Mont Valier : à l’assaut du Géant de l’Ariège

Le Mont Valier. Tout un symbole ici en Ariège. Probablement s’agit-il de la montagne la plus iconique, celle suscitant un fort sentiment d’appartenance au territoire. C’est le Cervin des Suisses, le Triglav des Slovènes. Le Valier c’est une fierté et un géant qu’on repère à distance parmi les sommets des Pyrénées. Sa forme aimante le regard et enflamme l’imagination en faisant naître de brûlantes envies d’ascension. Je lui étais passé à côté lors de ma traversée des Pyrénées de 2002, me trouvant alors plus côté espagnol et visant le Mont Rouch pour rejoindre ensuite la Pica d’Estats et l’Andorre. L’occasion se présentait donc, près de vingt plus tard, d’atteindre le sommet préféré des ariégeois(es). Un rendez-vous qui nécessite pas mal de préparation physique pour être réussi.

Difficulté : difficile | Distance : 18 km | Durée : 8h15 | Dénivelé : 1890m | Carte : IGN TOP25 2048OT Aulus-les-Bains, Mont Valier

DE LA MAISON DU VALIER À LA CASCADE DE NÉRECH

3,5 km – 410m D+ – 1h20

Top départ dans le val boisé et accueillant du Ribérot, ce torrent déjà large roulant en rythme sur son lit de galets, qui dévale devant les beaux bâtiments de pierres de taille et de bois de la Maison du Valier. Il plane ici un parfum d’insouciance, bien loin de l’effort et de la rudesse de l’ascension à venir. Car, oui, le Mont Valier se mérite. N’allez pas croire qu’il tombera sa petite culotte facilement, pour reprendre l’expression de Ed « Bud » Harris dans le Abyss de James Cameron.

C’est un client sérieux qui pourra prendre de court même les mieux préparé(e)s ! J’en ai fait la douloureuse expérience, à l’instar de mon chemin de croix vers le Mont Buet, en Haute-Savoie ! Mais ne brûlons pas les étapes et revenons-en au démarrage, tout en allégresse, qui, d’amusantes passerelles en hêtraies ombragées, joue les échauffements par le truchement de segments à la pente modérée qui annoncent cependant la couleur à venir.

Un débit tout en fraîcheur, à saute-mouton au-dessus du cours du Ribérot

Ce sont ainsi 400m de dénivelé qui s’étirent tout en nuances entre la Maison du Valier et la magnifique Cascade de Nerech. Imaginez un entrelacs de fins fils d’argent glissant sur la peau sombre d’un immense versant de roche nue qui ferme partiellement l’hémicycle dans lequel vient s’achever ce prologue. Le genre de spectacle dans la beauté duquel se noie la présence plus forte de l’effort.

Pour beaucoup, la cascade de Nérech c’est le terminus de la journée, un site suffisant pour s’abreuver à la richesse de la montagne. Mais pas pour les candidat(e)s au Mont Valier qui lèveront la tête, incrédules, à la recherche du passage pour venir à bout de ce mur à l’aspect infranchissable.

La suite se dévoile dans un pan rocheux, à gauche, tapissé d’aulnes et de dalles rocheuses. Un escalier tortueux, raide et exposé à la chaleur qui, loin de marquer la fin des hostilités, annonce bien au contraire l’élévation au grade de difficulté supplémentaire. Un stade où la solidité du mental sera, croyez-moi, aussi indispensable que la force du mollet.

DE LA CASCADE DE NÉRECH AU REFUGE DES ESTAGNOUS

3,5 km – 895m D+ – 2h40

Avec l’ascension du Crabère la veille en mode caméra – voir le TOP5 des Sommets Ariégeois – et le poids de la saison déjà bien entamée des tournages dans les guibolles, j’ai littéralement succombé à cette seconde partie de l’ascension. La plus féroce, la plus chaude, la plus éprouvante, celle au cours de laquelle tonus et énergie ont fui plus vite que de l’eau à travers une gourde percée, se répandant exsangues sur un sentier chauffé à blanc par le soleil d’été. De l’authentique souffrance.

Épreuve de force. Cette seconde partie se fait à la patience, entre sincère dépit et épuisement profond. La montagne m’a collé une sacrée baffe dont je me souviendrai longtemps.

Que ce soit pour dépasser la cascade de la Lauze, péniblement atteindre la cabane des Caussis ou ramper en martyr de la montagne jusqu’au refuge des Estagnous, ces 900 mètres de dénivelé, sans repère et désespérément nus et raides dans leur final, m’ont sévèrement remis à ma place. Je suis contraint de laisser filer mes figurants, remiser ma caméra et serrer les dents pour arriver avant l’heure du repas au refuge qui affiche complet ce soir-là et où je me heurte à une ambiance de stade un soir de finale. Rude pour moi.

Pour moi l’heure est plus à la récupération qu’à la fête, aux envies d’isolement et de calme que de sociabilité forcée et de déconne totale. Il me faudra tout le sens de l’accueil et la délicieuse cuisine de Laurent et de Stéphane, le tandem de gardiens d’exception du lieu, pour me permettre, peu à peu, d’abandonner comme un vieil habit la pénibilité de cette ascension pour savourer, avec le collectif, le plaisir d’une soirée aux Estagnous.

Après le dîner, un bain dans la lumière orangée d’un spectaculaire coucher de soleil rétablit l’équilibre avec le lieu, diluant la charge mentale et apaisant la douleur des muscles. L’heure est à la contemplation et à l’oubli. Dans un ultime éclat d’or, le Valier s’embrase devant moi, réveillant cette vivace passion que la souffrance d’il y a quelques heures avait salement gangrenée. La blessure est déjà ancienne. Le sommet appelle avant de s’effacer dans l’obscurité pour devenir une masse sombre couronnée d’étoiles.

DU REFUGE DES ESTAGNOUS AU SOMMET DU MONT VALIER

2 km, 585m D+, 1h40

La face ouest du Valier, dans laquelle se déroule le le final de l’ascension, demeure majoritairement à l’ombre le matin. Une trace plutôt constante en difficulté s’y dessine depuis le refuge jusqu’au col de Faustin. Débarrassé du poids du sac et fort de la récupération de la nuit de sommeil passée, j’y retrouve le rythme habituel d’un pas vif et sautillant, plus propice à réaliser des images que sous le poids accablant de la fatigue.

Ce dernier chapitre vers le sommet, malgré quelques passages raides et/ou équipés, reste une formalité.

Le plus dur est derrière soi, à condition d’avoir dormi au refuge. Après un dernier segment dans la rocaille de la pente sud les 2838 mètres du colosse sont finalement atteints libérant un horizon exceptionnel sur les Pyrénées ariégeoises et espagnoles. C’est un roc ! C’est un pic ! C’est un cap ! C’est… le Mont Valier ! Une ascension définitivement dantesque et marquante, 100% incontournable pour qui aime collectionner les sommets.

Depuis le sommet, une crête orientée au sud-est invite à prolonger un peu plus longtemps l’ivresse de la victoire. Et aussi à s’éloigner discrètement de l’agitation sommitale. Nombreux sont en effet les lauréat(e)s à venir ce matin décrocher leurs lauriers de la croix du Mont Valier. De notre petit perchoir excentré, cette euphorie collective est placée à distance, remplacée par la mélopée de l’air qui remontent des ravins sombres flanquant l’austère et raide face est du sommet.

À peine plus hospitalières, les pentes du versant nord ouvrent cependant plus généreusement sur un vallon où s’aperçoivent les Étangs d’Arauech et de Milouga, accessibles depuis la cabane du Taus. Les cimes espagnoles, comment souvent en Ariège, sont elles aussi à portée de main. Au Valier, au-delà du Pic de la Pale de la Clauere au sud, c’est le plongeon sur la vallée de la Noguera Pallaresa, voie d’accès à la station de Baqueirat. Plus loin encore, l’œil averti distinguera les reliefs formant le fabuleux Parc National d’Aigüetortes.

UN MOT SUR LA DESCENTE

Occulter la phase de descente à l’aune de la seule réussite du sommet serait maintenant une erreur préjudiciable ! Dans un sens ou dans l’autre, les près de 2000 mètres de dénivelé du Mont Valier existent bel et bien. On pourra certes, comme moi, laisser infuser une humeur plus guillerette dans ce sens mais le maintien de l’attention et de la tonicité sera indispensable pour ne pas faire du chemin inverse une répétition du douloureux épisode de l’ascension. La journée ne s’arrête pas à la croix du Valier !

MONT VALIER, LE GUIDE PRATIQUE

Recommandations Particulières

Mon expérience personnelle n’a forcément pas valeur à être universelle mais, même sans cette défaillance liée à un contexte particulier, je n’en aurais pas moins rédigé le même avis quant à cette ascension exigeante. Rien de bien technique dans cette entreprise où le sentier est toujours parfaitement dessiné mais, en revanche, beaucoup d’humilité face à l’effort et énormément de patience pour parcourir la distance entre le départ et le sommet. Un gros mental sera votre meilleur compagnon de route.

Il est donc vivement recommandé de couper l’effort en deux et de passer une nuit au refuge des Estagnous, ne serait-ce que pour profiter de Laurent et de Stéphane, crème de la crème de la profession de gardien. Oui les Estagnous peuvent être une usine à gaz – je vous rappelle qu’on parle du Valier ! – mais il y règne un vrai esprit refuge, on y mange plus que copieusement et c’est un spot à coucher de soleil parmi les plus beaux des Pyrénées. Plus d’infos ci-après, partie « Hébergement ».

Topo Pas-à-Pas

depuis le parking, basculer dans le vallon du Ribérot, en contrebas et le remonter en rive gauche en passant sous la Maison du Valier. Suivre alors toujours les balises rouge et blanc du GR®T55 – via la cabane de Nerech puis la cascade du même nom (1) – jusqu’à la cabane des Caussis (2). De là, suivre le balisage jaune qui poursuit en ascendance par la gauche jusqu’au refuge des Estagnous (3). Continuer au-delà du refuge par un chemin évident qui arrondit dans le versant ouest du Valier – ignorer le sentier indiquant, à gauche, le col de Pécouch. On rejoint le col de Faustin (4) à partir duquel on oblique à gauche pour gravir une dernière pente et atteindre le sommet du Mont Valier (5). Descente par le même itinéraire.

Saisonnalité

L’ascension peut-être réalisée dès que la neige a disparu. Cela correspond plus ou moins à la période d’ouverture du refuge, soit mi-juin. Elle peut être effectuée jusqu’au retour de l’hiver, généralement donc jusqu’à la mi-novembre maximum.

Pour en faire plus

Une très large partie de cette ascension constitue un segment de la superbe et sportive Pass’Aran, itinérance transfrontalièr de 5 jours entre Ariège et Val d’Aran. Cet itinéraire d’exception s’adresse à des randonneurs/ses aguerri(e)s et familier(e)s avec l’orientation et la lecture de carte, conditions sine qua non pour profiter en sécurité de ce tracé sauvage auquel peut s’ajouter quelques belles ascensions comme, présentement, le Mont Valier mais aussi le Crabère, le Barlonguère et le Maubermé. Un programme alléchant, en forme de défi, à faire absolument pour tou(te)s les passionné(e)s d’itinérance en montagne. Plus d’infos sur le site de la Pass’Aran.

Hébergement

Le Refuge des Estagnous

Les Estagnous, c’est une institution. Pas seulement en Ariège mais dans toutes les Pyrénées. Il fait partie de ces lieux dont l’histoire et la notoriété ont dépassé les vallées, aujourd’hui couplé à celle du Mont Valier au pied duquel il est posé. Avec une origine remontant à 1912 c’est l’un des plus anciens refuges du massif ! Et, à refuge d’exception, gardiens exceptionnels. Stéphane et Laurent vous accueillent avec leur belle énergie et leur professionnalisme dans leur refuge de 72 places, hébergement officiel sur la Pass’Aran précédemment mentionnée et étape en vigueur sur l’ascension du Valier. Aussi incontournable que le sommet qu’il dessert. Infos et réservations : 05 61 96 76 22 ou mail refuge.estagnous@gmail.com

Remarque : les informations données dans cet article engagent uniquement la responsabilité de l’utilisateur/rice sur le terrain qui saura les adapter à son niveau et à son expérience. Carnets de Rando ne saurait être tenu responsable de tout accident survenant suite à un mauvais usage de cet article ou à une mauvaise appréciation du niveau du/de la pratiquant(e) par rapport à celui requis.

4 Comments

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Hello Gwendal !

      Merci pour ce retour ! Ça fait toujours plaisir à lire et j’espère que ça te permettra de concrétiser une envie de découvrir les sommets ariégeois !

  1. Guyot Stéphane Répondre

    Hello David,
    Merci pour ta revue, ainsi que les 2 vidéos sur le mont Valier, toujours d’une grande qualité avec une ambiance plus que réaliste ce qui donne envie de suivre tes pas…justement, l’actualité récente, avec ce militaire connu qui a chuté sur le col de Faustin, m’amène à te demander si cette randonnée est dangereuse où si je peux l’aborder avec prudence et préparation ?
    J’ai déjà fait 2 « 3000» col de Ignes et col du Touno, tous 2 en Suisse.
    Merci à toi,
    Stéphane

    1. carnetsderando Auteur de l'article Répondre

      Salut Stéphane,

      Désolé de te répondre un peu en retard. J’étais en congé tout le mois d’août, sans réseau et sans ordi. J’ignorais qu’il y avait eu un accident au col de Faustin et je t’avoue que j’ai du mal à réaliser comment cela a été possible ? Mauvaises conditions météo peut-être ? On le voit ce col sur les vidéos (il y a un bandeau qui le nomme à ce moment-là d’ailleurs). Et comme tu peux le constater c’est un endroit large où du monde fait la pause tranquillement avant de poursuivre vers le sommet. Alors non, je ne qualifierai pas cette randonnée de dangereuse. Fatigante assurément. Mais c’est un sentier qui se suit bien avec, tu l’as vu dans la vidéo, de très brefs passages où il faut mettre un peu les mains mais qui sont bien équipés. De la prudence et de la préparation seront donc les seuls éléments à intégrer à ta préparation.

      Merci pour ton commentaire et au plaisir de te lire une prochaine fois,

      Amicalement,

      David

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