La Jarjatte, c’est la Drôme lointaine des montagnes, celle des sommets qui frappent à la porte des Alpes. A la sortie du Buëch et du Haut-Diois, ce petit vallon accueille un amphithéâtre de falaises gigantesques qu’il est possible d’admirer à partir de belvédères à l’altitude plus modeste. Le Collet de l’Aigle est l’un d’eux, accessible l’hiver en raquettes au terme d’un itinéraire forestier enchanteur. Carnets de Rando a bravé le froid et l’a parcouru pour vous. Itinéraire d’un randonneur gelé.
Mais où diable est donc passé ce soleil qui illuminait les routes du Buëch après Serres ? Au-delà de Saint-Julien-en-Beauchêne, le pronostic de la météo se fait soudain incertain. La perturbation n’est pourtant attendue que demain… Sur la D1075 qui rejoint l’Isère par le col de la Croix-Haute, le gris a subitement remplacé le bleu, l’ombre la lumière et le doute l’enthousiasme de la première heure. A quelques kilomètres du col, le Jocou, plus sommet du Haut-Diois et objectif du jour, est invisible, enfoui derrière l’ épaisse couche d’un brouillard peu engageant. La perspective d’une éclaircie est mince. Il va falloir revoir notre plan de route…
La frontière entre le beau et le mauvais, où l’azur omniprésent dispute sa part du gâteau à des bancs de nuages offensifs, c’est la Jarjatte. Un bout de vallée à l’extrême nord-est du département de la Drôme. Une entrée souveraine vers les sommets du Dévoluy qui marque le passage du relais des Préalpes aux Alpes. Posé à l’entrée de cet espace naturel de liaison entre deux mondes et deux départements, le village de Lus-la-Croix-Haute est le point de départ de nombreuses randonnées pour partir à la découverte de la Jarjatte. Le Collet de l’Aigle est l’une d’entre elles. Une boucle d’une demi-journée, idéale pour l’hiver, pour admirer les murailles du Dévoluy sans non plus être trop alpine pour les raquettes. Improvisation, quand tu nous tiens !
J’ai toujours trouvé une certaine similitude entre ces sommets exhibant avec insolence leur verticalité minérale et les paysages des Dolomites en Italie. A la Jarjatte, il y a un peu de la magie du Lavaredo.
Départ le long d’un Buëch tout jeune, lancé dans les premiers kilomètres de sa course pour rejoindre la Durance à Sisteron. Atmosphère hivernale marquée dans ce vallon de la Jarjatte dominé par les immenses falaises glacées de la face nord du Grand Chamousset. C’est ma première fois en ce lieu. J’ai souvent posé mes yeux sur ce vallon en passant devant en voiture, fasciné par ces sommets colossaux qui le clôturent. J’ai toujours trouvé une certaine similitude entre ces sommets exhibant avec insolence leur verticalité minérale et les paysages des Dolomites en Italie. A la Jarjatte, il y a un peu de la magie du Lavaredo. Habile à faire disparaître les choses, la magie en question a précisément fait s’évanouir ces vedettes aujourd’hui. Un comble.
L’essentiel de la randonnée s’effectue au coeur de la forêt domaniale de Lus. A 1000 mètres d’altitude, la neige encore timide ne justifie aucunement l’usage des raquettes mais, comme on a besoin de se croire en hiver, on les chausse dès les premiers passages blancs. 400 mètres plus haut, plus la peine de faire semblant : la neige s’est installée en comblant le moindre espace libre. A chaque mètre d’altitude gagné, l’empreinte de l’hiver se fait plus forte.
Sous le sommet, notre monde est devenu entièrement blanc, tombé sous le joug dictatorial du froid.
Une prison de givre et de glace baillonne la forêt, murée dans un silence étrange. Deux chamois s’enfuient au-dessus de nous, presque sans bruit, comme s’ils se contentaient de flotter sur la neige avec impertinence. Bipèdes maladroits et lents, nous nous armons de prudence dans la dernière traversée conduisant au collet.
Sitôt le collet franchi, un vent mordant et chargé d’un froid nordique nous accueille. Mon sang paniqué me donne l’impression de s’enfuir de chaque veine de mon corps. Impossible d’affronter cet adversaire tout en faisant des images. Je renonce à utiliser le trépied. Les plans se feront en tremblant et à main levée : les ingénieurs de Sony ont armé le stabilisateur optique pour pouvoir faire face à ce genre de situation. En revanche, ceux de Lafuma n’ont pas pensé aux écrans tactiles en fabriquant leurs gants… J’enrage de ne pouvoir faire mieux mais la crête est tout simplement invivable pour nous autres humains. Paradoxalement, le froid paroxystique révèle la Jarjatte comme jamais. Le spectacle des sommet du Dévoluy transperçant les nuages me force à tenir malgré tout ma caméra à bout de doigts. Combien de temps va-t-on pouvoir demeurer ici ?
Sur la carte, atteindre le sommet du Claret est évident. Sur le terrain, en plein hiver, harcelé par des températures négatives, l’obstacle de ce gendarme nous en séparant paraît infranchissable. Une face nord dans l’ombre, un terrain déversant et défendu par de nombreuses petites barres rocheuses, une trace invisible… Autant d’éléments qui ne jouent pas en faveur de nos raquettes. L’usage de crampons me paraît inévitable. Encore faudrait-il en avoir… D’un commun accord, nous optons pour un retour par le même itinéraire et tant pis pour la boucle promise. J’ai envie de positiver et de remercier Dame Nature pour ce créneau de météo inespéré et pour ces paysages de montagne grandioses. La morsure de l’hiver révèle la beauté de ce vallon de la Jarjatte sous un jour nouveau. Un terrain de jeu énorme qui appelle définitivement une seconde visite.
INFOS PRATIQUES
Difficulté : difficile | Longueur : 8 km | Durée : 4h | Dénivelé : 625m
Carte : IGN 1/25000 TOP25 3237OT Glandasse, Col de la Croix-Haute
Accès : rejoindre Grenoble depuis Lyon par A48, ou depuis le sud, via Valence, par A7 puis A49. Après le péage de Voreppe, continuer par la rocade en suivant la direction Gap. Poursuivre par l’A51 (péage). Quand l’autoroute se termine, au rond-point, continuer tout droit par la D1075, direction Gap, Sisteron. Passer le col de la Croix-Haute (se renseigner sur les conditions de circulation l’hiver). Environ 6km après le col, tourner à gauche direction Lus-la-Croix-Haute par la petite D505. Dans Lus, suivre la direction les Corréardes et la Jarjatte. Se garer au niveau d’une pinède et du pont du Trabuëch après moins de deux kilomètres. Possibilité de rejoindre Lus en venant de l’A51 par le sud : sortir à Sisteron-nord et suivre la D1075 via Laragne et Serres, direction Grenoble. En venant de la vallée du Rhône, rejoindre Serres par la route de Nyons et les gorges de Saint-May (D994).
Topo : le topo de cet itinéraire est à télécharger gratuitement sur le site de Eskapad ou directement en cliquant sur ce lien : topo de la randonnée
Notes : en mode été, le final de la randonnée doit être plus facile et ferait passer la cotation de difficile à moyen. En hiver, je vous recommande la prudence sur la dernière partie de cet itinéraire. Vous aurez à franchir en traversée des pentes un peu plus raides que sur le reste de l’itinéraire et légèrement en-dehors de la protection de la forêt. Respectez les distances de sécurité entre vous. N’oubliez pas vos ARVA, pelles et sondes au cas où. Le franchissement du gendarme en raquettes n’est absolument pas recommandé. Ne vous y engagez pas.
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EN BREF
L’hiver venu sublime cet itinéraire qui fait s’élever le randonneur sur les hauteurs du vallon de la Jarjatte. Un effort abordable, récompensé par le spectacle des murailles du Dévoluy. Une très belle randonnée à raquettes dans un cadre qui mérite d’être découvert.
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Un seul mot : SUBLIME !!!!!!!!!!!!! je reste sans voix. (Y) Merci à tous les deux pour votre complémentarité dans cet amour des cimes etc……… Félicitations les photos sont superbes j’en avais les larmes aux yeux. <3
Vous ne pouviez pas être déçu en venant ici… et de Vous à Moi, il y a encore un nombre infini de rando à découvrir en toutes saisons. En tout cas votre reportage est superbe, comme ce Pays tout entier
bien cordialement
oui la Jarjatte a l’air encore riche de découvertes à venir ! j’espère pouvoir y revenir aux beaux jours pour faire écho à ces images hivernales sous un autre jour. Merci pour votre commentaire Christian, à bientôt !
un seul mot » MAGNIFIQUE »
merci ! la Nature nous aide bien à réaliser des images magnifiques il faut dire 🙂
sublime comme elles sont belles nos montagnes dromoises
Lus la Croix est un petit coin de paradis pour les amateurs de randonnées quelque soit la saison. J’y séjourne régulièrement et j’en reviens toujours émerveillé. Merci au nom des lussois pour ce beau billet enneigé.
Paysage hivernal à souhait et un massif des plus intéressants à première vue ! C’est noté dans un petit coin, restera à mettre en musique ! En tout cas merci pour ces images sensationnelles !
La Jarjatte est également magnifique une fois les beaux jours revenus. Les murailles du Dévoluy qui la clôturent dégagent une véritable impression de force. On ne peut être que sous le choc et sous le charme. J’espère avoir un peu de temps pour y faire un reportage estival. Merci pour votre commentaire !