines, terminus de la voie.
Topo  : du parking, reprendre la piste en sens inverse et revenir à l’intersection de la route. Tourner à gauche et dépasser les fermes des Reynauds (1). Le chemin entre plus loin dans la forêt en dépassant le chalet du Soulet. Monter jusqu’à une intersection avec un poteau indicateur (2). Continuer à monter à gauche une centaine de mètre puis quitter le sentier balisé à gauche par une trace signalée par une croix jaune. A partir de là, le sentier va monter sèchement à travers la forêt, jusqu’au pied des falaises. Il s’y fraye ensuite un passage via une succession de vires, de passages rocheux, de sentiers et de ravins boisés. On rejoint plus haut des pentes moins soutenues, puis on croise une première piste qu’on traverse pour continuer en face (balisage jaune toujours). Plus loin, le balisage infléchit à gauche et s’élève en pente très douce jusqu’à la prairie de Charminelle (3). Au poteau indicateur, basculer à gauche à travers la forêt, direction l’Infernet. Rejoindre, plus bas, un espace plus ouvert où se rejoignent plusieurs pistes (4). Là, deux possibilités : continuer direction l’Infernet, pour remonter ensuite vers la Combe des Veaux (solution balisée), ou bien couper à travers la forêt pour retrouver une piste non-balisée visible sur la carte aux alentours de 1450/1470m. Elle ramène ensuite au pied de la Combe des Veaux (5). De là, monter à Velouse par un sentier raide (6). A Velouse, remonter la combe au nord vers le col de la Sure (7). Du col, gravir l’épaule orientale de la Grande Sure avant d’infléchir vers l’ouest en traversant à flanc les pentes sommitales. Redescendre vers un petit collet avant de boucler l’ascension du dernier monticule défendant le sommet (8). Retour par le même itinéraire jusqu’au pied de la Combe des Veaux. Suivre de là la direction de l’Infernet. Au poteau l’Infernet, poursuivre par un petit sentier démarrant dans le lacet direction Pas de Miséricorde. On y retrouve plus loin un balisage jaune. Après le belvédère (9), le sentier bien marqué descend en lacets dans la forêt et rejoint le parking des Trois Fontaines.

cdr127_itinéraire

Notes : l’hiver particulièrement sec et doux a permis de réaliser cet itinéraire assez tôt dans la saison. En présence de grosses quantités de neige, le franchissement des Pas de l’Aronde et de Miséricorde n’est pas particulièrement recommandé. J’ai trouvé un névé tenace et exposé sur le chemin du Pas de l’Aronde. Il a fallu prendre le temps de tailler des marches à coups de piolet pour sécuriser le passage. Ne vous engagez dans ce genre de section que si vous êtes correctement équipés et suffisamment expérimentés. La glissade ou le faux-pas y serait fatal… Les raquettes auraient été inutiles. Les crampons auraient été un plus. Le Pas de Miséricorde était lui totalement déneigé. Ainsi qu’il est expliqué dans le reportage, l’emprunt du Goulet du Lorzier est totalement à oublier en hiver. On empruntera le sentier balisé de Charminelle ou on réalisera un petit azimut en forêt pour se tenir approximativement sur les lignes de niveau au-dessus de 1450m, en se tenant ainsi éloigné de toutes petites barres rocheuses. Prévoyez suffisamment d’eau car la route est longue ! L’ascension de la Grande Sure a été facilitée par une neige peu abondante et une bonne trace. Les conditions en montagne sont changeantes : soyez à même d’analyser la faisabilité de l’ascension lors de votre passage.
Les hébergements : on est venu en aller-retour à la journée depuis la Drôme donc pas spécialement d’adresse à vous recommander qu’on ait pu essayer. Les chaînes d’hôtel ne manquent pas dans le secteur de Voreppe mais bon, y’a mieux… Je vous invite plutôt à jeter un oeil à l’offre de AirBnb dans ce coin. Elle est plutôt pas mal et plusieurs adresses proposent des prix à la nuitée très intéressants. Autrement, j’ai aussi déniché sur le web un accueil à la ferme, sur Pommiers-la-Placette, chez Eliane et Félix Genève. Plusieurs chambres à disposition à partir de 49 euros la nuit.
Liens utiles : le lien institutionnel, c’est bien évidemment le site de Chartreuse Tourisme, qui concentre une base d’informations exhaustives pour en savoir plus sur ce petit massif à cheval entre Isère et Savoie et labellisé Parc Naturel Régional. Et, plus spécifiquement nous concernant, une palette de suggestions d’itinéraires de randonnées à raquettes.
Bibliographie : Le PNR de Chartreuse… à pied | Le petit topo-guide officiel édité par la Fédération Française de Randonnée Pédestre. 37 itinéraires de Promenade & Randonnée y sont recensés pour approfondir votre découverte du massif, accompagnés de leurs cartes et de leurs explications.Prix indicatif : 15,20 € | Ref.D034

EN BREF

Il faudra de la ténacité et des mollets affutés pour s’engager en hiver sur cette boucle longue mais hautement gratifiante. La Grande Sure par les Pas de l’Aronde et de Miséricorde, c’est l’assurance d’une journée en montagne dense, magnifique et épique. Le panorama à couper le souffle au sommet vous fera vite oublier les douleurs de l’ascension. Une épopée hivernale pour randonneurs sportifs et à l’aise sur terrains enneigés.

Dans la descente, sous le col de la Sure, avec le vallon d'Hurtières et les Rochers du Lorzier face à soi

Dans la descente, sous le col de la Sure, avec le vallon d’Hurtières et les Rochers du Lorzier face à soi

by-nc-ndCe reportage Carnets de Rando, sous licence Creative Commons, est la propriété exclusive de Carnets de Rando. Son usage à des fins non commerciales est autorisé à condition de mentionner son appartenance au site www.carnetsderando.net. Pour toute autre utilisation, merci de me contacter.

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2 Comments

  1. Florent Répondre

    Wooah super vidéo, je découvre ton blog. Je cherchais des petites rando à faire avec madame. Bon je ne pense pas que celle là soit idéale. Je risque de la perde avant d’arrivé a Velouse, ahah.
    Mais la région et très sympathique., les images aident bien. 🙂

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Salut Florent !

      Ouais, non, tu évites si tu veux continuer ta vie en couple, lol ! ça me rappelle une époque où, avec un pote, on se disait qu’on pourrait écrire un livre-topo du genre « Les 100 plus belles randonnées pour perdre sa copine », avec tous les itinéraires les plus tordus et miséreux du monde haha ! Mais si tu veux profiter de la Grande Sure avec ta copine sans risque de la perdre, je te recommande de passer plutôt par le col de la Grande Vache, après avoir laissé ta voiture au col de la Charmette. C’est la « voie normale » pour faire le sommet !

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