Boucle de la Roche Jella : « Jella » Borne qui me démange

Déposée sur un plateau à 600 mètres d’altitude, faisant de l’oeil à la Suisse toute proche, la paisible commune de Blamont sert de point de départ à cette large boucle qui, entre sous-bois et parcelles verdoyantes, se fraye un passage entre Histoire, légendes et horizons panoramiques. Partie la plus méridionale de l’agglomération de Montbéliard, à seulement trente minutes de là, c’est une fenêtre ouverte sur les frémissements du Jura et, plus loin encore, sur les cimes altières de l’Oberland Bernois qui coiffent l’arc alpin. Une randonnée vers la Roche Jella qui se révèle dans le parfum suave du printemps et le bourdonnement intense d’une Nature qui s’éveille après un long hiver. Pour moi le dernier épisode de cette session de découvertes autour de Montbéliard. Récit et temps forts.

Difficulté : moyen | Distance : 16 km | Dénivelé : 680 m | Durée : 5h45 | Chiens admis : oui | Carte : IGN TOP 25 1/25000è 3622OT Montbéliard, Vallée du Doubs

1 – La Fontaine de Vaugonderis

Peu de temps après avoir quitté Blamont et plongé sous le couvert protecteur des arbres, apparaît la Fontaine de Vaugonderis en contrebas du sentier, sous un beau et solide remblais de pierres de taille grises et soigneusement ajustées. Impossible de la manquer aujourd’hui. Elle n’a été pourtant redécouverte qu’en 1990 par… des randonneurs !

Longtemps sorti de la mémoire des hommes, ce beau bac rectangulaire de 3,50 mètres de long pour 1,20 de large tiendrait son nom du val situé un peu plus bas où, funestement, ont été enterrés les morts de la peste au cours du Moyen-Âge. Une association renvoyant à des temps qui semblent aujourd’hui bien loin sous la lumière tamisée du matin et les trilles joyeuses des mésanges.

2 – La Grotte de la Tante Arie

À peine 500 mètres après la fontaine, les balises pénètrent dans un sous-bois plus clairsemé sur la droite duquel apparaît une barre rocheuse de taille modeste : la paroi de la Combe Noire. On y repère facilement une ouverture circulaire appelant à l’exploration. C’est la grotte de la Tante Arie, un personnage local légendaire, devenue au fil du temps une version montbéliarde du Père Noël. Fée ou sorcière, la rumeur hésite.

Arie, dont les origines confuses se perdraient dans le souvenir des druidesses, est animée par la bienveillance et, sous des traits rendant difficiles toute appréciation de son âge véritable, parcourt les environs dans des habits d’époque accompagnée de son âne Marion. La grotte de Blamont serait son lieu de résidence préféré devant laquelle des offrandes régulièrement déposées témoignent des bienfaits qui lui sont demandés par la population locale.

3 – L’Ancienne Batterie du Fort du Lomont

Après avoir quitté les sous-bois, la trace remonte une large combe en direction du mur sombre du Bois Courbot. 200 mètres de dénivelé sous le couvert des arbres permettent d’atteindre la ligne de crête derrière laquelle les reliefs basculent vers Chamesol et, au-delà et invisibles, les gorges du Doubs. Noyé dans la végétation, un bastion massif de pierres soudées surgit un peu à l’écart du sentier à la manière d’un temple inca dans la forêt amazonienne.

C’est un vestige de l’ensemble défensif du Lomont dont le fort principal, à 2,5 km de là – mais hors de notre itinéraire – rappelle le passé militaire tourmenté de la région. Tout un pan de l’Histoire locale que j’avais évoquée dans le reportage consacré au Crêt des Roches qui, à l’instar d’aujourd’hui, passait également très près du Fort du Lomont.

Le décor de la randonnée, entre ouvertures généreuses et frondaisons des sous-bois

4 – Le Belvédère de la Roche Jella

Après avoir longtemps été emprisonnée sous les feuillages des arbres, la vue se libère à l’approche de la crête. Au-delà d’une brève avancée rocheuse une rupture sèche interdit toute continuité au sentier forcé alors de bifurquer à l’est ou à l’ouest. C’est le moment de profiter d’une pause contemplative au belvédère de la Roche Jella sur un paysage ondulant vers les Gorges du Doubs, les premiers contreforts du massif jurassien, la Suisse et son lointain arc alpin où, avec les conditions adéquates, il est possible de distinguer des sommets de l’Oberland Bernois comme la Jungfrau.

5 – Les Bornes Historiques

Si, en quittant la Roche Jella, l’itinéraire emprunte l’autoroute à balises où se mêlent GR® de Pays du Tour de Montbéliard, GR®5 et GTJ, c’est pour la quitter très rapidement et rejoindre, par une agréable petite route de campagne, le gîte de La Villa des Roses (voir plus bas, dans le Guide Pratique, la section Hébergement Possible). Poursuivant cette immersion dans le bucolique arrière-pays de Montbéliard, il dépasse plus loin la ferme du Poil de Chien et atteint la crête frontière séparant la France de la Suisse.

Si l’époque est aujourd’hui apaisée, il n’en a pas toujours été ainsi. Le territoire de Blamont, au cours des siècles, fut le jouet que s’arrachèrent – parfois dans le sang, comme lors de la guerre de Bourgogne en 1473 – les puissants du moment : Comtes de Montbéliard, Seigneurs de Neuchâtel et Bernois.

Situées à intervalles réguliers et dans des états de conservation variables, les massives bornes frontières qui jalonnent cette partie de l’itinéraire constituent les témoins muets de ces époques troublées où les terres transfrontalières valsaient d’une main à l’autre. Un cas d’école qui fait état que la situation de l’Ukraine aujourd’hui n’est qu’un énième bégaiement de l’Histoire et des désirs de conquête et d’appartenance des hommes.

Note : après avoir rejoint et traversé la route reliant Villars-lès-Blamont (France) à Damvant (Suisse) au niveau du poste frontière, l’itinéraire de la Roche Jella poursuit au fil de la frontière jusqu’au niveau du Bois des Trembles et de la borne frontière 417 (jonction avec le GR®5 et le GR® de Pays). Il est ici possible (à condition de l’avoir prévu dès le départ) de poursuivre par le circuit étendu dit des Bornes initialement constitué de deux demi-circuits (partie haute [4A] et partie basse [4B]) pour revenir à Blamont. Le circuit que je présente ici correspond au demi-circuit [4A] partie haute. — voir plus bas, dans le Guide Pratique)

6 – Environs de Villars-lès-Blamont

Après avoir tourné le dos à la frontière, l’itinéraire s’emploie à descendre en pente douce en direction de Villars-lès-Blamont. Une brève incursion en agglomération renvoie ensuite la trace plein nord pour une traversée à ciel ouvert de vastes espaces cultivés. Ici le relief ondule en croupes larges et douces sur lesquelles déroule le tracé crayeux du chemin. Le/la randonneur/se y croise le regard de Montbéliardes curieuses mâchonnant l’herbe verte et généreuse qui recouvre le sol de parcelles plus étroites. Il flotte en ces lieux une certaine idée d’irradiation printanière. Au-delà des découvertes historiques et patrimoniales, l’atmosphère particulière de cette saison plonge l’ensemble de la randonnée dans une ambiance délicieuse qui en sublime l’expérience.

7 – La Fontaine Ronde

Un brusque crochet du balisage expédie la trace dans un couloir constellé de Boutons d’Or, ces renoncules bien connues, que seule l’ondulation d’un précédent piétinement permet de discerner au sein de cette marée dorée. À sa sortie s’ouvre à nouveau le puits sombre des sous-bois qui s’écroule rapidement, à la faveur d’un thalweg, jusqu’au pied sud-est de la haute colline soulevant Blamont.

Si, en continuant à gauche par le large chemin retrouvé, il serait possible de rejoindre la Fontaine de Vaugonderis du départ, c’est à droite que l’itinéraire se poursuit, en direction d’un autre point d’eau : la Fontaine Ronde. Recueillie dans une auge rectangulaire alimentant un bassin circulaire de 1,30m de diamètre, on prêterait à son eau fraîche et pure des vertus médicinales !

8 – La Source de la Creuse

Un peu plus haut, à la faveur d’un crochet, l’itinéraire s’engage dans la partie supérieure du vallon de la Creuse (photo ci-dessus) dont les eaux encore jeunes cascadent joyeusement vers le nord-est où elles retrouveront rapidement celles de la Doue au niveau de Glay, un autre joli spot des alentours que j’ai déjà évoqué dans le TOP5 des randonnées à faire autour de Montbéliard. La Creuse – rien à voir avec la rivière du département éponyme ! – qui babille ici avec entrain, tend à faire oublier que l’approvisionnement en eau à Blamont ne remonte qu’à la fin du 19ème siècle.

La Source de la Creuse, qui apparaît plus haut dans un immense bassin, malgré son flux abondant et constant, n’a longtemps pu être exploité qu’à pied, par un long et difficile chemin en pente. Il faudra patienter jusqu’en 1890 et l’intervention des Ponts et Chaussées pour élaborer une machine capable d’élever l’eau de la Creuse jusqu’au village. Des détails de l’Histoire à garder en mémoire à l’heure où l’eau semble si facile d’accès depuis le confort de nos maisons.

VENIR DANS LE PAYS DE MONTBÉLIARD

Montbéliard est bien desservie en voiture, notamment par l’A36, cette autoroute qui relie l’A6 – à Beaune – à l’A35 – à Mulhouse. Qu’on vienne du sud, comme moi, de l’ouest, de Strasbourg ou de Paris, il y a de grandes chances de converger vers celle-ci pour rejoindre Montbéliard. Le réseau routier, suffisamment dense dans l’agglomération, est ensuite largement recommandé pour rejoindre le départ des différentes randonnées.

Des TER et des TGV Inoui assurent également des liaisons quotidiennes entre Montbéliard, Strasbourg et Dijon pour celles et ceux qui préfèrent le train. C’est cette solution qu’on avait choisie pour venir depuis la Côte-d’Or où on faisait étape après un tournage dans la Nièvre. Une fois à Montbéliard, on avait loué une voiture chez France Cars pour toute la semaine, agence la plus économique par rapport à la concurrence.

Accès à Blamont

Depuis le centre de Montbéliard, Blamont s’atteint en une petite demi-heure de route. Il faut pour cela suivre la direction A36 pour Besançon et Pontarlier (panneau vert). Après avoir traversé le Doubs on suivra à gauche la D126 direction Audincourt qu’il faudra rejoindre en franchissant, plus loin, le grand pont blanc indiquant à gauche Mandeure, Audoncourt et Séloncourt. Dans le centre d’Audincourt, au feu, tourner à droite par la D437 puis, au rond-point un peu plus tard, suivre la sortie Bondeval, Blamont par la D35. Rejoindre Blamont où il est possible de se stationner sur le grand parking situé derrière la Maison Pour Tous, au sud de la Place des Tilleuls, point de départ de cette randonnée à la Roche Jella.

Roche Jella & Circuit des Bornes : le Topo

Pas besoin de faire du copier-coller de ce que les responsables du club de randonnée d’Hérimoncourt, initiateurs de cet itinéraire, ont déjà parfaitement fait dans le Guide de Randonnée du Pays de Montbéliard et dans lequel apparaît cet itinéraire vers la Roche Jella parmi 54 autres suggestions allant du facile au difficile. Vous pouvez le commander sur le site de Pays de Montbéliard Tourisme pour la somme de 15 euros.

L’itinéraire présenté ici fait partie d’un circuit plus large appelé Circuit des Bornes et composé de deux segments, haut et bas. Ce reportage concerne le Partie Haute. Les pas-à-pas des deux segments du circuit complet des Bornes – partie haute et basse, respectivement identifiés comme 4A et 4B – sont accessibles en téléchargement sur le site de la Randonnée Hérimoncourtoise : 4B – Partie Basse / 4A – Partie Haute

L’itinéraire de la Roche Jella fait également l’objet d’une inscription sur Cirkwi.

Et, pour être exhaustif, voici la trace GPX

RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES & DIFFICULTÉ

Rien d’insurmontable sur cet itinéraire bouclant autour de la Roche Jella qui emprunte des sentiers et chemins parfaitement marqués et balisés. Une longueur raisonnable et un dénivelé moyen permettent de l’adresser à un large éventail de randonneur/ses. N’oubliez pas votre pièce d’identité car, même si les contrôles sont plus rares qu’il y a quelques siècles, vous évoluez sur un itinéraire transfrontalier. Le parcours coupe par ailleurs régulièrement des zones de pâture équipées de barrières : pensez à bien les refermer derrière vous.

LIENS UTILES

Pour une approche globale de la destination, je vous adjoins en lien le site de Pays de Montbéliard Tourisme qui vous permettra, en marge des reportages du blog, de découvrir l’identité et l’ensemble des possibilités touristiques offertes par le territoire.

Également en lien la page de la Randonnée Hérimoncourtoise, responsable du balisage et du petit entretien des sentiers sur cette partie du territoire.

HÉBERGEMENT ASSOCIÉ

Gîte La Villa des Roses

Bâtie au bord du sentier de la Roche Jella et accolée entre la lisière d’un sous-bois et une grande prairie fleurie, la Villa des Roses invite à savourer une pause quotidienne au retour de sa randonnée. À deux pas de la Suisse c’est un lieu raffiné et agréablement douillet pour apprécier cette partie du territoire de Montbéliard. Anne-Françoise, aux commandes, saura vous régaler tant de son sourire que de ses délicieux biscuits faits maison. On y a savouré le pique-nique d’une manière parfaitement improvisée qui nous a susurré l’envie de prolonger l’expérience à l’hébergement si notre emploi du temps avait pu rendre la chose possible ! Le gîte peut être loué pour le week-end, la mi-semaine ou la semaine complète. Tarifs : à partir de 200 euros. Infos et réservations sur le site des Gîtes de France.

Remarque : les informations données dans ce reportage « la Roche Jella » engagent uniquement la responsabilité de l’utilisateur/rice sur le terrain qui saura les adapter à son niveau et à son expérience. Carnets de Rando ne saurait être tenu responsable de tout accident survenant suite à un mauvais usage de ce topo ou à une mauvaise appréciation du niveau du/de la pratiquant(e) par rapport à celui requis.
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