Sur le podium des GR mythiques, le GR65 joue des coudes avec le GR20. Les deux itinéraires sont pourtant aux antipodes mais chacun aligne chaque année ses milliers de nouveaux candidats aussi sûrement qu’une grande enseigne le matin d’un Black Friday. La notoriété du GR65, nom de code moins élégant que le latin original de Via Podiensis, bat néanmoins celle des amoureux de figatelli à plates coutures. L’Histoire et le mythe ont donné au GR65 ses lettres de noblesse et la dimension spirituelle d’El Camino se superpose aujourd’hui à sa haute valeur patrimoniale. En lice au titre de GR Préféré des Randonneurs 2020, le GR65 pour sa partie aveyronnaise située entre Aubrac et Conques a donc reçu notre visite. L’occasion d’un état des lieux et d’une présentation de cet itinéraire légendaire.
Difficulté : moyen | Longueur : 76 km | Durée : 4 jours | Dénivelé : 1400m
PRÉAMBULE
C’est la première destination de la feuille de route du tournage de la saison 3 de Mon GR Préféré : le GR65, pour sa partie aveyronnaise entre Aubrac et Conques, a fait partie des huit itinéraires sélectionnés en 2019 pour concourir au titre de GR Préféré des Randonneurs 2020. Je m’en suis réjouis car ce tournage allait me donner l’occasion de parfaire ma connaissance de ce secteur. Mes reportages pour Carnets de Rando m’avaient, en effet, déjà amené sur l’Aubrac, mais côté lozérien. C’était, plus spécifiquement, pour le tournage du premier épisode de la série consacrée au Chemin Urbain V, au départ de Nasbinals. Le projet Mon GR m’offrait ainsi la possibilité de poursuivre l’exploration de l’Aubrac vers l’ouest, l’Aveyron et la vallée du Lot via le GR65.
Premier tournage de la saison 3 de Mon GR Préféré, le GR65 en Aveyron était une découverte pour toute l’équipe
Ces quatre journées aveyronnaises ne sont, cependant, qu’une toute petite fraction de cet itinéraire immense tant par la taille que par la renommée. On parle de la Via Podiensis, le plus fameux des chemins de Saint-Jacques parcourus par des milliers de pèlerins chaque année au départ du Puy-en-Velay. Le GR65, pour sa partie française, s’élance pourtant de bien plus haut que la célèbre ville de Haute-Loire. C’est de Genève qu’il faudra partir pour rejoindre ensuite Roncevaux au terme de 1120 kilomètres. Je n’évoquerai donc, dans cet article, que la partie balisée dans le département de l’Aveyron entre Aubrac et Conques que nous avons pu parcourir et filmer en juin 2019.
JOUR 1 : AUBRAC – SAINT-CÔME-D’OLT (23 km)
Aubrac est la porte ouest du plateau. La petite bourgade est rythmée par sa fête de la transhumance et par le passage des pèlerins. Les marcheurs du 21ème siècle sont les plus récents maillons d’une chaîne démarrée 900 ans plus tôt. L’Aubrac, alors hostile et dangereux, fut sécurisé par l’Ordre des Templiers. Le petit village, au carrefour des grandes axes spirituels de l’époque, vit ainsi sortir de terre un monastère et un hôpital auxquels fut greffée une tour de 30 mètres en 1353.
Du haut de ses presque 700 ans, la Tour des Anglais, à Aubrac, marque la frontière entre le Plateau et la Vallée du Lot
C’est derrière celle-ci, toujours intacte en 2019, que nous sont apparus les grandes vagues vertes de l’Aubrac et le GR65 arrivant de Lozère et de Nasbinals. Remarquablement taillé dans une draye caractéristique du plateau (ci-dessous), le Chemin de Saint-Jacques qui arrive à Aubrac honore une dernière fois ces grands espaces où naviguent des troupeaux de vaches et où poussent encore les burons d’autrefois.
La première étape ressemble à une longue descente. Parti de plus de 1300 mètres d’altitude, le pèlerin s’y affranchit d’un dénivelé négatif de près de 1000 mètres pour atteindre, en fin de journée, Saint-Côme-d’Olt à 315 mètres d’altitude. On y perd très rapidement les vues ouvertes de l’Aubrac pour s’engager sous les frondaisons des arbres. J’ai le souvenir de chemins forestiers joueurs, de par leur tracé, et agréables, de par leur ambiance, notamment après Belvezet, minuscule hameau blotti au pied de son neck ancestral.
En perdant de l’altitude, la forêt recolonise rapidement le terrain et plonge le randonneur dans des séries d’atmosphères étonnamment variées et enchanteresses
La pluie tombait alors lors de notre passage, enveloppant les sous-bois d’un voile de mystère. Saint-Chély-d’Aubrac, dans la vallée de la Boralde, officie comme village-étape intermédiaire pour le ravitaillement ou la nuitée. Les amoureux de petit patrimoine y apprécieront ses maisons à colombages, ses lavoirs ou son église. Mais c’est surtout son Pont des Pèlerins, inscrit sur la Liste du Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO au titre des Chemins de Saint Jacques de Compostelle en France, qui retiendra l’attention du marcheur.
Au-delà des fermes des Cambrassats, la forêt bat en retraite pour révéler des arrondis de cultures traversés par le chemin. La couverture des nuages a pris de la hauteur et vacille d’un éclat terne. Des lambeaux brumeux s’attardent encore dans les vallons voisins. L’Aveyron semble ici figé dans le mauvais temps. Le drone de Gérard parvient pourtant à capter cette ambiance entre chien et loup, survolant Roxanne alors qu’elle se dirige vers le hameau de l’Estrade.
Le GR65 et Compostelle ne seraient rien sans l’esprit qui infuse du chemin et que colportent, depuis des générations, des pèlerins insolites et attachants qu’on ne se lasse pas de croiser
Nous y faisons une rencontre made in Compostelle en la personne de Pete, un pèlerin aux yeux bleus rieurs, à la voix enjouée et à la guitare facile. Pete se produit le soir dans les gîtes pour le plaisir des autres marcheurs. Pour notre reportage, il accepte de pousser une chansonnette improvisée, à l’abri de l’ancien lavoir du hameau. Lavoir où est offert, en accès et paiement libre, le thé et le café. Il n’y a que sur le GR65 qu’on voit décidément ça.
La marche reprend. Il reste encore 500 mètres de dénivelé à descendre. L’étape s’étire et les jambes se raidissent. C’est notre premier jour de tournage de la saison. La pluie, le froid, les sacs chargés, le matos vidéo à porter : le bon rythme n’est pas encore là. Je reste toutefois sensible à la qualité des sentiers qui dégagent un charme attachant. De petits singles forestiers et fleuris, accrochés à la pente ou taillés dans des creux, qui tracent de beaux couloirs végétaux sous la voûte des arbres. Un bonheur de randonneur, même sous la pluie.
Descendu des hauteurs de l’Aubrac, le pèlerin fait finalement son entrée dans la Vallée du Lot
Et puis Saint-Côme-d’Olt est là, enroulé autour de son vieux village et de son église au clocher flammé. Une curiosité du 16ème siècle. Sur les bords du Lot, les venelles et passages étroits de Saint-Côme-d’Olt distillent une délicieuse atmosphère médiévale. Le pèlerin curieux pourra y admirer le manoir des Sires de Calmont, construit au 12è siècle, mais aussi deux monuments historiques : le château de Castelnau, datant du 13è siècle qui abrite aujourd’hui la mairie et la Chapelle des Pénitents, hospice pour les pèlerins, aujourd’hui salle d’exposition.
Bon à savoir : avant de vous lancer tête baissée dans cette traversée de l’Aveyron depuis Aubrac, vous aurez pris soin de visiter l’excellent site mis en place par le département et qui détaille, pas à pas et avec force informations et contenus multimédia les étapes jusqu’à Conques. On y trouve également la liste de tous les hébergements disponibles sur le pacours. Je le mentionne ici car il est particulièrement bien fait, complet et agréable à naviguer. Évidemment, dans votre sac à dos, vous aurez pris soin d’emporter le topo-guide Sentier vers Saint-Jacques-de-Compostelle, Le Puy-Figeac, édité par la FFRandonnée, et/ou le classique Miam-Miam-Dodo.
Où dormir à Saint-Côme-d’Olt : il y a 5 possibilités d’hébergement sur Saint-Côme. Deux gîtes d’étape, un camping, une chambre d’hôte et… le Couvent de Malet. C’est là qu’on a fait étape parce que le lieu est juste dingue et ancré profondément dans l’histoire du chemin de Saint-Jacques. À l’origine, il y a les Moines Hospitaliers d’Aubrac, en 1152, et les premiers pèlerins. Une congrégation de Soeurs Ursulines prend le relais en 1806 et développe l’accueil et l’hébergement. Deux cents ans plus tard, les soeurs sont toujours présentes et ouvrent toujours leurs portes aux marcheurs. C’est une vraie ambiance Saint-Jacques à Malet. De l’ouverture d’esprit, de la chaleur humaine, de la simplicité. J’aurais du mal à ne pas le recommander.
JOUR 2 : SAINT-CÔME-D’OLT – ESTAING (19,5 km)
Les cloches du couvent tirent les pèlerins de leur sommeil. Il est temps de reprendre la route. Bienvenue dans la vallée du Lot, vaste et accueillante, qui sera le décor des deux prochaines étapes. Première rencontre avec cette rivière de 485 kilomètres – la deuxième plus longue entièrement en France après la Marne – qui démarre des Cévennes et se jette dans la Garonne entre Agen et Marmande.
Pendant deux jours, le Lot sera le compagnon de route du pèlerin en route pour Estaing
On est ici au premier tiers de sa course. La rivière , auparavant filtrée par le barrage de Castelnau-Lassouts, reprend son essor dans un bel espace ouvert propice à accueillir quelques villages remarquables. Plus loin, une variante du GR65 invite les curieux, les moins pressés et les plus sportifs à une grimpette vers la Vierge de Vermus. Il ne nous en faut pas moins pour nous convaincre du détour.
Pour y accéder, il faut d’abord remonter sur le fil du puech – colline – et traverser une ancienne carrière (ci-dessus). La section a de l’allure et encore plus vue du ciel ! Puis la statue est là, dressée grise et humble au-dessus de la vallée, les bras ouverts en signe de bienvenue et de paix. C’est l’un des meilleurs points de vue sur cette vallée du Lot étendue sous nos pieds. Une belle récompense pour les pèlerins volontaires.
Variante en forme de passage obligé, la Vierge de Vermus offre aux marcheurs qu’un court dénivelé supplémentaire n’effraient pas un panorama magnifique sur la Vallée du Lot
On y voit Saint-Côme, notre point de départ quelques heures auparavant. On y voit surtout Espalion, prochaine ville d’importance sur l’itinéraire de ce GR65 (ci-dessous). Être pèlerin sur Saint-Jacques, à mes yeux, ne peut pas être qu’une collection aveugle de kilomètres. Le parcours ouvre son histoire et son patrimoine au visiteur en l’invitant à le découvrir. Les 17 kilomètres de cette deuxième journée sont ainsi classés à l’UNESCO pour leur valeur universelle exceptionnelle.
Espalion concentre à elle seule une brochette de monuments dont la visite, même partielle, exigerait une journée supplémentaire sur place. Sur notre route, il y a d’abord l’Église de Perse, au pied du Puech de Vermus, dont les murs en grès rose capturent l’attention du marcheur. Les pèlerins viennent notamment y admirer le tympan et le linteau, représentant la Pentecôte et l’Apocalypse. Puis c’est le foirail et son allée ombragée de platanes centenaires frémissant au bord du Lot. Au bout se découvre l’une des vues que j’ai préférées sur Espalion : les tourelles du Vieux Palais, au style Renaissance, se reflétant dans les eaux calmes du Lot avec la silhouette du Pont Vieux en arrière-plan (ci-dessous). Ce même pont, à la beauté indéniable, classé Patrimoine Mondial de l’Humanité ainsi que les calquières l’entourant, ces anciennes tanneries aux toits pentus et aux balcons en encorbellement. Non, décidément, passer à Espalion ne peut se résoudre à s’effectuer en un simple coup de vent.
Où dormir à Espalion ? Peut-être votre découpage vous imposera-t-il de passer la nuit à Espalion. Ça tombe bien : la ville dispose de dix hébergements. Ça n’a pas été notre cas pour cette deuxième étape mais plutôt pour la veille de notre premier jour de tournage. Le service presse de l’Aveyron nous avait réservé une nuit au gîte Au Fil de l’Eau, tout près du foirail. L’adresse est tenue par Mireille, une ancienne pèlerine qui sait de quoi elle parle et dont l’organisation toujours souriante nous a séduits tous les trois. C’est propre, c’est accueillant et ça tourne comme une horloge ! C’est ma recommandation à Espalion. Contact : 06.77.58.53.08 / mail : aufildeleaumireille@gmail.com
La sortie d’Espalion s’effectue en rive gauche du Lot, par une route départementale conduisant à Bessuéjouls. Impossible de passer devant la petite église en grès rouge qui précède le village sans s’y arrêter. La tour carrée du clocher-porche, héritage de son origine romane, intrigue. Les amateurs/trices d’art et d’architecture ne resteront sans doute pas insensibles aux petits détails dissimulés dans l’ouvrage, notamment de drôles de personnages gravés dans la pierre, sous l’avancée du toit.
Un raidillon taillé dans le coteau coupe court à la rêverie. Nous revoici en altitude, où la culture est une culture. Le terrain devient agité et nerveux, convergeant vers une inéluctable fermeture aux abords du petit bourg de Verrières. Le Lot n’ira pas plus loin en ligne droite. Tout comme la rivière, le pèlerin devra forcer le passage d’un relief regagnant en force et en présence avant d’atteindre Estaing.
Après Saint-Côme-d’Olt et Espalion, Estaing complète et achève l’incroyable trilogie des villages classés de la Vallée du Lot
L’arrivée sur Estaing, avec le Lot à main droite, est magistrale. Un éclat de soleil perce enfin et illumine le bourg, de l’autre côté de la rivière, couronné de son château (ci-dessous). Rien d’étonnant à ce que la commune soit classée parmi Les Plus Beaux Villages de France. Le nom de la ville, je l’apprends lors de ce tournage, est précisément celui que la famille Giscard s’est attribué en particule en devenant, jadis, propriétaire du château. L’actualité a révélé qu’elle s’en était séparée récemment. Les Giscard sont redevenus les Giscard et Estaing sort du giron de l’ancien chef d’État. Le cachet du village n’en perd rien de sa superbe. On a adoré cette arrivée, la traversée du pont gothique sur le Lot et la découverte du vieux village. Une très belle fin d’étape.
Où dormir à Estaing ? On n’a pas dormi à Estaing. Pour les besoins du tournage, on a été directement propulsé à Golinhac. Je n’ai donc pas d’adresse à vous recommander. L’offre en hébergements n’est cependant pas maigre avec pas moins de neuf adresses pour trouver un lit.
Bon à savoir : pèlerins de la rentrée, peut-être voudrez-vous caler votre passage à Estaing avec la tenue de ses Médiévales, grande fête annuelle qui a lieu chaque deuxième week-end de septembre ? Une sacrée fête, en costumes bien sûr, avec des spectacles, un banquet, de la musique et l’occasion, au passage, de goûter aux produits du terroir et de découvrir l’artisanat local. À l’inverse, peut-être voudrez-vous éviter la fiesta ! Aussi il est toujours bon de savoir quand elle a lieu.
JOUR 3 : ESTAING – GOLINHAC (15 km)
C’est l’étape que nous avons choisi de sauter en grande partie pour le tournage. Nous ne disposions que de trois jours sur place et des choix devaient être faits pour donner de la place à la réalisation des séquences les plus pertinentes. Or, le tracé entre Estaing et Golinhac fait, avouons-le, pâle figure après les deux précédentes journées. C’est d’abord une – très – longue section de goudron entre le Lot et la forêt. Puis une sévère montée qui se taille un raccourci à travers les lacets de la route : violent ! À la sortie de cet effort, c’est les retrouvailles avec le bitume. Rien de très excitant. Avec la voiture, on dépasse des pèlerins qui battent le pavé dans le brouillard. On a pris près de 300 mètres d’altitude depuis Estaing et une invasion nuageuse a transformé ce début d’été en un automne piquant.
Parenthèse plus quelconque après deux journées enthousiasmantes, la troisième étape joue les passerelles vers un final à Conques prometteur
On se fait déposer à la sortie de Massip – où se trouve un gîte d’étape – où la route cède enfin sa place à du chemin pour un dernier kilomètre avant Golinhac. Plutôt maigre le ratio chemin/route sur cette troisième étape… Cet ultime kilomètre a heureusement du charme, joliment tracé entre les résineux avant de longer l’orée d’une clairière apaisante. Ni l’averse fraîchement démarrée, ni la brume omniprésente ne parviennent à en gâter le charme. On tourne les dernières images dans ce petit carré de nature offert au pèlerin à la dernière minute. Golinhac apparaît à l’improviste, tout petit bourg de 400 habitants qui a bâti son économie actuelle sur Compostelle.
Où dormir à Golinhac ? Aussi petit soit-il, Golinhac totalise 7 hébergements ! Un chiffre révélateur de la fréquentation du GR65 dans ce secteur. Le service presse nous avait réservé un chalet au Pôle Bellevue, sympathique espace gentiment boisé officiant également comme camping. Les petits chalets sont pour 4 personnes et possèdent deux chambres. On y est franchement bien calé après une grosse journée de marche. On y sert le petit-déjeûner mais pas le dîner ! Contact : 05.65.44.50.73 / mail : pole-bellevue12@orange.fr. Pour manger, penser à réserver au seul restaurant de Golinhac : la Bastide-d’Olt, qui sert un menu pèlerin à 13 euros. Contact : 05.65.51.63.68
JOUR 4 : GOLINHAC – CONQUES (24 km)
Au petit matin, le ciel est nettoyé. Le soleil a fait la ménage, dispersant des nuages rebelles aux confins d’un horizon d’azur. Pour la beauté des images, ne subsiste pour notre plaisir qu’une mer de nuages duveteuse dans les gorges du Lot. L’étape finale de ce reportage s’annonce prestigieuse. Le final à Conques, village bardé de récompenses touristiques et auréolé de commentaires élogieux de pèlerins subjugués, excite notre imagination. On quitte assez tôt un Golinhac au réveil poussif. Aujourd’hui pas d’aide véhiculée : le parcours de cette étape s’effectuera intégralement. C’est aussi bien pour l’immersion et on préfère.
D’abord, il faut opérer une traversée du coteau sur lequel est perché l’itinéraire du GR65. La cadence est élevée : Gérard et moi misons tout sur des plans d’Espeyrac avec la mer de nuages. Mais le mercure va encore plus vite que nos jambes et la masse nuageuse n’est plus qu’un souvenir filamenteux lorsqu’on atteint les hauts de Campagnac. La vallée boisée du Daze se révèle. Tout ici a une tendance à l’encaissement et au confinement. Il faut patienter jusqu’à Espeyrac pour voir à nouveau le paysage s’ouvrir autour de cet ancien village médiéval. Une église, des rues en pente fleuries et agréables, des escaliers séculaires : Espeyrac jouit d’une atmosphère agréable, idéale pour la pause ou plus si affinités grâce à la présence d’un gîte communal – contact : 06.89.08.72.29 / mail : audreycombres12@gmail.com
À la sortie d’Espeyrac (ci-dessus), le GR65 ondule autour de la route départementale quand il ne la rejoint pas. Et à cet instant encore, les aménagements mis en place par la FFRandonnée – avec le concours financier du département – ont permis la création d’une voie piétonne sécurisée, parallèle à l’axe routier. C’est ainsi qu’on remonte en direction de Sénergues jusqu’à une côte escaladant une grosse colline délimitant les thalwegs du Tayrac, au nord, et de la Borie, au sud. L’Aveyron continue de se creuser en ondulations paresseuses qui jouent les montagnes russes dans les mollets du randonneur. Comme la Tour des Anglais d’Aubrac, celle, carrée et en granite, de Sénergues se voit de loin et a été édifiée au 14è siècle, pendant la Guerre de Cent Ans.
La dernière étape offre un nouveau visage de l’Aveyron, plus cultivé et plus vallonné. Le pas s’y fait léger, à la rencontre de villages plus modestes mais tout aussi attachants
Au-delà de Sénergues, l’altitude agricole est atteinte. Un papier peint de plantations s’est substitué, au fil des âges, à la forêt originelle. Celle-ci a été forcé de reculer vers ces vallons raides et profonds, impropres aux cultures, qu’on retrouvera avant Conques. Pour l’heure, les activités humaines se déploient sur chaque versant de colline et les fermes ont remplacé les églises et les châteaux. Un horizon céréalier s’élargit tout autour du sentier qui emprunte, parfois, quelque travée un peu secrète tracée entre deux champs (ci-dessous). Puis c’est la route, jusqu’à l’escale appréciée parmi les jolies maisons de Fontromieu. La proximité de Conques fait oublier quelques derniers mètres de goudron. Puis les balises dévalent dans la pente, à gauche, en disparaissant dans la forêt. Le final n’est plus très loin.
CONQUES
Soyez prévenus : l’arrivée sur Conques est apothéotique ! Étagée en terrasses élégantes sur le versant nord du vallon de l’Ouche, Conques fait le ravissement des visiteurs et l’extase des pèlerins. Le village n’est pas seulement exceptionnellement beau : il est aussi une étape symbolique sur le Chemin de Saint-Jacques, héritier d’une longue histoire avec les pèlerins depuis que le moine Ariviscus y a ramené les reliques de Sainte-Foy, jeune martyre connue pour ses miracles. Cité dans le livre V d’un codex (manuscrit) renommé dès 1130, Conques devient un carrefour de pèlerinage dont la réputation dépasse les frontières de l’Europe. Succès assuré et jamais démenti depuis. Le charme discret de ses rues pavées invite à une errance permanente. Le village baigne dans la joie et une certaine ferveur. Conques, malgré sa fréquentation, est parvenu à trouver l’équilibre.
J’ai eu l’occasion d’en faire quelques-uns, de beaux « finals » de reportage. Celui à Conques mettait d’office la barre très haut dans cette nouvelle saison de Mon GR Préféré.
Quand on y arrive à pied, en franchir les portes semble, malgré le temps qui sépare les époques, rapprocher le pèlerin moderne de ses homologues du 12ème siècle. La même quête, la même humilité, le même regard fasciné face à la beauté du lieu et tout ça à des centaines d’années d’écart. La puissance dégagée par l’abbatiale et ses trois clochers, en position centrale, n’y est sans doute pas étrangère. Un authentique chef-d’œuvre de l’art roman dont la pierre chaude, le rousset – un calcaire jaune provenant du plateau de Lunel – resplendit sous la caresse du soleil. Depuis le belvédère de Bancarel, l’harmonie architecturale, intégrée dans le vert tendre des bois et le schiste grisonnant du vallon, prend tout son sens. C’est le plus beau point de vue sur Conques que vous pourrez avoir, moyennant un court effort.
Dresser la liste de tous les trésors de patrimoine recensés sur Conques serait vain. Je m’attarderais sur celui qui m’a le plus marqué : la Salle du Trésor. Et le nom n’est pas usurpé. Accolée au cloître, cette pièce au système de haute-sécurité moderne digne d’Ocean’s Eleven, expose des reliquaires venus d’âges lointains et en parfait état. Le plus impressionnant demeure très certainement la Majesté de Sainte-Foy, une pièce massive, revêtue d’or, datée du 9ème siècle. La statue au regard fixe défie le temps, protégée derrière une vitre blindée. Elle est un lien entre le visiteur et ces âges passés et c’est une vraie émotion qui m’a saisi en la contemplant. La valeur du Trésor n’est pas que financière : elle est liée à notre propre Histoire. Et qu’importe la hauteur de notre foi. La symbolique de l’objet transcende toute croyance. Vous l’avez compris, le Trésor de Conques est à découvrir absolument.
Bon à savoir : le Trésor de Conques est l’un des cinq grands trésors européens d’orfèvrerie médiévale et le seul, en France, qui regroupe autant d’objets du Haut Moyen-Âge. Le tarif de l’entrée pour un adulte est de 6,50 euros. Il est ouvert tous les jours, y compris le dimanche (fermé le 25 décembre et le 1er janvier) du 1er avril au 30 septembre, de 9h30 à 12h30 et de 14h à 18h30 et du 1er octobre au 31 mars : de 10h à 12h et de 14h à 18h. Plus d’informations sur le site du Trésor.
Où dormir à Conques ? Avec 11 hébergements recensés sur le village, Conques bat des records de capacité d’accueil ! Nous n’y avons pas dormi, malheureusement. Un train nous attendait à Rodez à la fin du tournage et nous n’avons pas pu passer la dernière soirée dans cet endroit merveilleux. Je n’ai donc pas de recommandation particulière à vous faire pour dormir ici. Je vous invite à consulter la page Hébergements de l’Office de Tourisme de Conques Marcillac.
À propos du stationnement sur Conques : si vous venez en voiture – ou que vous en laissez une – à Conques, il sera peut-être utile de lire ceci. Le stationnement à Conques est, vous vous en doutez, réglementé. Ne comptez pas vous garer dans le village ! Un parking a été prévu à l’extérieur pour éviter les soucis. Il s’agit du parking de La Salesse, à l’est de Conques, sur les hauteurs. Il y a 215 places qui peuvent se remplir vite en pleine saison et le tarif unique est fixé à 5 euros et est valable un an ! À moins de venir entre le 4 novembre et le 28 février : c’est gratuit !
>> Le GR65 poursuit son chemin en Aveyron jusqu’à Livinhac-le-Haut et sur encore 26 kilomètres
LE GR65 EN 10 MOTS- CLÉS
1. HISTORIQUE : le GR65, c’est la Via Podiensis, on l’a dit. Marcher sur cet axe, c’est rédiger de nouveaux chapitres d’un livre ouvert par les pèlerins depuis l’aube du 12è siècle. La dimension universelle de cet itinéraire et sa portée historique imprègnent chaque kilomètre effectué dessus par le marcheur.
2. UNESCO : depuis 1998, les « Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France » font partie du patrimoine mondiale de l’Humanité. 71 monuments et 7 sections du sentier y ont été inscrits. Parmi eux, deux sont situés en Aveyron, ainsi que quatre ponts et l’abbatiale Sainte-Foy de Conques.
3. VILLAGES : sur les 76 kilomètres qui relient Aubrac à Conques, le marcheur traversera 10 villages dont certains classés parmi Les Plus Beaux Villages de France. Dans la vallée du Lot, Saint-Côme-d’Olt, Espalion et Estaing constituent à eux seuls des raisons de parcourir ce GR65 de par leur patrimoine, leur identité et leur intégration réussie au paysage traversé.
4. AUBRAC : à l’opposé d’un site comme Conques qui inspire le repos et la protection, les grands espaces de l’Aubrac renvoient à la solitude et à l’hostilité d’un territoire dont l’immensité émerveille autant qu’elle terrorise. La découverte de ce plateau sans frontière, en préambule de la marche, est exceptionnelle.
5. CONQUES : le passage par Conques s’inscrit nécessairement parmi les moments les plus marquants d’un pèlerinage sur le GR65. Trésor à ciel ouvert, la beauté et la ferveur joyeuse de Conques ont traversé les âges jusqu’à nous. Randonneur ou pas, fidèle ou athée, l’endroit demeure durablement marquant et épargné par une commercialisation à outrance.
6. PATRIMOINE : les amoureux de petit patrimoine et d’histoire seront aux anges sur ce GR65. Pas un village, pas un hameau qui n’ait un monument ou une histoire à partager et à raconter. En marge des « têtes d’affiche », je garde en mémoire suffisamment de petits « spots » sur le chemin pour éveiller la curiosité du marcheur plus que de raison.
7. NATURE : le GR65 est aussi un sentier nature. On a évoqué l’Aubrac, mais c’est oublier ces nombreux chemins qui abandonnent le marcheur dans une campagne paisible. C’est également faire peu de cas des agréables ambiances paysagères de la vallée du Lot, entre Saint-Côme-d’Olt et Estaing.
8. HUMAIN : le GR65, dans l’esprit d’un chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle, est un vivier de rencontres toujours authentiques et souvent incroyables. Les profils des pèlerins rencontrés sont à eux seuls une histoire à raconter. Et la sincérité émanant de ces échanges, parfois éphémères, parfois un peu plus longs, surprend autant qu’elle donne son identité au Chemin.
9. ACCUEIL : l’hospitalité est une tradition sur le GR65. On entend souvent reprocher aux Chemins de Compostelle de sacrifier au business et d’avoir vendu leur âme au commerce. On ne l’a jamais ressenti ici, en Aveyron. L’accueil dans les hébergements étaient à la fois simple et vrai. Chaque soir, le plaisir de la rencontre était là, renouvelé avec les nouveaux arrivants. Un vrai point fort.
10. FOI : pas besoin d’avoir la foi pour venir sur le GR65. Le plaisir de l’immersion dans une région suffit au bonheur. Il n’en demeure pas moins qu’une atmosphère fervente anime l’itinéraire, sans jamais être pesante. L’ouverture d’esprit des pèlerins est une force. Et peut-être, finalement, ce GR65 éclairera-t-il la foi personnelle de chacun d’un éclat neuf ?
GR65 : QUELLE DIFFICULTÉ ?
Le GR65 n’est pas un GR difficile. Ce n’est pas un GR facile non plus. L’Aveyron n’est pas un département plat et les distances à couvrir sont là, chaque jour. Votre portage influera nécessairement sur la difficulté personnelle liée à cet itinéraire. J’ai vu des pèlerins voyager léger et dormir tous les soirs à la belle étoile, d’autres transporter leur maison sur le dos, rougis par l’effort et les pieds en sang, d’autres encore flâner sur les sentiers en dormant à l’hôtel à chaque fin d’étape. Si la difficulté de terrain est donc relative, elle ira croissante selon vos choix en autonomie.
Bon à savoir : des services de transport de bagages sont en place sur le GR65. Cette solution, de plus en plus plébiscitée par les randonneurs, permet de voyager léger tout en retrouvant son petit confort chaque soir. Pour cela, vos bagages sont transportés par un prestataire d’un hébergement à l’autre, tous les jours. Vous ne gardez que vos affaires de la journée. Les trois sociétés proposant ce service sont : la Malle Postale, Transbagages (04.66.65.27. 75 entre 16h à 19h ou 06.80.06.32.19) et les Transports du Levant (04.66.32.52.80 ou 06.86.67.36.31)
GR65 : MEILLEURE SAISON
Le GR65 peut être parcouru en toute saison. Évidemment, la période comprise entre le mois de mai et septembre est la plus particulièrement propice. Du fait des températures pour commencer mais aussi des couleurs et des paysages. Autre point à prendre en considération : les périodes d’ouverture des hébergements et d’autres services liés à l’itinérance. À l’automne et en hiver, la nécessité de l’autononomie quasi-totale s’impose sur Compostelle.
Important : dans tous les cas, n’oubliez pas de voyager avec votre credential, le passeport des pèlerins à présenter aux hébergements – entre autres – et à faire tamponner aux étapes dans les églises, mairies, offices de tourisme, gîtes ou commerces présents sur l’itinéraire. Pour l’obtenir, rendez-vous auprès de l’Église, à travers certains diocèses et de leurs paroisses ou auprès d’associations jacquaires.
GR65 : AVIS PERSONNEL
C’était ma troisième fois sur le Chemin de Saint-Jacques en reportage. Et, comme chaque fois, je retiens le côté humain avant tout le reste. C’était une première pour Gérard et Roxanne et leur première réaction, à l’issue de ce tournage, a été vis-à-vis des gens rencontrés. Sur le GR65, pas – ou peu – de batailles d’ego. Personne n’est jugé sur son matériel, ni sur son pedigree de randonneur. Les rencontres sont vraies, l’envie de partage authentique. Sur le GR65, tous les pèlerins sont égaux. Alors oui, bien sûr, il y a aussi ces pèlerins qui sont sur la route depuis des semaines, voire des mois. Ceux qui arrivent de très loin. Ceux qui vont jusqu’à Saint-Jacques, à 1800 kilomètres de là. Leur histoire impose toujours le respect et les autres pèlerins observent une certaine déférence à leur égard. Mais ces pèlerins trempés dans le moule de ceux d’autrefois font preuve d’une humilité rare. C’est quelque chose qui m’a toujours frappé sur Saint-Jacques, à mille lieux des combats de coqs qu’on peut observer dans des refuges en montagne, sur le TMB par exemple.
Et puis c’était ma deuxième fois en Aveyron. J’y étais déjà venu pour Carnets de Rando, lors d’un tournage à Najac puis beaucoup plus haut dans le département, du côté du Causse de Sauveterre. Ces trois jours de nouvelles explorations et découvertes de l’Aubrac à Conques, via la vallée du Lot étaient définitivement intéressants. J’ai beaucoup aimé les sentiers en sous-bois qui descendent vers Saint-Côme-d’Olt tout comme j’ai aimé la vue haute sur la vallée du Lot depuis la Vierge de Vermus. De plus en plus attiré par le patrimoine, j’ai juste été bluffé par la richesse des villages traversés. Au-delà d’Estaing, il y a quelque peu un ventre mou sur l’itinéraire. Mais l’arrivée à Conques dissipe très rapidement ces moments plus quelconques. Conques fait partie de ces villages incroyables, au même titre que Rocamadour ou Cordes-sur-Ciel. Impossible de rester insensible dans ces endroits prestigieux baignés d’une histoire millénaire. En conclusion, très content d’avoir pu découvrir cette partie de l’Aveyron.
CARTES IGN
IGN TOP 25 1/25000è 2538OT Sainte-Eulalie-d’Olt
IGN TOP25 1/25000è 2438SB Espalion, Estaing
IGN TOP25 1/25000è 2338SB Decazeville, Marcillac-Vallon, Conques
À noter qu’il manque un tout petit bout au début depuis Aubrac. Ces premiers mètres du GR65 en Aveyron se trouvent sur le bas de la carte IGN TOP25 1/25000è 2537OT Nasbinals, Monts d’Aubrac
LIENS UTILES
FFRandonnée Aveyron
4 jours de randonnée entre Aubrac et vallée du Lot (récit sur MonGR.fr)
Le site du Chemin de Compostelle d’Aubrac à Conques
L’association Sur les Pas de Saint-Jacques
Le site de la Via Podiensis
Le site tourisme de l’Aveyron
Le site de l’UNESCO
Le site Via Compostela
Blog très intérressant à parcourir; merci
Bonjour,
Dans l’Eglise de Saint-Pierre de Bessuéjouls, ne pas passer à côté de la chapelle haute cachée dans le clocher… merveille romane aux magnifiques chapiteaux !