La trilogie des Trois Becs en hiver (1ère partie)

Existe-t-il des sommets plus mythiques que les Trois Becs dans la Drôme ? Visibles de presque partout dans le département et de plus loin encore, c’est un lieu unique, la véritable proue du navire formé par le synclinal de Saou. Un tremplin pour les Alpes vers lesquelles il expose ses falaises impressionnantes. En été, le lieu enchante autant les randonneurs que les grimpeurs. En hiver, les trois sommets reprennent leurs droits et n’autorisent la visite qu’aux marcheurs sportifs, bien équipés et à l’aise dans un terrain montagne qui nécessite de la prudence. Carnets de Rando s’y est aventuré pour vous.

La route du col du Gourdon est déserte. La neige omniprésente. La Drôme est inondée de soleil aujourd’hui et la montagne semble vide de toute présence humaine. C’est un luxe ici, aux Trois Becs, car le lieu est éminemment fréquenté sitôt l’hiver renvoyé dans ses quartiers. La montagne pour moi tout seul ? Un privilège que je savoure en m’élevant sur l’agréable sentier conduisant au Pas de Siara. Les falaises du Veyou défient le randonneur juste au-dessus. Là où les grimpeurs préfèrent la trace directe, les marcheurs jouent la carte de la lenteur.

Rejoindre le sommet par le Pas de Siara demeure l’une des voies royales pour pénétrer le royaume des Trois Becs.

Mais, en hiver, l’itinéraire exige autant de prudence que de disposer de matériel adapté. Les raquettes sont restées accrochées au sac à dos. La neige est dure et la trace bien faite sur les lacets du sentier. Le soleil vient gentiment me cogner sur les épaules pendant l’ascension. Aménagements, marches et autres remblais témoignent du soin tout particulier apporté à la réhabilitation récente de ce passage. Interdit au public pendant un long moment après une série d’accidents, dont certains mortels, le Pas de Siara a fait peau neuve après un lifting de 130 000 euros. Un beau chantier, qui a métamorphosé la sente effrayante d’hier en un magnifique sentier de montagne. Une nature sauvage domptée mais qui peut reprendre ses droits l’hiver. En témoigne cette masse neigeuse qui défend les derniers mètres et dans laquelle il faut engager un pas sûr pour se frayer un passage au-dessus des barres rocheuses qui dévalent sous mes pieds.

CdR80_Trois Becs Pas de Siara départ randonnée

Cd8_bandeau 1 Pas de Siara

L’espace dégagé du Pré de l’Ane est atteint. Je suis pour ainsi dire dans le creux de la vague formée par la pente du Veyou, à l’Est, et celle de Roche Rousse, à l’Ouest. Comme beaucoup de visiteurs, je vais bouder celui-ci, considéré comme le quatrième des Trois Becs, pour gravir directement le Veyou. Une pente coriace, à avaler d’une traite, et rendue glissante par un manteau neigeux réchauffé et peu épais. La trace estivale est invisible sous cette traîtreuse couverture blanche.

En hiver, le Veyou se fait plutôt voyou

Je vais la chercher au flair en fuyant l’inclinaison de la pente de plus en plus prononcée à l’approche du sommet. En hiver l’effort est réel. La randonnée n’a rien d’une promenade de santé. La mauvaise qualité de la neige peut rendre alors l’ascension d’autant plus compliqué. Je surgis finalement au sommet, à 1589 mètres d’altitude. Je reprends mon souffle et laisse un horizon de montagnes remplir mon regard.

CdR80_Ascension du Veyou depuis le Pas de Siara

Les à-pics vertigineux du Veyou s’effondrent sous mes pieds. Je me tiens à une distance respectueuse pour ne pas risquer le grand plongeon ! Mon niveau de méfiance envers les corniches neigeuses qui s’arrondissent vers le bord des falaises atteint un seuil critique ! Pas question de se prendre pour l’un de ces chocards qui jouent les acrobates de l’air au-dessus de ma tête. Je risque un coup d’oeil prudent sur le terrain de jeu des grimpeurs avant de reporter mon regard plus loin, vers les reliefs arrondis des différents petits massifs montagneux composant le Pays de Saillans : Montagne de Faraud, Serre de l’Aup, Montagne de Gavet. Plus loin encore c’est le Diois, surmonté de la muraille du Glandasse, péninsule méridionale du massif du Vercors.

Atteindre le sommet du Veyou, c’est s’asseoir sur le trône de la Drôme toute entière

Plus impressionnante encore est la ligne formée par les cimes enneigées des Alpes. Des Grandes Rousses aux lointains massifs du Gapençais, les montagnes semblent ne jamais vouloir cesser de s’enchaîner. Les connaisseurs pourront s’amuser longuement à identifier chacun des sommets visibles. Dans mon dos, le synclinal de Saou s’évase largement jusqu’à Roche Colombe, déjà présenté précédemment dans Carnets de Rando. Puis les reliefs s’adoucissent jusqu’à totalement disparaître à l’approche de la vallée du Rhône et de la plaine de Montelimar. Bandeau sombre enveloppé dans une brume indistincte, les Monts d’Ardèche clôturent ce tour d’horizon complet sur le département de la Drôme. S’il n’est pas le point culminant du département, le Veyou demeure assurément l’un de ses lieux hauts les plus spectaculaires. Vers le Nord, les deux autres Becs m’attendent désormais : la randonnée continue !

(à suivre…)

CdR80_Veyou Trois Becs

INFOS PRATIQUES

Difficulté : difficile | Longueur : 10 km | Durée : 4h30 | Dénivelé : 965m
Carte : IGN 1/25000 TOP25 3138OT Dieulefit, Saint-Nazaire-le-Désert, Forêt de Saou
Accès : Autoroute A7, sortie 17, « Montelimar Nord ». Après le péage, au rond-point, suivre à gauche la N7, direction Montélimar. Au niveau de La Coucourde, tourner à gauche par la D74, direction Sauzet, Condillac et Marsanne. Juste après être passé sous l’autoroute, tourner à gauche par D107, direction Condillac et Marsanne. Rejoindre Marsanne et, dans le centre du village, tourner à droite en suivant la direction Cléon-d’Andran. Rejoindre Cléon et contourner le centre par la gauche. Au stop, au petit rond-point, tourner à gauche et continuer par D6, direction Puy-Saint-Martin. Rejoindre et traverser Puy-Saint-Martin, direction Crest. La route s’élève après la sortie de Puy-Saint-Martin. Dans un large lacet à gauche, la quitter à droite par la D136, direction Soyans, Saou. Rejoindre Saou et, au rond-point avant le village, tourner à droite direction Bourdeaux. A l’intersection suivante, toujours suivre la direction Bourdeaux à droite, via la D538. Juste avant d’arriver à Bourdeaux, tourner à gauche par la D156 direction Saillans, les 3 Becs. Une petite route de montagne s’envole vers le col de Gourdon. Passer le col, redescendre 150m et se stationner sur le parking affecté au départ vers le Pas de Siara. Attention, si le parking est enneigé, se stationner plutôt au col de Gourdon et rejoindre le départ du sentier à pied, par la route.
Topo : du parking, dépasser le panneau d’info sur les Trois Becs et le Pas de Siara et s’élever par un petit sentier bien marqué et balisé jaune. Le chemin est facile à suivre. A l’issue d’une montée régulière, on sort sur une zone plus rocheuse et dégagée jusqu’à atteindre une petite plate-forme avec un cairn imposant. Les falaises du Pas de Siara apparaissent nettement. Si vous les voyez sans voir le cairn, méfiance ! Vous avez peut-être manqué un petit embranchement une dizaine de mètres plus tôt : n’allez pas plus loin mais levez la tête : le cairn est probablement juste au-dessus du mur rocheux sur votre droite ! Du cairn, la trace oblique à droite dans des gradins rocheux jusqu’à rejoindre un beau chemin aménagé le long d’un raide versant. Encore quelques mètres dans les hêtres et la dernière rampe vers le Pas de Siara apparaît : en hiver, elle sera défendue par un mur de neige compact. Si la trace n’y est pas faite et que vous n’êtes pas à l’aise sur ce genre de passage, n’allez pas plus loin. Autrement, engagez-vous dans les pas déjà faits. Du Pas de Siara, obliquez à droite toute dans la pente du Veyou. L’hiver, après l’avoir attaquée droite, il est recommandé de sinuer pour échapper à la pente. On rejoint le sommet du Veyou par son épaule occidentale plus large et moins pentue. (à suivre…)

CdR80_map
Notes : l’ascension du Veyou en hiver est plus difficile qu’en été. La quantité de neige présente peut rendre la progression difficile, voire dangereuse. Il vous sera demandé de savoir apprécier le niveau potentiel de danger et de l’adapter à votre équipement et à votre expérience. Depuis son aménagement, le Pas de Siara est nettement plus fréquentable qu’il n’était jadis. Il n’en demeure pas moins un itinéraire de montagne et sa partie finale enneigée peut se révéler particulièrement piégeuse. Une fois de plus, votre appréciation et expertise sera déterminante. L’ascension finale vers le Veyou ne présente pas de difficulté particulière mais est sportive. On est loin de la randonnée raquette peinarde… Ce n’est pas un objectif pour des randonneurs qui sont encore au stade de l’initiation raquettes. Renseignez-vous sur les conditions en montagne auparavant et notamment sur le risque d’avalanches. En cas de neige (très) dure, une paire de crampons sera indispensable pour atteindre le sommet. Vous m’aurez compris : cet itinéraire est le plus alpin présenté sur Carnets de Rando cet hiver. Il s’adresse à des randonneurs expérimentés ou accompagnés.
Bibliographie : La Drôme… à pied | C’est le topo-guide officiel édité par la Fédération Française de Randonnée Pédestre. 50 suggestions d’itinéraires homologués Promenade & Randonnée y sont recensées pour approfondir votre découverte de la Drôme, accompagnés de leurs cartes et de leurs explications. Prix indicatif : 15 € | Ref.D026

EN BREF

Une randonnée sportive et épique vers l’un des hauts lieux de la Drôme alpine. Une ambiance montagne fascinante et des vues plongeantes sur les Alpes y sont pour quelque chose. L’itinéraire est cependant réservé en hiver à des randonneurs sportifs, expérimentés et parfaitement autonomes  dans de véritables terrains montagne.

by-nc-ndCe reportage Carnets de Rando, sous licence Creative Commons, est la propriété exclusive de Carnets de Rando. Son usage à des fins non commerciales est autorisé à condition de mentionner son appartenance au site www.carnetsderando.net. Pour toute autre utilisation, merci de me contacter.

4 Comments

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Bonsoir Géromine,

      Merci beaucoup ! Cette vidéo et ce reportage me ramènent déjà bien des années en arrière ! Content de voir que ce contenu trouve toujours son chemin dans les recherches des lecteurs/trices !

      Bonne soirée 🙂

      Amicalement,

      David

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